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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

14 DÉCEMBRE 1996


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Révision de l'article 59 de la Constitution


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES PAR M. ERDMAN


I. INTRODUCTION DU RAPPORTEUR

1. Généralités (1)

Le texte actuel de l'article 59 de la Constitution, qui n'a subi aucune modification depuis 1831, est rédigé comme suit :

« Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière de répression, qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie, sauf le cas de flagrant délit.

Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de l'une ou de l'autre Chambre durant la session, qu'avec la même autorisation.

La détention ou la poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session et pour toute sa durée, si la Chambre le requiert. »

L'article concerne ce qu'on a appelé « l'inviolabilité parlementaire » ou « l'immunité relative », par opposition à « l'irresponsabilité parlementaire » ou à « l'immunité absolue » visée à l'article 58 de la Constitution. Cette « irresponsabilité parlementaire » concerne les opinions ou les votes qu'un membre d'une des deux Chambres émet dans l'exercice de ses fonctions et pour lesquels ce membre ne peut être ni poursuivi ni soumis à une quelconque enquête.

Les immunités parlementaires sont accordées pour assurer le bon déroulement des travaux parlementaires. En tant que telles, elles ne sont pas, du moins pas directement, axées sur la protection de la personne du parlementaire. Il y a lieu, dans un contexte d'opposition des pouvoirs, de protéger le pouvoir législatif contre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. C'est pourquoi les immunités sont d'ordre public et, dès lors, les parlementaires ne peuvent pas y renoncer. Ils ne peuvent pas renoncer à l'effet protecteur du mandat qu'ils exercent. Seule la Chambre concernée peut lever l'immunité parlementaire, c'est-à-dire donner l'autorisation d'accomplir des actes de poursuite ou d'arrestation.

Le cas de flagrant délit constitue la seule exception. Dans ce cas, aucune autorisation de la Chambre concernée n'est requise pour que des actes de poursuite ou d'arrestation puissent être accomplis. La ratio legis de cette exception, c'est qu'il faut prévenir la perte d'éléments de preuve. Les poursuites pénales qui auront été engagées à la suite d'un flagrant délit seront néanmoins suspendues si la Chambre dont le parlementaire poursuivi fait partie le requiert.

L'immunité parlementaire garantit le libre exercice du mandat. La protection ne vaut donc que pour la durée de la session. Des actes de poursuite ou d'arrestation accomplis en dehors de la session peuvent, à la demande de la Chambre concernée, être suspendus pour la durée de la nouvelle session.

Pour concilier l'intérêt d'une administration démocratique de la justice dans le cadre des actions criminelles et l'intérêt d'un bon fonctionnement des institutions législatives, la Chambre concernée peut également décider de ne lever que partiellement l'immunité parlementaire. Dans ce cas, elle autorise simplement l'accomplissement d'actes d'instruction spécifiques.

Contrairement aux actes d'instruction que le juge d'instruction ne peut accomplir qu'avec l'autorisation de la Chambre, l'information peut être accomplie sans cette autorisation. L'on peut prendre, dès lors, des mesures d'information qui doivent permettre d'étayer et de légitimer la demande d'autorisation.

La demande de levée de l'immunité parlementaire doit, en effet, être motivée et contenir l'exposé des griefs.

La demande de levée de l'immunité est faite par le procureur général compétent près la cour d'appel et est adressée au président de la Chambre concernée. Au Sénat, elle est examinée par la Commission de la Justice (2); à la Chambre des représentants, une commission spéciale est instituée pour chaque cas.

La levée de l'immunité parlementaire est une condition spécifique pour que des poursuites pénales puissent être engagées contre un membre d'une des Chambres. Des actes d'instruction accomplis sans la levée requise de l'immunité parlementaire sont nuls de plein droit.

2. Jurisprudence de la Commission de la Justice du Sénat concernant les poursuites à charge d'un membre du Sénat

La jurisprudence de la Commission de la Justice en matière de poursuites à charge d'un membre du Sénat se caractérise par la recherche d'un équilibre entre l'intérêt de l'administration de la justice pénale, d'une part, et celui de la régularité et de la qualité du fonctionnement du Sénat, d'autre part.

Cette opposition d'intérêts fait que deux conditions doivent être remplies pour que le Sénat prononce la levée de l'immunité parlementaire (art. 59, alinéa 1er ) ou requière la suspension des poursuites engagées (art. 59, alinéa 3) :

(1) la poursuite doit être sérieuse et honnête, et ne saurait être inspirée par des raisons autres que la nécessité d'une bonne administration de la justice;

(2) la poursuite ne saurait menacer la régularité et la qualité du fonctionnement du Sénat (voir Hayoit de Termicourt, mercuriale du 15 décembre 1955, R.W. , 1955-1956, nº 28 et suivants) (doc. Sénat, S.E. 1988, nº 334, p. 5).

Le fait que l'intéressé consent ou non au maintien de son immunité parlementaire ne constitue pas un argument déterminant aux yeux de la commission (doc. Sénat, S.E. 1988, nº 334, p. 6).

En principe, la commission n'a pas à se prononcer non plus sur la culpabilité ou l'innocence de l'intéressé (doc. Sénat, S.E. 1988, nº 334, p. 2).

Néanmoins, la commission devra nécessairement prendre connaissance du dossier concret, en particulier pour être en mesure de contrôler que les deux conditions citées ci-dessus sont remplies.

Le dossier concret sera spécialement déterminant pour l'application de l'article 59, alinéa trois, étant donné qu'alors les poursuites pénales seront déjà souvent à un stade avancé.

Sans se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence, le Sénat peut, le cas échéant, dans une application de l'article 59, troisième alinéa, tenir compte d'un projet de réquisition finale du procureur du Roi visant à un non-lieu pour le sénateur en question.

Sur la base de ce projet de réquisition, on peut en effet conclure à la non-existence d'un fondement « certain » (doc. Sénat, 1990-1991, nº 1148, pp. 4-5).

À l'inverse, le projet de réquisition finale tendant au renvoi des poursuites peut cependant aussi conduire à la conclusion que la levée de l'immunité ou le rejet de la requête en suspension des poursuites ne menacerait pas ou guère la régularité et la qualité du fonctionnement du Sénat (doc. Sénat, S.E. 1988, nº 334, p. 5).

En outre, la connaissance du dossier permettra de refuser la levée de l'immunité ou de ne pas requérir la suspension des poursuites lorsque l'action du parquet est, par exemple, manifestement prescrite ou non fondée (doc. Sénat, S.E. 1988, nº 334, p. 3). L'autorisation de poursuivre sera refusée si, prima facie , les faits ne présentent pas un caractère infractionnel ou lorsque l'action publique est manifestement irrecevable ou éteinte (doc. Sénat, 1993-1994, nº 1165, p. 6). Le dossier doit être suffisamment « étayé en fait » (doc. Sénat, 1993-1994, nº 1165, p. 8).

La commission prend également en compte le fait qu'en ne requérant pas la suspension des poursuites déjà engagées (art. 59, alinéa 3), elle n'épuise pas sa juridiction et que, par la suite, elle pourrait toujours requérir cette suspension s'il apparaît que la régularité et la qualité du fonctionnement du Sénat sont menacées (doc. Sénat, S.E. 1988, nº 334, pp. 5-6). Le dossier devra pour cela être soumis une nouvelle fois à l'assemblée.

Pour que l'activité parlementaire du sénateur concerné ne soit pas entravée par les devoirs judiciaires, la commission peut décider qu'il y a certes lieu de lever l'immunité, mais que cette levée n'implique pas l'autorisation de délivrer un mandat d'arrêt ou, pour le ministère public, celle de faire des réquisitions finales (doc. Sénat, 1993-1994, nº 959, p. 7).

3. Inconvénients du système actuel

L'immunité parlementaire, telle qu'elle est conçue par l'article 59 de la Constitution, présente actuellement une série d'inconvénients ou d'imperfections.

Ainsi la pratique montre-t-elle que, malgré le principe contraignant du secret de l'instruction, le dossier répressif à charge de l'intéressé ne peut être constitué dans un esprit de discrétion.

La levée de l'immunité parlementaire, voire une simple demande de levée, est déjà perçue par l'opinion publique ou présentée par certains comme une déclaration de culpabilité ou une condamnation « médiatique ».

Faire mention d'un dossier (« fuite ») dans lequel une levée d'immunité parlementaire a été demandée, mais qui s'avère finalement non fondé et ne pas devoir donner lieu à des poursuites, peut indiscutablement avoir des conséquences néfastes pour l'intéressé comme pour le Parlement en tant qu'institution.

En outre, la levée d'immunité est une procédure pesante, en particulier lorsqu'elle n'a d'autre but que de permettre au juge d'instruction d'interroger un membre de la Chambre ou du Sénat.

La distinction entre l'information et l'instruction, ainsi que l'interprétation plutôt minimaliste donnée au concept d'information dans le cadre de l'application de l'article 59 de la Constitution, font que la Chambre concernée ne peut pas toujours se prononcer suffisamment en connaissance de cause sur la demande de levée de l'immunité parlementaire.

Enfin, on peut constater qu'une session parlementaire n'est clôturée qu'à la veille de la nouvelle session, de sorte que la limitation de l'immunité à la durée de la session parlementaire n'a plus aucune portée concrète.

4. Déclaration de révision de l'article 59 de la Constitution

Concernant la révision de l'article 59, l'accord dit « de Gesves », transposé dans la résolution de la Chambre « relative à l'organisation de la future Chambre et au statut du futur député » (doc. Chambre, 1993-1994, nº 1500), adoptée en séance plénière le 1er juillet 1994, prévoyait ce qui suit :

« En ce qui concerne l'immunité parlementaire, il est proposé de maintenir, voire d'élargir la portée de l'article 58 de la Constitution, et de déclarer l'article 59 de la Constitution soumis à révision, de manière à ce qu'il ne soit en tout cas plus nécessaire de lever l'immunité pour permettre l'accomplissement des actes ordinaires d'instruction (interrogatoire et confrontation avec les témoins). (...) » (3).

L'article 59 de la Constitution est mentionné dans la déclaration de révision de la Constitution du 12 avril 1995 (Moniteur belge du 12 avril 1995) (4). Auparavant, il n'a jamais été déclaré soumis à révision.

5. Révision de l'article 59 de la Constitution

Il est ressorti de la concertation entre les présidents des groupes politiques du Sénat (en mars 1996) qu'il serait possible de réunir aussi au Sénat la majorité nécessaire à la modification de l'article 59 de la Constitution, telle qu'elle a été proposée dans l'« accord de Gesves ».

À la Chambre, on est parvenu en la matière à un consensus politique général (proposition de révision de l'article 59 de la Constitution, déposée par MM. Tant, Dewael, Eerdekens, Vandenbroucke, Reynders, Lefevre et Mme Van de Casteele) (doc. Chambre, 1995-1996, nº 492/1), encore que la plupart des groupes politiques qualifient avec insistance ce consensus de « plus petit commun dénominateur susceptible de recueillir un large consensus », soulignant par là qu'une solution plus radicale serait préférable.

Le texte du nouvel article 59, tel que proposé dans la proposition susmentionnée, comporte par rapport au texte en vigueur les principales modifications suivantes :

L'autorisation de la Chambre concernée levant l'immunité parlementaire n'est plus requise pour l'interrogatoire et la confrontation avec des témoins. Il est cependant précisé que ces actes d'instruction ne peuvent entraver le libre exercice du mandat;

· l'alinéa relatif à la contrainte par corps est supprimé. Cette disposition est en effet, devenue superflue, étant donné que la loi du 31 janvier 1980 portant approbation de la Convention Benelux portant loi uniforme relative à l'astreinte a abrogé la loi du 27 juillet 1871 sur la contrainte par corps.

Dans un amendement de Mme de T'Serclaes et MM. Dewael, Delathouwer, Reynders, Eerdekens et Tant (doc. Chambre, 1995-1996, nº 492/4), il est proposé :

· de ne pas exiger non plus que la Chambre à laquelle appartient le membre concerné autorise la levée de l'immunité parlementaire pour les actes d'instruction tendant à déclarer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre.

Cet amendement vise à permettre au ministère public de requérir le non-lieu devant la chambre du conseil sans l'autorisation de la Chambre lorsqu'il ressort d'un interrogatoire ou d'une confrontation avec des témoins qu'il n'existe pas d'indices de culpabilité. Un sous-amendement reformule l'amendement introduisant cette exception supplémentaire à la règle selon laquelle l'autorisation de la Chambre concernée est requise pour la levée de l'immunité parlementaire (doc. Chambre, 1995-1996, nº 492/4, 3). L'amendement, tel que modifié par le sous-amendement, est adopté par la commission de Révision de la Constitution et de la réforme des institutions.

La proposition de révision de l'article 59 de la Constitution a été adoptée en séance plénière de la Chambre des représentants par 115 voix contre 11 et 11 abstentions.

Le projet de texte transmis par la Chambre des représentants (doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-363/1) a été examiné par la Commission des Affaires institutionnelles du Sénat en ses réunions des 7 et 21 novembre, 12 et 19 décembre 1996 et 9 janvier 1997.

Celle-ci a demandé au professeur Philippe Traest de rédiger une note juridique relative aux implications du projet de texte sur le droit de la procédure pénale. Cette note figure à l'annexe nº 1.

II. AUDITION DU PROFESSEUR MICHEL FRANCHIMONT

Le 7 novembre 1996, la commission a organisé une audition du professeur Franchimont, laquelle portait sur les implications que le projet de texte transmis par la Chambre des représentants a sur le droit de la procédure pénale.

Le professeur Franchimont rappelle qu'il a déjà eu la possibilité d'exposer son point de vue devant la commission de la Chambre. Il a toutefois l'impression qu'il n'a pas pu s'exprimer suffisamment clairement à l'époque.

Tout le problème dans l'article 59 touche au mot « poursuite ». La poursuite est incontestablement l'exercice de l'action publique. Par conséquent il y a poursuite lorsque l'action publique est exercée ­ le cas échéant, contre un membre du Parlement ­ soit par le parquet, soit par la partie civile (par constitution de partie civile devant un juge d'instruction ou par citation directe).

La Chambre souhaite à juste titre que l'on puisse procéder à des interrogatoires et à des confrontations sans autorisation de la Chambre; en effet, la demande de levée d'immunité parlementaire est ressentie par l'opinion publique comme une pré-condamnation.

Il faut toutefois être très attentif aux termes que l'on emploie. Dès que l'action publique est mise en mouvement, il y a poursuite et il faudrait demander la levée d'immunité parlementaire. Le Premier ministre a même fait observer lors des débats à la Chambre que la circulaire de M. Gol dit : « Par conséquent, l'interrogatoire d'un membre d'une Chambre par le ministère public ou par un officier de police judiciaire sur ordre du ministère public au sujet d'un fait qui est imputé, constitue un acte de poursuite, c'est-à-dire l'exercice de l'action publique, car il s'agit d'un acte accompli pour l'application des peines par un fonctionnaire auquel est confié l'exercice de l'action publique (Cass. 16 juin 1982, conclusions du ministère public). » C'est donc dans le cadre de l'information.

Dans l'arrêt cité, il s'agissait de recel de malfaiteur. La question qui s'est posée était de savoir si l'on pouvait appliquer l'article 339 du Code pénal à une personne qui avait caché un malfaiteur contre lequel il n'y avait pas encore d'action publique intentée. Les très longues conclusions de Mme Lieckendael ne sont pas absolument affirmatives, mais disent quand même que c'est un acte de poursuite.

Il s'ensuit que, même s'il s'agit d'un simple interrogatoire dans le cadre de l'information, on doit demander la levée de l'immunité parlementaire. Cela cause un préjudice considérable.

Dans le cadre de la révision de l'article 59, il faut en tout cas autoriser les auditions dans le cadre de l'information sans qu'il y ait une levée d'immunité parlementaire. À l'avis du professeur, il faut également autoriser les interrogatoires et les confrontations dans le cadre de l'instruction, mais, dans ce cas-là, on ne peut pas utiliser le mot « poursuite ».

Il y a notamment un double problème : l'ouverture d'une instruction judiciaire est en soi un acte de poursuite. D'autre part, dans la mesure où il y a instruction, il faut nécessairement que la chambre du conseil se réunisse. Il peut y avoir un réquisitoire de non-lieu, mais la chambre du conseil n'est pas obligée de suivre ce réquisitoire. Mais même pour requérir le non-lieu à l'encontre d'un parlementaire, il faut nécessairement la levée de l'immunité parlementaire.

La décision politique à prendre est de savoir où l'on veut mettre le moment de la demande d'autorisation préalable. Le plus simple ne serait-il pas, comme le propose aussi la note remise par le professeur Traest, de mettre la barrière au moment de l'inculpation ?

Dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, l'inculpation est créatrice de droits plutôt que stigmatisante. À partir de l'inculpation, l'inculpé peut avoir accès à son dossier, même s'il n'est pas en détention préventive, et il peut demander des devoirs complémentaires à un juge d'instruction. On met d'ailleurs complètement sur un même pied la partie civile et l'inculpé.

La notion d'inculpé n'est pas actuellement définie dans le Code d'instruction criminelle. Il s'agit de la personne contre laquelle il y a des indices sérieux de culpabilité.

Si l'on met la levée d'immunité au moment de l'inculpation, on aura pu interroger dans le cadre de l'information, on aura pu mettre l'affaire à l'instruction et on aura même pu interroger et confronter le parlementaire dans le cadre de l'instruction.

On peut aussi mettre la barrière plus loin. Il va de soi que l'on ne peut priver de sa liberté un parlementaire sans l'autorisation préalable de la Chambre dont il fait partie. On pourrait stipuler toutefois que l'on ne peut pas saisir la juridiction de fond avant que la Chambre n'ait pu examiner le dossier au moment de l'ordonnance de renvoi ou au moment de la citation directe.

Un membre a une objection fondamentale. L'inculpation peut jouer pour autant que l'action publique est dirigée par le ministère public, mais on n'exclut pas la possibilité pour toute personne de se constituer partie civile. Dès cette constitution, le juge d'instruction étant saisi, il y a inculpation. À ce moment-là, tout le système tombe et on doit revenir à l'ancienne théorie.

L'orateur a toujours défendu l'idée qu'il fallait renverser la situation en disant que l'on peut tout faire dans le cadre de l'instruction (sauf éventuellement détention) et que c'est au parlementaire de considérer qu'à un certain moment il doit faire appel à sa chambre pour demander la protection contre certaines mesures. Cela élimine toutes les difficultés. On a objecté que cette idée va trop loin, parce que celui qui demande la protection, devrait quelquefois aller à l'encontre de la pratique courante.

Le professeur Franchimont répond qu'aux termes de l'article 61bis en projet : « Le juge d'instruction procède à l'inculpation contre toute personne contre laquelle il existe des indices sérieux de culpabilité. Cette inculpation est faite lors d'un interrogatoire ou par notification à l'intéressé. Est assimilée à l'inculpé, toute personne à l'égard de laquelle l'action publique est engagée. »

Dans ce dernier cas, il s'agit d'une assimilation et pas de l'inculpation proprement dite.

Deuxièmement, il existe un certain nombre de cas où la partie civile ne peut pas mettre l'action publique en mouvement, notamment en matière de protection de la jeunesse, devant les juridictions militaires, en matière d'infractions commises à l'étranger et dans le cas de privilège de juridiction. Pour le respect de l'institution, il ne devrait pas être possible à une partie civile de mettre l'action publique en mouvement contre un parlementaire.

D'autre part, tous les systèmes de privilège de juridiction ­ pour les magistrats, pour les ministres, pour les parlementaires ­ ne sont pas tellement bien ressentis par l'opinion publique.

Un membre avoue que la levée de l'immunité parlementaire a des effets négatifs, mais cela varie selon les cas. Il y a des affaires qui ne suscitent pas d'énormes retentissements.

De nos jours, même s'il n'y a pas de levée d'immunité parlementaire, on peut avoir un effet analogue par une campagne de presse. Ou bien cela se fait parce que l'on annonce une éventuelle levée d'immunité, ou bien l'on répand dans l'opinion publique une série de suspicions. Il faut donc nuancer l'impact de la levée d'immunité parlementaire, la puissance médiatique déterminant l'effet négatif.

Deuxièmement, il est correct qu'il faut mettre une barrière, c'est-à-dire un seuil à partir duquel une levée d'immunité doit être demandée. Les juges peuvent changer dans leur façon de donner suite à des plaintes. Aujourd'hui, on ouvre des instructions sur des affaires pour lesquelles les indices sont infimes. Des accusations à l'égard des parlementaires peuvent avoir un impact terrible.

L'inculpation est un bon seuil, d'autant plus que le professeur Franchimont a contribué à préciser ce seuil. Il serait d'ailleurs intéressant que nous conjuguions cette réflexion et celle qui va avoir lieu incessamment au Parlement sur la réforme de la procédure pénale. Si l'on adopte les propositions de la Commission pour le droit de la procédure pénale, l'inculpation obtiendra un statut légal, plus précis, plus circonstancié et plus protecteur.

Cette barrière est suffisamment précise pour être praticable. En outre, elle permet d'aller assez loin sans demander la levée d'immunité. Elle suscite certains droits, notamment la communication du dossier et le droit de ne pas être entendu sous serment.

Un membre fait remarquer que le raisonnement du professeur Franchimont vaut surtout lorsque son projet sur la procédure pénale sera adopté. Quelle est la valeur de « l'inculpation » dans l'entre-temps ?

Le professeur Franchimont répond qu'il faut de toute façon éviter d'utiliser le terme « poursuite », parce qu'on risque de se retrouver dans un imbroglio complet. Il faut donc mettre un autre seuil. L'endroit où l'on met le seuil, est un choix politique. Il faut néanmoins respecter la cohérence de l'ensemble du système judiciaire.

Un membre estime que l'inculpation est protectrice de droits, parce qu'elle met aussi en péril d'autres droits.

Le professeur Franchimont observe que la proposition de loi de M. Erdman insérant un article 61bis dans le Code d'instruction criminelle (doc. Sénat, S.E. 1995, nº 1-9/1) ne définit pas l'inculpation.

Un sénateur fait remarquer que, ces derniers temps, on a vu apparaître une série de nouveaux actes judiciaires, tels que la transaction et la médiation pénale dont le statut, par rapport à l'inculpation en tout cas, n'est pas vraiment clair. Pourront-ils être posés à l'égard d'un parlementaire sans l'autorisation préalable de la chambre à laquelle celui-ci appartient ? Il s'agit, certes, d'actes requérant le consentement du membre, mais, à ce jour, cette circonstance ne dispense pas le parquet de l'obligation de demander une autorisation préalable.

La piste de réflexion qui vient d'être esquissée à l'instant par un autre membre est séduisante. Toute instruction à charge d'un parlementaire suscite, en effet, inévitablement un grand intérêt médiatique, avec toutes les conséquences néfastes que cela implique. On donne à chaque fois à l'opinion publique l'impression que les parlementaires bénéficient d'un statut privilégié.

C'est pourquoi il convient effectivement de supprimer la distinction existant entre les poursuites exercées à charge d'un parlementaire et celles qui le sont à l'encontre des citoyens ordinaires.

On peut par contre prévoir des règles de procédure particulières pour certains actes d'instruction (par exemple, la présence du président de la Chambre à laquelle le membre appartient, pour une perquisition) et, pour d'autres actes, exiger l'autorisation préalable de la Chambre (pour toute forme de privation de liberté par exemple). Le parlementaire devra toutefois pouvoir déposer plainte auprès de la Chambre à laquelle il appartient si les poursuites viennent à entraver l'exercice de sa fonction.

Un problème se poserait néanmoins en ce qui concerne les actes d'instruction dont l'inculpé n'est pas informé, comme les écoutes téléphoniques. Pour ces actes d'instruction, il convient sans doute de prévoir une exception dans la loi. La question doit en tout cas être examinée sérieusement.

Quoi qu'il en soit, le texte transmis par la Chambre ne va pas suffisamment loin.

Un membre approuve l'objection selon laquelle l'adoption de l'inculpation comme moment charnière soulève des problèmes par rapport à certaines procédures, telles que la transaction.

Le professeur Franchimont répond que l'inculpation est un critère parmi d'autres. C'est au Parlement de déterminer le critère.

Il rappelle qu'il avait proposé le texte suivant à la commission de la Chambre :

« 1º Aucun acte d'information ou d'instruction ne peut entraver le libre exercice du mandat parlementaire.

2º Aucun acte de contrainte ou portant atteinte aux droits constitutionnellement garantis ne peut être posé sans l'autorisation de la Chambre dont il fait partie. » (Il s'agit en l'occurrence de la privation de liberté, de la perquisition et de l'écoute téléphonique, mais certainement pas de l'interrogatoire ou de la confrontation.)

Un membre rappelle qu'un parlementaire n'est pas un citoyen ordinaire, pour la simple raison que beaucoup de personnes se confient à leurs parlementaires pour des dossiers sociaux ou pour toute autre chose. Le parlementaire reçoit des informations et des demandes d'aide qui exigent la discrétion. Assimiler un parlementaire aux citoyens ordinaires risque de mettre en péril la confiance que les citoyens mettent dans le parlementaire.

Une perquisition au domicile d'un parlementaire peut se faire pour des raisons qui ne tiennent pas au motif officiel de la perquisition.

Le rôle et le mandat du parlementaire justifient qu'il jouit d'un statut spécial permettant de continuer à jouer ce rôle.

Le commissaire a dès lors des réticences à l'égard du projet de texte. La protection du parlementaire signifie en effet que le citoyen qui se confie au parlementaire sera protégé.

Un membre attire l'attention sur une série d'évolutions récentes. Dans la nouvelle culture politique, l'adversaire politique est diabolisé. Par suite de la formulation générale de nombreuses dispositions pénales (par exemple, les délits d'imprudence), pratiquement tous les actes d'un homme politique peuvent être qualifiés de délits. C'est l'ensemble du débat politique qui peut en quelque sorte être déplacé au niveau pénal.

Cette évolution est inquiétante et donne à réfléchir sur la procédure de levée de l'immunité parlementaire. Peut-on maintenir les techniques de citation directe et de constitution de partie civile en mains du juge d'instruction pour la poursuite des parlementaires ? Ce sont précisément ces techniques qui permettent de mener un combat politique permanent devant les tribunaux.

Il est essentiel pour un parlement que ses membres ne soient pas le moins du monde entravés dans l'exercice de leur mandat et dans l'expression de leurs opinions. Si, intimidé par la menace permanente de procès, un parlementaire se réfugie dans l'autocensure, c'est une part de démocratie qui se perd. Le Parlement doit veiller à réduire au maximum le risque d'un recours abusif au droit pénal.

En ce qui concerne le choix d'un nouveau « seuil », l'intervenant souscrit aux options des professeurs Franchimont et Traest. Un parlementaire doit pouvoir faire spontanément des déclarations et remettre des pièces, de manière à réfuter immédiatement des allégations sans fondement.

Pour tout suspect ­ qu'il soit parlementaire ou non ­ la présomption d'innocence reste, en fait, une chose très précaire. Sur le plan de la procédure, les garanties nécessaires existent mais, pour l'opinion publique, un suspect ne tarde pas à devenir un coupable.

Un sénateur propose de remplacer la notion de « poursuite » par celle de « renvoi devant la juridiction de fond ». Il fait référence à cet égard aux amendements déposés à la Chambre.

Pendant la période qui précède le renvoi devant la juridiction de fond, on peut prévoir une double protection, à savoir que, d'une part, la présence du président de la Chambre à laquelle le parlementaire appartient serait obligatoire pour les perquisitions et que, d'autre part, le libre-exercice du mandat parlementaire ne pourrait pas être entravé. La question est alors de savoir à qui il appartient d'apprécier l'entrave mise à l'exercice du mandat parlementaire et les mobiles politiques d'une instruction. La Chambre à laquelle le membre appartient semble être l'instance adéquate pour ce faire.

Le scénario est très proche de ce qui a déjà été proposé par plusieurs autres commissaires.

III. DISCUSSION

Le Premier ministre insiste pour que l'on traite le dossier rapidement. Il souligne que les propositions à l'examen découlent de ce que l'on appelle « l'accord de Gesves », qui s'est traduit dans la résolution de la Chambre des représentants « relative à l'organisation de la future Chambre et au statut du futur député » (doc. Chambre, 1993-1994, nº 1500/3).

Selon le Premier ministre, l'on a accordé la priorité à la révision de l'article 59 de la Constitution. Il souligne que l'on était convenu au sein de la Commission de révision de la Constitution et des réformes institutionnelles de la Chambre, qu'il fallait réviser l'article 59 avant d'examiner le projet de loi déposé à la Chambre des représentants en matière de responsabilité pénale des ministres. En effet, en vertu de la nouvelle réglementation, les ministres auteurs d'un délit en dehors de l'exercice de leur mandat ne seront plus poursuivis en tant que ministre, mais en tant que parlementaire.

Le Premier ministre constate que le texte à l'examen n'est pas suffisamment audacieux par rapport aux objectifs originels. Ceux-ci étaient de permettre, sans autorisation préalable de la Chambre concernée, l'accomplissement d'actes d'instruction tels que l'interrogatoire et la confrontation avec des témoins, lorsque ces actes sont subis volontairement, tant pendant la phase d'information que pendant celle de l'instruction judiciaire. Le texte actuel ne permet pas de procéder à un interrogatoire ou à une confrontation avec des témoins pendant la phase de l'instruction judiciaire si une autorisation n'a pas été obtenue; en effet, la saisine d'un juge d'instruction est elle-même un acte d'instruction et suppose une demande d'autorisation à la Chambre en question.

Selon le Premier ministre, il convient de formuler la même remarque pour les actes d'instruction posés en vue d'un non-lieu. En effet, la chambre du conseil ne peut prononcer un non-lieu qu'après une instruction judiciaire menée par un juge d'instruction.

Différents membres soulignent que le dossier requiert l'urgence.

En réponse à la question d'un membre sur le rapport existant entre les articles 59 et 103 de la Constitution, le Premier ministre se réfère à l'avis du Conseil d'État, en vertu duquel, primo, l'application de l'actuel article 103 permet de faire la distinction entre les actes qu'un ministre a posés dans l'exercice de ses fonctions et ceux qu'il a posés hors de l'exercice de ses fonctions et, secundo , pour ces derniers, la loi d'application de l'article 103 peut renvoyer aux dispositions prévues à l'article 59 de la Constitution.

Certes, le Premier ministre suggère que l'on pourrait modifier néanmoins l'article 103 de la Constitution.

En ce qui concerne les règles relatives à la responsabilité ministérielle au niveau des communautés et des régions, le Premier ministre plaide pour que l'on déclare les règles fédérales applicables mutatis mutandis à ces dernières.

Une série de membres font remarquer combien la présente discussion est influencée par l'actualité et par d'autres débats, qui ont eu lieu à la Chambre.

Un membre explique qu'au XIXe siècle, l'immunité parlementaire visait à protéger le parlementaire dans sa fonction et que les réformes prévues ­ ce qu'il est convenu d'appeler la dépolitisation du pouvoir judiciaire ­ donnent une pertinence nouvelle à cet objectif originel. L'intervenant s'inquiète de l'attitude anti-démocratique que pourraient avoir des magistrats apolitiques à l'égard des membres des assemblées législatives.

Un autre membre souscrit à la proposition visant à permettre au juge d'instruction de poser certains actes sans l'autorisation de la Chambre. Néanmoins, il faut se garder de causer un préjudice inutile à la vie privée des intéressés. Il ne faudrait pas non plus suivre de nouvelles tendances à laisser le concept de responsabilité politique se transformer en une responsabilité pénale et civile.

Un membre rappelle que l'immunité parlementaire doit être située dans un cadre d'opposition entre les pouvoirs. L'immunité parlementaire doit protéger l'intéressé contre un usage abusif de la procédure pénale. Il s'agit d'une protection contre la transformation éventuelle d'un adversaire politique en délinquant. Du reste existe déjà une tendance à qualifier pénalement toute une série de décisions prises par des hommes politiques, au moyen des concepts de la responsabilité délictuelle, des principes de bonne administration et du défaut de prudence.

L'intervenant affirme ensuite que le texte à l'examen a obtenu une majorité des deux tiers des suffrages à la Chambre et que l'on peut s'attendre à pouvoir réunir une même majorité au Sénat. Des corrections qui feraient elles aussi l'objet d'un consensus pourraient éventuellement être apportées. Étant donné que la loi qui règle la responsabilité ministérielle des ministres régionaux et communautaires requiert une majorité des deux tiers, contrairement à la loi (monocamérale) qui règle la responsabilité ministérielle au niveau fédéral, il convient sans doute de commencer par aborder le problème au niveau régional et communautaire, pour adopter ensuite seulement la loi ordinaire.

Un sénateur souscrit au raisonnement précédent. Il observe ensuite que l'essentiel du problème semble résider dans la constatation qu'il s'avère impossible de garantir le secret des dossiers aux différents niveaux. Dès lors, il est préférable d'organiser une procédure de poursuite rapide et légère, et d'adapter la Constitution et les lois dans ce sens. Comme on semble évoluer vers une responsabilité pénale, il est utile, selon l'intervenant, de faire la distinction entre les délits volontaires et involontaires et d'exclure toute implication répressive pour les forfaitures involontaires.

Un membre souligne que l'immunité parlementaire nuit plus aux membres qu'elle ne les sert. L'on doit lier l'article 103 à l'article 59 pour que les ministres puissent se justifier correctement au cours de la procédure pénale. Il faudrait introduire le principe de la « liberté de parole » (« free speech » ) pour permettre aux parlementaires et aux ministres de se justifier.

Un membre constate ensuite qu'en ce moment, le Sénat juge le texte de la Chambre plutôt minimaliste. Une deuxième remarque concerne la notion d'« inculpation » à laquelle les professeurs Traest et Franchimont souhaitent conférer une signification essentielle : l'autorisation de la Chambre concernée est requise pour tous les actes d'instruction accomplis après cette inculpation. Cette notion n'est toutefois pas suffisamment identifiable en soi en tant qu'acte spécifique de procédure. Le Premier ministre réplique que l'autre critère proposé, celui des « mesures de contrainte » pourrait offrir une solution. Une mesure de contrainte est un acte que l'intéressé ne subit pas volontairement.

Un membre craint que, dans sa forme actuelle, le texte ne mérite les critiques des professeurs Traest et Franchimont. L'on veut déplacer les limites des différentes phases de la procédure, mais les nouvelles limites proposées ne sont pas plus claires. L'esprit de l'accord de Gesves implique que l'on doit pouvoir pousser l'instruction aussi loin que possible sans devoir demander l'autorisation de la Chambre concernée.

Un autre membre s'interroge sur les « mesures de contrainte invisibles » telles que l'observation et les écoutes téléphoniques. Doit-on les considérer comme des « mesures de contrainte », pour lesquelles l'autorisation de la Chambre concernée est nécessaire ?

Le Premier ministre répond qu'actuellement, la justice interprète le texte constitutionnel de la manière la plus stricte : on ne peut même pas vérifier les données les plus élémentaires sans l'autorisation de la Chambre concernée. C'est pourquoi une modification de la Constitution s'impose.

M. Loones dépose un amendement au projet de révision de l'article 59 de la Constitution transmis par la Chambre des représentants (doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-363/2, amendement nº 1).

« Article unique

Remplacer l'article 59 proposé par ce qui suit :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être détenu ou arrêté, dans le cadre de la poursuite de crimes ou délits qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

§ 2. Sauf le cas de flagrant délit, il ne peut, pendant la durée de la session, être procédé à aucune perquisition ni saisie en matière de répression à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre qu'en présence du président de la Chambre dont il fait partie ou d'un membre désigné par ce président.

§ 3. Les actes d'instruction et de poursuite en matière de répression qui précèdent le renvoi devant la juridiction de jugement ne peuvent empêcher le membre d'exercer librement son mandat.

§ 4. En cas de flagrant délit ou si l'arrestation ou le renvoi devant la juridiction de jugement du chef de crimes ou délits est intervenu en dehors de la session, le membre peut demander et obtenir que, pendant la session, la procédure devant ladite juridiction de jugement n'entrave pas le libre exercice de son mandat. Dans les mêmes cas, la détention est suspendue pendant la session et pour toute sa durée si la Chambre dont le membre fait partie le requiert.

§ 5. L'action publique à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut être exercée que par les procureurs généraux près les cours d'appel. »

Justification

1. Le système proposé poursuit le double objectif suivant :

1.1. La protection du Parlement en tant qu'institution. Celle-ci correspond à la ratio legis initiale.

1.2. La garantie maximale pour l'exercice du mandat parlementaire et la protection du parlementaire contre des plaintes vexatoires, d'inspiration purement politique, téméraires ou prima facie non fondées.

Bien que ce souci ne corresponde pas aux intentions du constituant, il n'est pas réaliste de ne pas en tenir compte. Les deux Chambres ont adopté cette règle au cours des années.

On peut toutefois difficilement soutenir, en 1996, qu'un parlementaire doit être protégé contre le pouvoir exécutif qui abuserait du droit d'injonction positive afin de poursuivre un opposant gênant.

Le parlementaire ne risque pas non plus d'être victime d'un juge entêté. Ou alors, fait-on si peu confiance à la justice ? N'est-on pas en droit d'attendre de la justice qu'elle traite avec la plus grande circonspection les plaintes déposées contre un parlementaire, et ce, également pour la bonne raison, et non la moindre, qu'il faut précisément protéger la démocratie en « mettant au panier » les plaintes vexatoires, d'inspiration purement politique, et fantaisistes ? Si toutefois certaines réticences subsistent, pourquoi ne pas confier l'instruction au procureur général ?

Enfin, pour éviter qu'un parlementaire soit victime d'un règlement de comptes personnel de la part d'un citoyen qui lui en veut ou d'un adversaire politique, on pourrait élaborer un système ne permettant pas d'engager l'action publique par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction. La partie civile ne pourrait se joindre que plus tard à l'action publique.

L'amendement ci-dessus est inspiré par ces considérations. La présente proposition pourra peut-être emporter l'adhésion de la majorité requise. Si elle ne va pas jusqu'à supprimer l'immunité, elle ne veut toutefois pas non plus placer le parlementaire au-dessus des lois. Dans un État de droit, il est inadmissible qu'un élu du peuple ne soit pas inquiété dans des cas où les autres citoyens sont poursuivis.

2. Commentaire des divers paragraphes

§ 1er . En vertu de cette disposition, tous les actes d'instruction et de poursuite peuvent être accomplis sans autorisation préalable. Celle-ci n'est requise que pour l'arrestation ou la détention dans le cadre de la poursuite de crimes ou délits.

§ 2. La présence du président de l'assemblée lors de la perquisition ou de la saisie vise à garantir le libre exercice du mandat parlementaire.

§ 3. Il est clair que ces aspects devront être réglés après concertation avec le président de l'assemblée.

§ 4. On retrouve dans ce paragraphe les principes énoncés aux paragraphes 1er et 3, appliqués cette fois aux cas de flagrant délit ou d'arrestation/renvoi devant la juridiction de jugement en dehors de la session.

§ 5. Cette disposition exclut que l'action publique puisse être engagée par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile ou par citation directe.

L'auteur du premier amendement commente celui-ci. Son but est d'aller plus loin que le texte transmis par la Chambre des représentants et il prend comme critère le moment du renvoi à une juridiction de jugement : les actes d'instruction accomplis avant ce renvoi ne nécessitent pas l'autorisation de la Chambre concernée. Par ailleurs, la présence du président de celle-ci est requise en cas de perquisition et de saisie.

M. Erdman et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-363/3, amendement nº 2).

« Article unique

Remplacer l'article 59 proposé par ce qui suit :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, en matière répressive, faire l'objet de mesures de contrainte requérant l'ordre d'un juge, être inculpé, renvoyé ou cité directement devant une cour ou un tribunal, ni être arrêté qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

§ 2. Pendant la durée de la session, seuls les membres du ministère public et les agents déclarés compétents par la loi peuvent intenter des poursuites en matière répressive à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre.

§ 3. L'arrestation ou la poursuite devant une cour à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont il fait partie le requiert. »

Disposition transitoire

Aussi longtemps que la notion d'inculpation n'est pas définie dans le code de procédure pénale, la disposition suivante est d'application : « Le juge d'instruction procède à l'inculpation de toute personne contre laquelle existent des indices sérieux de culpabilité. Cette inculpation est faite lors d'un interrogatoire ou par notification à l'intéressé. »

Justification

Vu le texte adopté par la Chambre des représentants et les objectifs sur lesquels une majorité plus large était d'accord à la Chambre, mais compte tenu par ailleurs des remarques fondées formulées par les professeurs Franchimont et Traest, nous proposons le présent amendement.

1. Justification du premier alinéa

L'on propose de renoncer à la notion de « poursuite », car l'utilisation de ce terme ne permet d'accomplir aucun acte d'instruction, pas même un interrogatoire ou une confrontation. Étant donné que la saisine du juge d'instruction constitue en soi un acte de poursuite, la levée de l'immunité serait déjà nécessaire pour que cet acte puisse être posé, ce qui ne correspond pas à l'intention du constituant, même au cours des débats à la Chambre.

C'est pourquoi l'on opte dans l'amendement pour les termes « mesures de contrainte », « inculper », « renvoyer ou citer directement devant une cour ou un tribunal » et « arrêter ».

a) Par le terme « mesures de contrainte », la doctrine entend : des mesures pour lesquelles ­ sauf le cas de flagrant délit ­ l'ordre du juge est nécessaire en vertu de la loi et par lesquelles, sans l'autorisation de l'intéressé, il est porté atteinte à ses droits et libertés personnels (cf. Verstraeten, R., Handboek Strafvordering, Anvers, Maklu, 1993, nºs 447 et 262; Van Den Wyngaert, C., Strafrecht in hoofdlijnen, Anvers, Maklu, 1991, 624 et 631).

Sont visés :

­ le mandat d'amener pour interrogatoire;

­ le mandat de perquisition;

­ la saisie dans le cadre d'une perquisition sans le consentement de l'intéressé, en ce compris la violation du secret des lettres;

­ le repérage d'appels téléphoniques sans le consentement de l'intéressé;

­ les écoutes téléphoniques;

­ l'enquête sur la personne.

Pour ces actes d'instruction, la levée de l'immunité parlementaire est nécessaire.

Tous les autres actes d'instruction, tant dans la phase de l'information que dans la phase d'instruction, pourront être accomplis sans l'autorisation de la Chambre à laquelle appartient le parlementaire. Sont visés notamment l'interrogatoire et la confrontation volontaires, la perquisition faite avec le consentement de l'intéressé et les saisies réalisées dans le cadre de telles perquisitions.

b) Le terme « inculpation » n'est pas encore défini actuellement dans le droit formel de la procédure pénale, mais est bel et bien prévu dans le « projet Franchimont ». L'on peut s'attendre à ce que ce terme figure prochainement dans notre droit formel.

Il est proposé d'exiger également la levée de l'immunité parlementaire pour cet acte d'instruction.

Par mesure transitoire, l'inculpation est définie comme l'acte par lequel, lors d'un interrogatoire ou par notification, le juge d'instruction informe l'intéressé qu'il existe des indices sérieux de culpabilité contre lui.

c) Le terme « renvoyer ou citer directement devant une cour ou un tribunal » doit s'entendre dans le sens que lui donne le droit commun et ne soulève dès lors aucun problème.

d) Le terme « arrestation » est préféré au terme « privation de liberté ». Ce dernier est en effet une notion de fait et non une notion de droit. Le terme « privation de liberté » engloberait donc également l'arrestation administrative, qui peut être effectuée par la police dans le cadre de ses missions de police administrative, alors qu'il n'entre pas dans les intentions du constituant d'exiger, pour ce faire, l'autorisation du Parlement.

Le terme « arrestation » vise donc exclusivement l'arrestation judiciaire.

2. Justification du deuxième alinéa

Cette disposition exclut toute citation directe par une partie civile au cours de la procédure. Elle exclut également la constitution de partie civile en mains du juge d'instruction aux fins de déclencher l'action publique (cela correspond tout à fait au privilège de juridiction des magistrats et à l'interdiction de la citation directe et de la constitution de partie civile en vue de mettre en mouvement l'action publique devant le tribunal de la jeunesse ou les tribunaux militaires).

Seule l'autorité compétente peut intenter l'action publique : il s'agit en général du ministère public, mais, dans un certain nombre de cas de droit pénal spécial, la loi a chargé certaines autorités administratives d'exercer l'action publique (par exemple, la législation en matière de douane et d'accises).

Le texte prévoit seulement que l'intentement de l'action publique est réservé aux autorités compétentes. La disposition n'empêche donc pas qu'une partie civile se joigne à l'action intentée par l'autorité compétente.

3. Justification du troisième alinéa

Cette disposition est une adaptation technique, nécessitée par les choix politiques opérés aux premier et deuxième alinéas.

4. Justification de la disposition transitoire

Voir la justification du premier alinéa.

L'auteur principal du deuxième amendement souligne que le texte transmis par la Chambre des représentants se heurte à des problèmes techniques, qui ont d'ailleurs été signalés par les professeurs Traest et Franchimont. Le texte est également restrictif, en ce sens que l'interrogatoire et la confrontation avec des témoins ne sont possibles qu'au stade de l'information. Au contraire, l'amendement nº 2, premier alinéa, implique, entre autres, que tous les actes d'instruction sont permis à tous les stades de l'instruction sans l'autorisation de la Chambre concernée à condition de ne pas être accomplis sous la contrainte.

Le deuxième alinéa de l'amendement doit empêcher à la fois que la partie civile puisse citer directement et que la constitution de partie civile suffise à elle seule à déclencher l'action publique. Le troisième alinéa prévoit la possibilité de suspendre, à la demande de la Chambre, l'arrestation ou la poursuite devant une cour ou un tribunal. La disposition transitoire doit apporter une solution technique au fait qu'à l'heure actuelle, la notion d'« inculpation » n'est pas définie explicitement en droit.

Un commissaire juge peu esthétique d'insérer des dispositions transitoires dans la Constitution. Il estime en outre que le problème ne se poserait pas si, au lieu de la notion d'« inculpation », on prenait comme critères celles de « mesure contraignante » et de « renvoi à une juridiction de jugement ».

Un membre considère que le critère de l'inculpation constitue un point de repère précis et que l'esthétique constitutionnelle ne doit pas être un obstacle en l'occurrence. Il tire également argument de l'article 3, deuxième alinéa, première phrase, de la loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution, qui utilise aussi le terme « inculpation ». La Cour de cassation et le Conseil d'État ont toutefois donné de cette notion une interprétation plurielle dans le cadre de l'article 103 précité. De plus, certains actes ont déjà en soi une signification nettement politique, en particulier la mise en accusation d'un ministre.

Le Premier ministre observe qu'il faut distinguer trois niveaux :

­ l'arrestation et la détention préventive, en ce compris la mise en accusation;

­ les mesures contraignantes qui ne peuvent être prises sans l'intervention d'un juge; ces mesures ne nécessitent pas, dans la loi précitée, l'autorisation de la Chambre, mais bien le mandat d'un collège de trois conseillers de la Cour de cassation (le conseiller-juge d'instruction et deux conseillers désignés par le président de la cour);

­ la perquisition, la saisie, etc., que l'intéressé subit volontairement; pour ces actes d'instruction acceptés volontairement, on peut constater un parallélisme avec la solution proposée par l'auteur du premier amendement.

Le Premier ministre suggère la possibilité de désigner une instance qui pourrait jouer le rôle du collège susvisé de trois conseillers (par exemple, un juge d'instruction ayant reçu l'assentiment de la chambre des mises en accusation). Il s'interroge par ailleurs sur le lien entre le terme « inculpation » et le terme « mise en accusation » au sens de l'article 103 de la Constitution.

Un sénateur défend le point de vue selon lequel il serait même préférable de supprimer carrément la notion d'immunité parlementaire, comme dans certains pays anglo-saxons et aux Pays-Bas. Le maintien de cette notion est contreproductif pour la politique. Mieux vaudrait inverser le système, de sorte que le principe soit, non pas l'immunité parlementaire, mais la possibilité pour le parlementaire en question, lorsqu'il présume que la poursuite ou les actes d'instruction sont inspirés par des motifs politiques, de solliciter lui-même la protection de la Chambre concernée.

Un membre réplique que l'immunité parlementaire vise à protéger le mandat et l'institution, et non le membre personnellement.

Un commissaire fait remarquer que la loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution n'est qu'une loi provisoire et que la loi portant exécution définitive de l'article 103 de la Constitution est une matière monocamérale. Par contre, la loi qui règlera la même problématique en ce qui concerne les communautés et les régions devra également être soumise au Sénat.

Le Premier ministre fait observer qu'il faut aussi envisager des dispositions provisoires pour les communautés et les régions.

MM. Goris et Verhofstadt déposent trois amendements (doc. Sénat, nº 1-363/3, 1996-1997, amendements 3, 4 et 5).

Amendement nº 3

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par la disposition suivante :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, il ne peut être procédé à aucune perquisition ni saisie en matière répressive à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre qu'en présence du président de la Chambre dont il fait partie ou d'un membre désigné par ce président.

§ 2. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, en matière répressive, être traduit devant un tribunal ou une cour que par les membres du ministère public, par les agents déclarés compétents par la loi ou avec l'autorisation préalable de la justice.

§ 3. L'arrestation ou la poursuite devant une cour ou un tribunal à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont l'intéressé fait partie le requiert à la demande de ce dernier. »

Justification

Les auteurs du présent amendement continuent à croire qu'il n'y a aucune raison de maintenir un régime particulier, consistant soit dans la suspension des poursuites répressives intentées contre un membre de l'une ou de l'autre Chambre, soit dans une certaine intervention de la Chambre dont l'intéressé fait partie, dans l'exercice de celles-ci.

Non seulement ce genre de procédé n'a plus sa place dans le climat social actuel, mais les raisons qui justifiaient à l'époque l'existence de pareil régime ne sont plus valables :

­ La ratio legis de l'article 45 initial, actuellement 59, de la Constitution, visait à protéger le pouvoir législatif contre le pouvoir exécutif, c'est-à-dire à protéger le Parlement en tant qu'institution et non le parlementaire en tant qu'individu.

Lors de la rédaction de la Constitution belge, le souvenir de l'ascendant du pouvoir exécutif au cours de la période hollandaise était encore très vif. Ainsi craignait-on que le ministre de la Justice ne poursuivît des membres des Chambres législatives pour des raisons politiques et ne pût de cette façon prendre le pouvoir législatif en otage.

L'instabilité interne n'était pas le seul objet de préoccupation; l'on s'inquiétait également des répercussions d'une éventuelle faiblesse interne sur la stabilité externe de notre jeune Nation, qui n'avait pas encore été reconnue, à ce moment-là, par les grandes puissances européennes.

Puisque depuis lors, le droit d'injonction du ministre de la Justice est interprété de façon très restrictive et que la responsabilité du pouvoir exécutif à l'égard du législatif constitue un principe profondément enraciné, le régime d'exception a perdu sa raison d'être.

­ Le fait que la protection instaurée en 1831 consistait en une protection du Parlement en tant qu'institution plutôt qu'en une protection du membre individuel résulte du fait que la suspension des poursuites était limitée à la durée de la session, soit quarante jours au moins par an.

Il convient de ne pas perdre de vue à cet égard qu'on ne siégeait, à l'époque, guère plus que les quarante jours prévus. Le but n'était dès lors certainement pas d'offrir une ample protection aux parlementaires individuels; si tel avait été l'objectif, l'on aurait dû prolonger la durée de la protection afin qu'elle couvrît l'ensemble de la législature.

Si la durée a été étendue, c'est uniquement parce que les sessions durent bien plus longtemps aujourd'hui.

­ L'on ne peut davantage invoquer le principe de la séparation des pouvoirs pour justifier un régime d'exception. L'interprétation stricte selon laquelle le pouvoir judiciaire ne pourrait pas s'occuper des membres du pouvoir législatif sans l'autorisation de la Chambre concernée est aussi fausse que dépassée.

En premier lieu, la séparation des pouvoirs n'est pas aussi stricte qu'on la présente : la Chambre remplit des missions qui reviendraient en fait au pouvoir exécutif (naturalisations) ou au pouvoir judiciaire (comptabilité de l'État), le chef du pouvoir exécutif fait partie du pouvoir législatif (le Roi), le pouvoir exécutif exerce des fonctions du pouvoir judiciaire (juridictions administratives), etc.

En deuxième lieu, il ne s'agit pas d'une séparation ayant pour conséquence que chacun se retrouve dans sa tour d'ivoire, mais bien d'un équilibre, d'une coopération et d'un contrôle réciproque des différents pouvoirs, d'un système de freins et contrepoids (checks and balances), qui doit empêcher qu'un pouvoir s'arroge tout le (trop de) pouvoir.

­ Enfin, il faut tenir compte de la « médiatisation » de la société, qui fait que tout régime d'exception est mis sous les projecteurs à tel point qu'un membre d'une Chambre auquel s'applique pareil régime est, à l'avance, jugé ou condamné par l'opinion publique.

Plutôt qu'une mesure de protection, pareils régimes constituent une stigmatisation de l'intéressé et de l'institution dont il fait partie.

Si l'on opte pour le maintien de certaines garanties en vue de protéger le pouvoir législatif en tant qu'institution ou ses membres, il faut mettre en balance les intérêts de l'enquête et ceux de l'institution.

Les auteurs du présent amendement pensent qu'il est possible d'atteindre un équilibre entre ces deux types d'intérêts de la façon suivante :

­ L'option de base est que l'instruction doit pouvoir être entamée en toute liberté et de façon efficace. Aucune autorisation n'est donc nécessaire, ni avant ni après.

­ Dans le cas d'une perquisition et d'une saisie, il convient de considérer ce qui suit : d'une part, un débat préalable à ces mesures les prive à l'avance de tout effet qu'elles pourraient avoir; d'autre part, l'on peut concevoir qu'une certaine protection est nécessaire pour éviter que l'on ne profite d'une perquisition pour rechercher d'autres données que celles sur lesquelles porte l'instruction.

C'est pour cette raison que les auteurs de l'amendement proposent que le président de la Chambre concernée soit présent, ou un membre désigné par lui. Cette présence permet d'assurer le déroulement correct de la mesure d'instruction prise.

­ Lorsque l'action publique est intentée par une partie civile, il convient, de l'avis des auteurs de l'amendement, de prévoir un « filtre ». Si l'on se constitue partie civile entre les mains du juge d'instruction ou devant la juridiction d'instruction, il appartient à ce dernier ou à cette dernière de prendre la décision de renvoyer au tribunal. Une citation directe n'est cependant pas possible, ce afin de prévenir des procédures vexatoires contre des membres du pouvoir législatif.

­ Enfin, les auteurs de l'amendement prévoient que la Chambre concernée peut toujours, sur l'initiative du membre poursuivi, suspendre l'arrestation ou la poursuite pour la durée de la session.

Cette possibilité offre une ultime « garantie » contre un abus quelconque.

Amendement nº 4

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par les dispositions suivantes :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours de la mise en détention ou de l'arrestation d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre, demander l'autorisation de la Chambre dont l'intéressé fait partie.

§ 2. Sauf le cas de flagrant délit, il ne peut être procédé à aucune perquisition ni saisie en matière répressive à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre qu'en présence du président de la Chambre dont il fait partie ou d'un membre désigné par ce président.

§ 3. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, en matière répressive, être traduit devant un tribunal ou une cour que par les membres du ministère public, par les agents déclarés compétents par la loi ou avec l'autorisation préalable de la justice.

§ 4. L'arrestation ou la poursuite devant une cour ou un tribunal à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont l'intéressé fait partie le requiert à la demande de ce dernier. »

Justification

Le présent amendement reprend les dispositions du précédent, tout en prévoyant une garantie supplémentaire en ce qui concerne l'arrestation et la détention préventive.

L'on peut se demander quelle forme cette garantie doit adopter.

L'arrestation ne peut avoir lieu que dans les cas graves, lorsque les conditions prévues à l'article 16, § 1er , de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive sont remplies (absolue nécessité pour la sécurité publique, sérieuses raisons de craindre que l'inculpé ne commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, ...).

Si l'on devait y procéder, il serait absurde de devoir débattre pendant plusieurs jours, à la Chambre dont l'intéressé fait partie, pour décider si l'on peut ou non prendre très probablement ladite mesure : le cas échéant, le mal aura été fait.

D'autre part, eu égard au caractère radical de la mesure, il est nécessaire de prévoir une intervention de ladite Chambre.

C'est pourquoi les auteurs du présent amendement proposent, en guise de solution intermédiaire, d'obliger le juge d'instruction à demander, dans un bref délai déterminé, l'assentiment de ladite Chambre quant à la mesure ordonnée par lui.

Si ladite Chambre refuse de donner son assentiment, il est immédiatement mis fin à l'arrestation ou à la détention préventive, quelle qu'ait été la décision de la chambre du conseil à ce sujet. Si ladite Chambre donne son assentiment, la chambre du conseil reste compétente pour décider si, oui ou non, elle maintient l'incarcération ou confirme la détention préventive.

Il est dès lors clair que la Chambre dont l'intéressé fait partie ne se substitue ni à la chambre du conseil ni à la chambre des mises en accusation.

Amendement nº 5

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par les dispositions suivantes :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, en matière répressive, être poursuivi ou privé de sa liberté qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

§ 2. Sauf le cas de flagrant délit, il ne peut être procédé à aucune perquisition ni saisie en matière répressive à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre qu'en présence du président de la Chambre dont il fait partie ou d'un membre désigné par ce président.

§ 3. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, en matière répressive, être traduit devant un tribunal ou une cour que par les membres du ministère public, par les agents déclarés compétents par la loi ou avec l'autorisation préalable de la justice.

§ 4. L'arrestation ou la poursuite devant une cour ou un tribunal à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont l'intéressé fait partie le requiert à la demande de ce dernier. »

Justification

Le présent amendement reprend les dispositions du précédent, étant entendu que ses auteurs prévoient subsidiairement, comme dans le texte voté par la Chambre des représentants, qu'il faut une autorisation préalable pour pouvoir procéder à la mise en détention préventive.

Un sénateur commente les amendements. Les amendements 4 et 5 sont des amendements subsidiaires. Les amendements visent à aller au-delà du compromis minimum adopté par la Chambre des représentants. L'amendement nº 3 tend à permettre tous les actes d'instruction sans l'autorisation de la Chambre concernée. Pour la perquisition et la saisie, la présence du président de la Chambre concernée serait requise. D'autre part, la citation directe est exclue. Enfin, l'amendement permet qu'une arrestation ou une poursuite intentée devant une cour ou un tribunal soient suspendues à la requête de la Chambre concernée lorsque le membre en a fait lui-même la demande (une sorte de « procédure de la sonnette d'alarme »).

L'amendement nº 4 ne s'écarte de l'amendement précédent qu'en ce qu'il introduit une garantie supplémentaire en faveur du parlementaire, à savoir l'obligation, pour le juge d'instruction, de demander l'autorisation de la Chambre concernée dans les cinq jours de la mise en détention ou de l'arrestation.

L'amendement nº 5 s'apparente fort à l'amendement nº 1 de M. Loones.

Le Premier ministre fait observer, à propos de ces derniers amendements, qu'il y a lieu de spécifier qu'il s'agit d'actes d'instruction accomplis au cours de la session.

L'auteur de l'amendement nº 1 fait remarquer que les amendements 3, 4 et 5 utilisent encore le terme « poursuite », à l'encontre des observations des professeurs Franchimont et Traest. En outre, l'amendement nº 1 limite l'autorisation de la Chambre concernée pour l'arrestation ou la mise en détention, aux crimes et aux délits, ce qui exclut les infractions.

Un membre fait remarquer que si l'on n'insérait pas de disposition transitoire dans la Constitution, on pourrait éventuellement indiquer explicitement dans les travaux préparatoires que le sens du terme « inculpation » est celui exposé par le professeur Franchimont. Mais on courrait alors le risque que par la suite, on ne tienne pas compte d'une telle précision figurant dans les travaux préparatoires.

L'intervenant demande ensuite si l'on a, oui ou non, réellement l'intention de créer un parallélisme avec le texte de la loi portant application temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution.

Un membre se demande si l'hypothèse d'une perquisition volontaire est réaliste.

Un membre répond par l'affirmative, soulignant qu'en cas de rejet de la demande l'on aura la possibilité de prendre une mesure conservatoire, notamment en opposant des scellés, afin que l'intéressé ne puisse faire disparaître aucun élément à charge tant que l'autorisation n'aura pas été obtenue.

Un sénateur souligne que le parallélisme avec la réglementation figurant dans la loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution serait plus correctement suivi si, pour effectuer la perquisition, le juge d'instruction devait obtenir l'accord d'un deuxième juge d'instruction ou du président du tribunal, ce qui serait d'ailleurs beaucoup plus rapide que de demander l'autorisation de la Chambre des mises en accusation.

Un sénateur demande quelle est la portée de la notion de « volontaire » en la matière. Peut-on se faire arrêter volontairement ?

On lui répond que certaines mesures de contrainte, par leur nature, ne peuvent pas faire l'objet d'un acte d'instruction subi volontairement, comme les écoutes téléphoniques. La solution à ce problème est que l'on puisse demander à la Chambre concernée une autorisation générale, non spécifiée, de prendre des mesures de contrainte.

En outre, comme l'a signalé le Premier ministre, il convient de faire la distinction entre les mesures de contrainte qui ne requièrent pas l'intervention d'un juge et celles qui la requièrent. Pour ce qui est des écoutes téléphoniques, l'intervention du juge est toujours requise.

Un membre estime qu'il faut viser à un parallélisme avec la réglementation prévue dans la loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution. En effet, l'on peut supposer que le juge d'instruction a davantage d'expérience de terrain qu'un conseiller à la Cour de cassation qui n'exerce qu'exceptionnellement la fonction de juge d'instruction dans le cadre de l'article 103 de la Constitution. Le membre trouve exagéré de requérir l'autorisation de la chambre des mises en accusation.

Un sénateur estime qu'il ne convient pas que celle-ci intervienne, étant donné qu'elle peut jouer un rôle d'instance d'appel. Demander l'accord du président du tribunal est sans doute une meilleure solution.

Selon un sénateur, l'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts améliorait utilement le texte transmis par la Chambre. Cependant, vu la portée de la loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution, la formule proposée par l'amendement nº 2 n'est plus suffisante non plus.

M. Verhofstadt et consorts déposent trois amendements (doc. Sénat, nº 1-363/3, 1996-1997, amendements nºs 6, 7 et 8).

Amendement nº 6

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par les dispositions suivantes :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être privé de sa liberté en matière répressive qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

§ 2. Sauf le cas de flagrant délit, il ne peut, pendant la durée de la session, être procédé à aucune perquisition ni saisie en matière répressive à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre qu'en présence du président de la Chambre dont il fait partie ou d'un membre désigné par ce président.

§ 3. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être traduit, en matière répressive, devant un tribunal ou une cour que par les membres du ministère public, par les agents déclarés compétents par la loi ou avec l'autorisation préalable de la justice.

§ 4. Toute enquête ou poursuite devant une cour ou un tribunal à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont l'intéressé fait partie le requiert à la demande de ce dernier. À cet effet, la décision doit être prise à la majorité des deux tiers des suffrages dans la Chambre concernée. »

Amendement nº 7

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par les dispositions suivantes :

« Art. 59. ­ Toute enquête ou poursuite devant une cour ou un tribunal à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont l'intéressé fait partie le requiert à la demande de ce dernier. À cet effet, la décision doit être prise à la majorité des deux tiers des suffrages dans la Chambre concernée. »

Justification

Le présent amendement vise à offrir une garantie, de la façon la plus nette et la plus simple, contre toute action arbitraire accomplie à l'encontre d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre législative.

En effet, les parlementaires seront entièrement soumis à la procédure pénale de droit commun, sous réserve de pouvoir demander, à n'importe quel stade de l'enquête ou du procès, à la Chambre dont ils font partie, de suspendre l'enquête pendant la session.

Ladite Chambre ne pourra décider de requérir la suspension qu'à une majorité des deux tiers. Cela se justifie eu égard aux conséquences radicales d'une telle décision et permet d'éviter que celle-ci ne soit prise majorité contre minorité.

Amendement nº 8

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par les dispositions suivantes :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être privé de sa liberté en matière répressive qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

§ 2. Pour toutes les mesures de contrainte autres que celles visées au paragraphe précédent, telles que les mandats d'amener, les perquisitions, les saisies, la recherche de communications téléphoniques et leur écoute, ainsi que l'exploration corporelle, le juge d'instruction doit demander au préalable l'autorisation du président du tribunal de première instance. Ce dernier statue sans délai, le procureur du Roi entendu.

§ 3. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être traduit, en matière répressive, devant un tribunal ou une cour que par les membres du ministère public, par les agents déclarés compétents par la loi ou avec l'autorisation préalable de la justice. »

L'amendement nº 6 met un parlementaire sur le même pied qu'un citoyen ordinaire, étant entendu que le parlementaire dispose d'une sonnette d'alarme. Le parlementaire peut toujours demander à la Chambre dont il fait partie de requérir la suspension de l'instruction à sa charge. Ainsi peut-il se protéger contre des poursuites qui reposeraient sur des motifs faux ­ d'inspiration politique, par exemple. Néanmoins, ces mobiles malhonnêtes doivent être manifestement présents. Aussi, la Chambre ne peut-elle requérir la suspension qu'à la majorité des deux tiers. C'est ce dernier élément qui, en plus de la possibilité de requérir la suspension à tous les stades de l'instruction, constitue la différence principale avec l'amendement nº 3 de MM. Goris et Verhofstadt.

L'amendement nº 7 rompt totalement avec le principe anachronique sur lequel repose l'article 59 actuel. L'immunité parlementaire, conçue en 1831 comme une protection pour le parlementaire, constitue plutôt un handicap à l'heure actuelle. Cet amendement vise à supprimer l'immunité parlementaire. Néanmoins, la Chambre à laquelle le parlementaire appartient peut requérir, à n'importe quel stade du procès ou de l'enquête, la suspension de l'enquête ou de la poursuite, à la demande du membre. Cette solution correspond sans doute le mieux à la réalité actuelle.

Enfin, l'amendement nº 8 élabore un système d'immunité parlementaire analogue à la nouvelle réglementation en matière de responsabilité pénale des ministres. D'après cet amendement, la levée de l'immunité fait en principe l'objet d'une procédure judiciaire. Abstraction faite de la privation de liberté, des mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'avec l'accord du président du tribunal de première instance. Pour ce qui est de la privation de liberté, l'autorisation de la Chambre concernée est requise. Néanmoins, la Chambre ne peut plus ordonner aucune suspension de l'enquête ou de la poursuite, puisqu'il s'agit d'une procédure purement judiciaire.

Le Premier ministre constate que ce dernier amendement ne prévoit pas la possibilité de suspendre la privation de liberté pendant la session, si un parlementaire était arrêté hors la session.

M. Erdman dépose un amendement (doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-363/3, amendement nº 9), qui est un sous-amendement à son amendement nº 2).

« A. Au premier alinéa, supprimer les mots « faire l'objet de mesures de contrainte requérant l'ordre du juge ».

B. Entre le premier alinéa et le deuxième alinéa proposés, insérer un alinéa rédigé comme suit :

« Toutefois, des mesures de contrainte requérant l'ordre d'un juge ne peuvent être ordonnées à l'égard d'un membre de l'une des deux Chambres, au cours de la session, en matière répressive, que par le président du tribunal, à la demande d'un juge compétent et sur avis conforme d'un membre du ministère public. Cet ordre est communiqué au président de la Chambre concernée. »

Ce sous-amendement vise à mettre l'article 59 de la Constitution en concordance avec la nouvelle réglementation relative à la responsabilité pénale des ministres. Cela implique qu'il ne faudra plus obtenir l'autorisation de la Chambre dont le parlementaire fait partie pour pouvoir prendre des mesures de contrainte requérant l'ordre d'un juge. Ces mesures pourront être ordonnées à l'issue d'une procédure judiciaire : l'ordre ne pourra en être donné que par le président du tribunal, à la demande d'un juge compétent et sur avis conforme d'un membre du ministère public. Le « juge compétent » sera d'ordinaire un juge d'instruction, mais ce pourrait être également, par exemple, un conseiller à la cour d'appel.

L'ordre est communiqué au président de la Chambre concernée. Ou bien ce dernier prend simplement connaissance de l'ordre, ou bien, en application du troisième alinéa de l'amendement nº 2, il peut demander à la Chambre concernée de suspendre l'arrestation ou la poursuite.

Le Premier ministre conteste la thèse selon laquelle le président peut demander à la Chambre concernée la suspension d'une mesure de contrainte ordonnée. Aux termes du trosième alinéa de l'amendement nº 2, seule l'arrestation ou la poursuite devant une cour ou un tribunal peut être suspendue.

Un membre estime qu'il ne convient pas que le ministère public intervienne dans cette procédure. Du reste, en prévoyant que le ministère public doit rendre un avis conforme, on lui confère un rôle important.

Un sénateur souscrit à l'amendement nº 7 de M. Verhofstadt et consorts. Dans le cadre large de l'enquête et de la poursuite à charge d'un parlementaire, l'intervention de la Chambre dont le membre fait partie ne peut se justifier que si le parlementaire lui-même la requiert. De ce fait, la décision d'associer l'assemblée à la procédure ­ et, par conséquent, de placer l'affaire sous les projecteurs des médias ­ est entre les mains du parlementaire lui-même. Le membre doit pouvoir adresser cette requête à la Chambre avant que la mesure de contrainte à laquelle il s'oppose ne soit exécutée.

Certes, l'on pourrait prévoir une protection supplémentaire pour le parlementaire qui fait l'objet d'une perquisition, par exemple en imposant la présence du président de la Chambre concernée.

Enfin, il semble judicieux d'exclure la possibilité de citer directement un parlementaire devant une cour ou un tribunal.

La formule pour laquelle opte l'amendement nº 7, une fois adaptée aux deux objections qui précèdent, montrera clairement à l'opinion publique que les hommes politiques ne cherchent pas à obtenir un traitement de faveur.

Un membre s'oppose vivement au démantèlement très poussé de l'immunité parlementaire, tel que certains sénateurs le préconisent. Celui-ci laisserait le parlementaire à peu près sans défense contre des accusations de témoins anonymes. Si l'on fait disparaître l'immunité parlementaire de la Constitution, on doit également dénier toute force probante aux témoignages anonymes.

Une réforme en profondeur de l'immunité parlementaire doit donc aller de pair avec diverses mesures d'accompagnement. C'est une erreur que de prendre la nouvelle réglementation en matière de responsabilité pénale des ministres comme fil conducteur pour la réforme de l'immunité parlementaire. Les parlementaires sont des élus du peuple, tandis que les membres du Gouvernement ont été nommés par le Roi.

Galvauder l'immunité parlementaire, c'est donc jouer avec la démocratie. En effet, l'immunité parlementaire n'est pas un privilège personnel; elle vise à garantir le libre exercice du mandat parlementaire et le bon fonctionnement du Parlement.

Un autre membre s'étonne également que l'on transforme aussi radicalement l'immunité parlementaire pour la simple raison qu'une nouvelle réglementation en matière de responsabilité pénale des ministres va entrer en vigueur. C'est là un argument peu convaincant. Une réforme d'une telle portée requiert certainement une approche plus réfléchie.

Un membre fait remarquer que plusieurs amendements utilisent le terme « poursuite ». Le professeur Franchimont a pourtant émis des objections à cet égard.

En ce qui concerne l'amendement nº 7 de M. Verhofstadt et consorts, le membre estime que la suspension prononcée par la Chambre concernée est générale. Aux termes de l'amendement, en effet, toute enquête ou poursuite est suspendue.

Pour répondre à la remarque du membre, le Premier ministre suggère d'insérer les mots « en tout ou en partie ».

Le rapporteur fait observer que cet ajout est superflu. Il ressort de la pratique juridictionnelle de la commission compétente du Sénat que l'on décide régulièrement de lever partiellement l'immunité parlementaire, même si l'article 59 actuel ne prévoit pas explicitement cette possibilié. « Qui peut le plus, peut le moins ».

Un membre juge néanmoins utile de mentionner en tout cas explicitement cette interprétation dans le rapport.

Un commissaire constate que le sous-amendement de M. Erdman à l'amendement nº 2 fait sortir la levée de l'immunité parlementaire du cadre de la procédure traditionnelle. Le président du tribunal et un membre du ministère public deviennent les nouveaux protagonistes de la procédure proposée. Sont-ils vraiment les acteurs indiqués pour tenir ce rôle de premier plan ? Ils n'ont en fin de compte rien à voir avec le traitement proprement dit de l'affaire.

Si c'est la nouvelle réglementation en matière de responsabilité pénale des ministres que l'on s'inspire, pourquoi ne pas attribuer à un collège de trois magistrats le pouvoir d'ordonner des mesures de contrainte à l'encontre de parlementaires ?

Mme Milquet dépose un amendement (doc. Sénat, 1-363/3, amendement nº 10) qui est un sous-amendement à l'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts.

« A. À l'alinéa 1er proposé insérer les mots « selon la définition prévue par la loi » entre les mots « inculpé, » et « renvoyé ».

B. Supprimer la disposition transitoire. »

Justification

Par souci légistique, il est préférable d'omettre la disposition transitoire telle qu'elle est prévue dans la proposition d'amendement déposée par M. Erdman et consorts et de renvoyer directement à la loi pour la définition qu'il y a lieu de donner à la notion d'inculpation.

Le Premier ministre s'associe aux critiques sur le rôle envisagé pour le ministère public. Il défend par contre l'intervention de la magistrature assise.

L'auteur de l'amendement nº 9 plaide lui aussi pour le recours au président du tribunal de première instance. Celui-ci peut en effet être saisi à tout moment. On ne peut confier ce rôle à la chambre du conseil, car dans ce cas, celle-ci ne pourrait plus intervenir à un stade ultérieur en tant que juridiction d'instruction impartiale.

L'apport du ministère public se justifie également. Étant donné que la constitution de partie civile auprès du juge d'instruction est exclue, ce dernier ne peut ouvrir l'instruction, hormis l'hypothèse du flagrant délit, qu'à la requête du ministère public. C'est donc a juste titre que ce dernier donne un avis sur la mesure de contrainte à prendre, même s'il ne doit pas nécessairement s'agir d'un avis conforme, comme le propose maintenant l'amendement nº 9.

Un commissaire se demande si la loi n'utilise pas généralement les mots « le ministère public » au lieu de « un membre du ministère public ».

Le Premier ministre renvoie à l'article 153 de la Constitution, en vertu duquel le Roi nomme et révoque « les officiers du ministère public ».

Un membre s'oppose aux propositions qui exposent un parlementaire à une instruction et à des poursuites jusqu'à ce que la Chambre concernée requière la suspension. En substance, cela revient à dire que le parlementaire doit convaincre la Chambre de son innocence, ce qui est contraire à la règle générale de droit qui veut que la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante. En outre, une demande de suspension des poursuites émanant d'un parlementaire peut susciter un conflit ouvert entre la Chambre et le pouvoir judiciaire.

Le critère d'appréciation d'une demande de levée de l'immunité parlementaire est que la demande doit être honnête et ne pas être inspirée par des considérations politiques. Ces motifs politiques ne ressortiront peut-être pas manifestement de la formulation de la demande proprement dite, mais le fait qu'elle soit énoncée à la légère ou repose sur une faible argumentation pourra par contre en être l'indice.

Pour les raisons susvisées, il ne convient pas de subordonner l'évaluation éventuelle d'une demande de levée à la requête du parlementaire. L'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts, par contre, élabore un scénario qui permet au pouvoir judiciaire d'effectuer une instruction sereine et approfondie et de constituer un dossier équlibré. En effet, il est extrêmement inquiétant de constater qu'en vertu de la réglementation actuelle, on demande parfois la levée sur la base de dépositions anonymes.

Ce n'est qu'à un stade tardif de la procédure qu'est introduite, pour la Chambre concernée, une phase d'évaluation. À cette occasion, la Chambre non seulement met en balance le bon déroulement des poursuites répressives et le bon fonctionnement de l'instruction parlementaire, mais elle veille en outre à ce que le droit pénal ne soit pas utilisé arbitrairement dans la lutte politique.

L'auteur principal de l'amendement nº 7 préconise d'inverser la réglementation en vigueur. À l'heure actuelle, la justice doit demander la levée de l'immunité parlementaire. L'amendement nº 7 propose que le membre du Parlement puisse en quelque sorte solliciter l'immunité parlementaire, ce qui le place dans une position stratégiquement plus forte. L'immunité parlementaire actuelle ne lui offre pas de protection effective. Au contraire, la procédure en vigueur l'accule d'emblée à la défensive et l'expose du même coup à la curiosité implacable des médias.

La procédure proposée par l'amendement nº 7 déplace l'initiative du côté du parlementaire. Celui-ci peut préparer sa défense en toute discrétion et, éventuellement, saisir la Chambre concernée et porter l'affaire sous les projecteurs des médias au moment qu'il aura choisi. S'il possède un dossier « fort », il pourra l'exploiter beaucoup mieux que ce n'est le cas aujourd'hui.

L'amendement nº 8 diffère de l'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts tels que sous-amendé par lui-même. Aux termes de l'amendement nº 2 sous-amendé, l'inculpation, le renvoi et la citation devant une cour ou un tribunal restent subordonnés à l'autorisation préalable de la Chambre concernée, tandis que l'amendement nº 8 ne requiert l'autorisation préalable que pour la privation de liberté.

En outre, l'amendement nº 2 sous-amendé confère un rôle trop important au ministère public. En effet, le président du tribunal ne pourra ordonner une mesure de contrainte que de l'avis conforme du ministère public. On supprime ainsi le cloisonnement entre la magistrature assise et le parquet, alors qu'il conviendrait précisément de le renforcer.

D'après l'auteur du sous-amendement nº 9, sa proposition va nettement plus loin que le texte transmis par la Chambre des représentants. Les mesures de contrainte auxquelles le parlementaire ne s'oppose pas peuvent être exécutées. Si le parlementaire s'y oppose ou si l'on peut difficilement demander la collaboration volontaire du parlementaire (par exemple, en cas d'écoutes téléphoniques), l'on engage une procédure judiciaire.

Un membre aborde le rôle des médias. Il existe un champ de forces entre les médias, la justice et la politique. La crainte d'une médiatisation de l'instruction et des poursuites à charge d'un parlementaire ne doit cependant pas présider à la réforme de l'immunité parlementaire. En effet, cette médiatisation est à peu près inévitable, même si l'on déplace la procédure vers le pouvoir judiciaire.

L'intervenant se montre cependant partisan de la formule proposée par l'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts dans sa forme originelle. Ce texte forme un ensemble cohérent, fondé sur une série de concepts clairs. Cette proposition représente déjà aussi une révolution dans les rapports entre le Parlement et la justice. Les interrogatoires et les confrontations ­ deux éléments essentiels de l'instruction judiciaire ­ pourront désormais avoir lieu sans intervention préalable du Parlement.

Ceux qui demandent la suppression de l'immunité parlementaire, tout en conservant la possibilité de requérir la suspension de l'instruction et de la poursuite, se rallieront peut-être à l'amendement nº 9. Celui-ci laisse en effet libre cours à l'instruction et à la poursuite, jusqu'à ce que le parlementaire s'y oppose.

L'idée qui sous-tend l'amendement nº 9 est acceptable, mais son élaboration formelle requiert encore quelques précisions. Faut-il, par exemple, que la requête du juge compétent par laquelle il demande une mesure de contrainte au président du tribunal soit motivée ou une simple demande formelle suffit-elle ?

Un sénateur est partisan de la formule dans laquelle seule l'arrestation d'un parlementaire serait subordonnée à l'autorisation préalable de la Chambre concernée. On pourrait même éventuellement permettre que l'arrestation se fasse sans une telle autorisation, avec toutefois comme correctif que la chambre du conseil ne pourrait confirmer le mandat d'arrêt que moyennant l'autorisation de la Chambre. Pour le reste, il suffirait que le parlementaire puisse demander à la Chambre concernée la suspension totale ou partielle de l'instruction et de la poursuite.

La Constitution ne doit pas spécifier les motifs que le parlementaire peut invoquer à cet effet. Cette procédure risque toutefois de devenir très lourde pour le parlementaire. Une demande de suspension suscite aussi un très grand intérêt médiatique. En outre, la décision de suspension devrait être prise à la majorité des deux tiers.

Certains amendements prévoient une procédure judiciaire particulière à suivre pour ordonner des mesures de contrainte. Cela peut constituer une garantie supplémentaire utile pour le parlementaire.

L'intervenant approuve également la suppression de la possibilité de se constituer directement partie civile contre un parlementaire devant la juridiction de jugement. L'on pourrait également prévoir qu'une affaire ne peut pas être rendue pendante par une citation directe du ministère public. Un parlementaire ne pourrait comparaître alors devant une juridiction de jugement qu'après avoir été renvoyé devant celle-ci par le juge d'instruction.

Un autre sénateur insiste pour que l'on réfléchisse en profondeur aux nombreuses propositions qui sont à l'examen. C'est faire preuve de peu d'esprit de concertation que de se laisser guider, pour la révision de l'article 59 de la Constitution par une loi portant exécution temporaire et partielle de l'article 103 de la Constitution rédigée à la hâte.

Un membre partage l'avis selon lequel une question aussi complexe que la réforme des dispositions relatives à l'immunité parlementaire ne saurait être réglée de manière expéditive.

L'un des auteurs de l'amendement nº 2 déclare que ceux qui frémissent à l'idée que l'on pourrait établir un parallélisme entre les règles relatives à l'immunité parlementaire et celles qui concernent la responsabilité pénale des ministres pourraient peut-être souscrire à la formule proposée dans le cadre de l'amendement nº 2, qui n'établit aucun parallélisme avec les règles relatives à la responsabilité pénale des ministres.

Le Premier ministre constate que la proposition de révision de l'article 59 de la Constitution a bénéficié du soutien nécessaire à la Chambre. Ensuite, les professeurs Franchimont et Traest ont formulé une série de remarques que l'on ne saurait ignorer.

L'amendement nº 2 de MM. Erdman et consorts tient compte de ces remarques. Le texte en question va plus loin que celui de la Chambre et ne contient aucune ambigüité. Celui qui veut pousser la réforme plus loin, optera soit pour un parallélisme avec les nouvelles règles sur la responsabilité pénale des ministres, soit pour une inversion des règles existantes.

En fait, la moindre modification de la réglementation actuelle constitue déjà un mieux. À l'heure actuelle, le Parlement est associé beaucoup trop rapidement aux procédures judiciaires à charge de parlementaires. L'amendement nº 2 de MM. Erdman et consorts constitue, de ce point de vue, l'option minimale.

L'auteur de l'amendement nº 1 déclare qu'il peut souscrire à l'amendement nº 2 tel qu'il a été sous-amendé par l'amendement nº 9, du moins, si l'autorisation de la Chambre dont le membre fait partie n'est pas requise pour ce qui est de l'inculpation.

L'auteur du sous-amendement nº 9 objecte que l'inculpation constitue un moment-clé de l'instruction à charge d'un parlementaire. En effet, elle fait naître des droits en faveur de l'inculpé, mais elle peut également être l'amorce de mesures de contrainte qui seraient ordonnées par le juge.

Un sénateur estime que la question centrale est de savoir quels sont les actes pour lesquels l'autorisation de la Chambre est requise. Quant au fond, les amendements diffèrent surtout sur ce point.

MM. Desmedt et Foret déposent un amendement (doc. Sénat, 1996-1997, 1-363/4, amendement nº 11), qui est un sous-amendement à l'amendement nº 2 de MM. Erdman et consorts et qui est rédigé comme suit :

« A. Au premier alinéa, supprimer les mots : « faire l'objet de mesures de contrainte requérant l'ordre d'un juge ».

B. Entre le premier et le deuxième alinéa, insérer un nouvel alinéa rédigé comme suit :

« Sauf le cas de flagrant délit, les mesures contraignantes requérant l'intervention d'un juge ne peuvent être ordonnées à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre, pendant la durée de la session, en matière répressive, que par le premier président de la cour d'appel sur demande du juge compétent. Cette décision est communiquée au président de la Chambre concernée.

Toute perquisition ou saisie effectuée en vertu de l'alinéa précédent ne peut l'être qu'en présence du président de la Chambre concernée ou d'un membre désigné par lui. »

Selon l'un de ses auteurs, l'amendement vise à ce que l'on puisse procéder à une instruction sans devoir lever l'immunité. Toutefois seul le juge d'instruction peut requérir une mesure de contrainte, et seul le premier président de la cour d'appel peut ordonner une telle mesure. Il convient, en effet, que la décision d'ordonner une telle mesure soit prise au niveau de la cour d'appel et non du tribunal de première instance.

Combiné à l'amendement nº 2 de MM. Erdman et consorts, le présent sous-amendement développe un système cohérent. L'on peut procéder à des interrogatoires et à des confrontations sans autorisation préalable. Les mesures de contraintes nécessitent l'intervention du juge. Une arrestation, une inculpation, une citation directe et un renvoi nécessitent l'autorisation de la Chambre concernée. L'on voit apparaître ainsi un système équilibré, qui concilie l'importance d'une procédure pénale rapide et celle du bon fonctionnement des assemblées législatives.

Un sénateur fait observer que l'exploration corporelle est l'une des mesures qui ne requiert l'intervention du juge ­ en l'espèce, le juge d'instruction. Néanmoins, celui-ci ne peut accomplir un tel acte d'instruction sans l'autorisation de la chambre du conseil. Cette autorisation n'est-elle plus requise lorsque le premier président de la cour d'appel a ordonné une instruction à charge d'un parlementaire ?

Un membre répond par la négative. Aux termes de l'amendement, des mesures de contrainte ne peuvent être prises que sur demande du juge compétent. Pour ce qui est de l'exploration corporelle, le juge d'instruction n'est compétent, que lorsqu'elle a été autorisée par la chambre du conseil. Il doit donc obtenir l'autorisation préalable de la chambre du conseil, même pour procéder à une instruction à charge d'un parlementaire. Ensuite, il devrait obtenir également en application des dispositions proposées qui valent pour l'ensemble des mesures de contrainte à l'égard des parlementaires, l'autorisation du premier président de la cour d'appel.

MM. Erdman et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-363/4, amendement nº 12), rédigé comme suit :

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par ce qui suit :

« Art. 59. Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, en matière répressive (faire l'objet de mesures de contrainte requérant l'ordre d'un juge), être inculpé, renvoyé ou cité directement devant une cour ou un tribunal, ni être arrêté qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

Pendant la durée de la session, seuls les officiers du ministère public et les agents compétents peuvent intenter des poursuites en matière répressive à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre.

L'arrestation ou la poursuite devant une cour ou devant un tribunal à l'égard d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session si la Chambre dont il fait partie le requiert. »

Disposition transitoire

Pour l'application du premier alinéa et aussi longtemps que la notion d'inculpation n'est pas définie dans le Code d'instruction criminelle, la disposition suivante est applicable :

« Le juge d'instruction procède à l'inculpation de toute personne contre laquelle existent des indices sérieux de culpabilité. Cette inculpation est faite lors d'un interrogatoire ou par notification à l'intéressé. »

L'auteur principal déclare que cet amendement remplace l'amendement nº 2 de M. Erdman. Le contenu des deux amendements est essentiellement le même, mais l'amendement nº 12 apporte quelques corrections. C'est ainsi que dans le texte néerlandais, les mots « een lid van beide Kamers » sont remplacés par les mots « een lid van een van beide kamers ». L'on a également ajouté, dans le texte néerlandais, le mot « rechtstreeks », en vue d'assurer la concordance avec le texte français où l'on trouve « cité directement ».

Les mots « faire l'objet de mesures de contrainte requérant l'ordre d'un juge » perdent leur objet si le sous-amendement nº 11 est adopté.

Au deuxième alinéa proposé, les mots « membres du ministère public » sont remplacés par les mots « officiers du ministère public » pour la concordance avec l'article 153 de la Constitution, et ce même s'il est question, dans le Code judiciaire, des « membres du ministère public ».

En outre, ce n'est pas toujours la loi qui charge les agents d'intenter des poursuites. Dans certains cas, ce peut être un décret ou une ordonnance. C'est pourquoi l'on propose de remplacer les mots « les agents déclarés compétents par la loi » par l'expression plus générale « les agents compétents ».

Enfin, en ajoutant les mots « pour l'application du premier alinéa », l'on précise que le champ d'application de la disposition transitoire se limite au premier alinéa de l'article 59 de la Constitution.

M. Verhofstadt dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-363/4, 1996-1997, amendement nº 13), qui vise à remplacer les amendements nºs 3, 4 et 5 de MM. Goris et Verhofstadt et les amendements nºs 6, 7 et 8 de MM. Verhofstadt et consorts et qui est rédigé comme suit :

« Remplacer l'article 59 proposé de la Constitution par ce qui suit :

« Art. 59. ­ § 1er . Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, en matière répressive, être privé de sa liberté pendant la session qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

§ 2. Sauf le cas de flagrant délit, pour toutes les mesures de contrainte autres que celles visées au paragraphe précédent, telles que les mandats d'amener, les perquisitions, les saisies, les repérages d'appels et les écoutes téléphoniques ainsi que les explorations corporelles, le juge d'instruction doit demander au préalable l'autorisation du premier président de la cour d'appel. Ce dernier statue sans délai, le procureur général entendu.

§ 3. En outre, en matière répressive, sauf le cas de flagrant délit, aucune perquisition ni saisie ne peut être effectuée à l'encontre d'un membre de l'une des deux Chambres qu'en présence du président de la Chambre dont le membre fait partie ou d'un membre désigné par ce président.

§ 4. Aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être traduit en matière répressive devant un tribunal ou une cour que par les membres du ministère public, par les agents déclarés compétents par la loi ou sur renvoi par le juge d'instruction après constitution de partie civile. »

Selon l'auteur de l'amendement, ce texte s'inspire de l'intention initiale du constituant de 1831 qui était d'empêcher que l'on perturbe le déroulement de la session (elle était, il est vrai, beaucoup plus courte) par des poursuites pénales à charge d'un parlementaire. Pour que l'on puisse rétablir ce principe, l'amendement propose que l'on ne doive plus requérir l'autorisation de la Chambre concernée que pour la privation de liberté.

Par contre, le juge d'instruction pourrait prendre des mesures de contrainte avec l'accord du premier président de la cour d'appel. L'importance de la procédure et l'uniformité du droit s'opposent à une intervention du tribunal de première instance.

Un commissaire se demande ce qu'il y a lieu d'entendre, au § 4 de l'amendement nº 13, par le renvoi par le juge d'instruction après constitution de partie civile. Manifestement, l'auteur admet quand même la possibilité d'une constitution de partie civile.

En outre, le § 1er est rédigé en termes très larges. Si la Chambre concernée doit donner son autorisation pour que l'on puisse procéder à une « privation de liberté », il en ira désormais de même pour ce qui est de l'arrestation administrative, contrairement à ce qui est le cas actuellement. L'amendement nº 12 de MM. Erdman et consorts s'inscrit dans la ligne de cette pratique existante en utilisant le terme « arrestation ».

Un membre demande si ce terme désigne bel et bien l'arrestation judiciaire, et non pas l'arrestation administrative.

L'auteur principal de l'amendement nº 12 répond qu'une arrestation ne peut être opérée qu'après la délivrance d'un mandat par un juge d'instruction. Cette condition ne doit toutefois pas être remplie pour ce qui est de l'arrestation administrative, à laquelle la police peut procéder dans l'exercice de ses missions préventives et dans le cadre du maintien de l'ordre.

Un commissaire fait observer qu'il est question, à l'article 3 du projet de loi spéciale portant exécution temporaire et partielle de l'article 125 de la Constitution transmis par la Chambre des représentants d'arrestation ou de mise en détention préventive.

L'auteur principal de l'amendement nº 12 désire maintenir la terminologie de celui-ci.

Un commissaire se dit partisan du système proposé par l'amendement nº 12 de M. Erdman et consorts tel qu'il est complété par le sous-amendement nº 11 de MM. Desmedt et Foret.

Selon un autre commissaire, la différence entre l'amendement nº 13 de M. Verhofstadt et l'amendement nº 12 de M. Erdman et consorts complété par le sous-amendement de MM. Desmedt et Foret consiste principalement dans le fait que l'amendement nº 13 autorise l'inculpation et le renvoi à la juridiction de jugement sans autorisation préalable de la Chambre concernée. L'on prétend que l'amendement nº 13 rencontrera une plus grande compréhension dans l'opinion publique. Or, celle-ci accorde surtout de l'importance à la garantie que l'instruction pourra se faire en toute liberté, sans toutefois que les droits de la défense soient lésés. Cette garantie est apportée par l'amendement nº 12 sous-amendé.

L'auteur de l'amendement nº 13 est hostile à toute proposition prévoyant un apport parlementaire dans une procédure judiciaire effective. En effet, les propositions en question ne modifient essentiellement en rien la procédure existante, qui n'est plus conforme aux intentions du constituant de 1831 et que, du reste, l'on ne trouve pas dans bon nombre de pays dont le système juridique est comparable au nôtre. En oute, il est illusoire d'espérer que l'opinion publique puisse apprécier une telle proposition à sa juste valeur.

Un sénateur ne comprend pas comment il se fait que certains soient hostiles à un renvoi sans autorisation de la Chambre concernée, alors qu'ils admettent que des mesures radicales puissent être prises contre un parlementaire sans autorisation de la Chambre concernée.

Un membre estime que de nombreuses instructions n'auraient pas eu lieu si les personnes qui en ont fait l'objet n'avaient pas été des parlementaires. Il est donc nécessaire que l'on examine, à un moment donné de la procédure, si l'instruction n'est pas inspirée par des motifs politiques. C'est pourquoi l'autorisation de la Chambre concernée doit rester requise pour le renvoi à une juridiction de jugement.

M. Verhofstadt dépose un amendement (doc. Sénat, 1996-1997, nº 1-363/4, amendement nº 14), qui est un sous-amendement à son amendement nº 13 et qui est rédigé comme suit :

« Compléter l'article 59 proposé de la Constitution par un § 5, libellé comme suit :

« § 5. Le renvoi devant une cour ou un tribunal d'un membre de l'une des deux Chambres est suspendu en matière pénale, pendant la session, si la Chambre dont l'intéressé fait partie le requiert à la demande de ce dernier. La Chambre concernée se prononce sur cette demande à la majorité des deux tiers. »

Justification

Le présent amendement entend offrir une ultime garantie, sous la forme la plus épurée et la plus simple qui soit, contre le renvoi arbitraire d'un membre d'une des deux Chambres législatives devant une cour ou un tribunal.

Seul le membre concerné peut demander à la Chambre dont il fait partie la suspension de son renvoi devant le juge du fond.

La Chambre ne peut décider cette suspension qu'à la majorité des deux tiers. Cela se justifie compte tenu des lourdes conséquences d'une telle décision, qui ne peut être prise que lorsque des indices sérieux existent que le parlementaire en question est l'objet de poursuites arbitraires. Cela permettrait aussi d'éviter que pareilles décisions ne doivent être prises dans un esprit de « majorité-contre-minorité ».

L'auteur de l'amendement nº 14 s'oppose à ce que l'on prévoie la nécessité d'une intervention de la Chambre concernée. Si on l'admettait, bien des dossiers judiciaires seraient renvoyés au Parlement, même contre le gré des parlementaires concernés. L'amendement pose comme principe que l'intervention de la Chambre concernée n'est pas requise pour un renvoi, à moins que le parlementaire ne demande lui-même la suspension de celui-ci. Cela lui permet de se protéger contre des instructions arbitraires.

IV. VOTES

L'amendement nº 1 de M. Loones et consorts est rejeté par 10 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts, les amendements nºs 3, 4 et 5 de MM. Goris et Verhofstadt, les amendements nºs 6, 7 et 8 de M. Verhofstadt et consorts, l'amendement nº 9 de M. Erdman et l'amendement nº 10 de Mme Milquet sont retirés.

L'amendement nº 11 de MM. Desmedt et Foret, qui est un sous-amendement à l'amendement nº 2 de M. Erdman et consorts, lequel a, à son tour, été remplacé par l'amendement nº 13 de MM. Erdman et consorts, est adopté par 12 voix contre 3.

L'amendement nº 14 de M. Verhofstadt, qui est un sous-amendement à son amendement nº 13, est rejeté par 11 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 13 de M. Verhofstadt est, lui aussi, rejeté par 11 voix contre 3 et 1 abstention.

Le texte du projet de révision de l'article 59 de la Constitution, tel qu'il résulte de l'amendement nº 12 de M. Erdman et consorts sous-amendé par l'amendement nº 11 de MM. Desmedt et Foret, a été adopté par 12 voix contre 3.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 8 membres présents.

Le Rapporteur,
Fred ERDMAN.
Le Président,
Frank SWAELEN.

ANNEXE I


Avis du professeur Philip Traest relatif à la proposition de révision de l'article 59 de la Constitution

Conformément à la demande de la Commission des Affaires institutionelles du Sénat, nous avons rédigé un avis concernant les implications en matière de procédure pénale du texte du projet tel qu'il a été transmis par la Chambre des représentants et soumis au Sénat en sa séance du 21 juin 1996. Il va de soi que nous nous limiterons à un commentaire purement juridique.

I. Interprétation de l'article 59
actuel de la Constitution
(5)

L'article 59 actuel de la Constitution dispose en termes assez vagues qu'aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi ni arrêté qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie. Cette règle n'est pas applicable en cas de flagrant délit ou en dehors de la session parlementaire. En dehors de celle-ci, aucune autorisation n'est nécessaire pour poursuivre un parlementaire.

Il s'agit en l'espèce d'une immunité (6) illimitée (elle vise toutes les infractions possibles), mais relative (car pouvant être levée) pour les infractions commises en dehors de l'exercice des fonctions parlementaires, et ce, contrairement à l'immunité conférée aux parlementaires pour les infractions commises dans l'exercice des fonctions parlementaires (art. 58 de la Constitution) (par exemple, l'outrage et la diffamation au cours des débats), qui a un caractère limité mais absolu (elle ne peut être levée).

L'imprécision de cette règle a soulevé, dans le passé, bon nombre de problèmes d'interprétation, surtout en ce qui concerne le moment où le ministère public (ou éventuellement de la partie civile) (7) doit demander cette autorisation à la Chambre dont le parlementaire concerné fait partie et les actes qui, le cas échéant, peuvent déjà ou ne peuvent pas encore être accomplis avant qe la Chambre concernée ne donne son autorisation.

L'obstacle constitué par l'article 59 de la Constitution ne vise que l'exercice effectif de l'action criminelle. Il empêche la partie civile comme le ministère public de requérir une instruction judiciaire à charge d'un parlementaire sans autorisation préalable. Lorsqu'en effet le juge d'instruction est saisi, l'instruction judiciaire ne peut se conclure que par une ordonnance des juridictions d'instruction (chambre du conseil ou chanmbre des mises en accuation), soit de renvoi, soit de renvoi des poursuites. Le parlementaire ne peut pas davantage être cité directement devant le tribunal compétent.

L'autorisation accordée par la Chambre législative ne vaut que pour un fait bien déterminé, mais peut être étendue en cours d'instruction. Une autorisation partielle peut également être accordée, par exemple pour l'ouverture d'une instruction et l'accomplissement d'actes d'instruction, à l'exception de la détention préventive et avec l'obligation de représenter le dossier avant de porter l'affaire devant la chambre du conseil en vue du règlement de la procédure.

L'article 59 de la Constitution n'empêche pas de procéder à une information préalable sans autorisation, mais aucune mesure coercitive (perquisition avec saisie, interrogatoire et audition de témoins, sous serment, interrogatoire sur mandat d'amener, arrestation, écoutes téléphoniques, ...) ne peut y être prise. Le ministère public peut toutefois recueillir d'autres renseignements ne nécessitant pas de mesures coercitives (interrogatoire sans mandat d'amener ou prestation de serment, déposition sans prestation de serment, désignation d'un expert, ...) (8).

Il est effectivement indispensable de mener une enquête exploratoire, en vue de déterminer les initiatives possibles et opportunes et de réunir les moyens permettant de motiver la demande d'autorisation à adresser à la Chambre ou au Sénat. On ne peut en effet partir du principe que le ministère public devrait solliciter la levée de l'immunité du parlementaire concerné ex nihilo et sans la moindre connaissance de la nature et des circonstances de l'infraction. Une interprétation trop large de l'immunité impliquerait aussi que le ministère public devrait déjà demander l'autorisation de poursuivre à un stade très précoce de l'enquête et faire savoir ainsi que le parlementaire est soupçonné, mais sans que le bien-fondé de ce soupçon puisse être vérifié.

La question de savoir si un parlementaire peut être interrogé dans le cadre d'une information à la demande du procureur du Roi demeure incertaine. Il ne s'agit pas en l'espèce de poursuites au sens où l'entend la procédure pénale, mais il a été fait référence en commission à la Chambre à l'opinion de Hayoit de Termicourt, qui a soutenu qu'un parlementaire ne pouvait être interrogé dans le cadre d'une information sans l'autorisation de la Chambre concernée. Mais comme les discussions portaient surtout sur l'instruction judiciaire, cet aspect revêt moins d'importance. Même s'il n'était pas possible d'interroger le parlementaire, il est bien établi que pour le surplus, une information peut être conduite sur les faits en question.

Rien n'empêche non plus d'exécuter des mesures d'instruction impliquant indirectement des parlementaires dans des enquêtes pénales à l'encontre de personnes autres que des parlementaires (par exemple, une perquisition au domicile d'un parlementaire dans le cadre d'une instruction à charge d'un tiers suspecté) (9).

En outre, selon la doctrine, l'article 59 de la Constitution n'empêche pas non plus d'exercer l'action criminelle à l'encontre de personnes autres que des parlementaires, notamment les coauteurs ou les complices présumés (10).

II. Observations relatives au texte proposé

a) Interrogatoire et confrontation avec des témoins

Ainsi qu'il ressort des phrases liminaires des développements de la proposition déposée à la Chambre des représentants, l'objectif de la modification apportée à la Constitution est de veiller « à ce qu'il ne soit en tout cas plus nécessaire de lever l'immunité pour permettre l'accomplissement des actes ordinaires d'instruction (interrogatoire et confrontation avec les témoins) ». On voulait donc qu'une levée de l'immunité parlementaire ne soit en tout cas plus nécessaire pour les interrogatoires et les confrontations avec des témoins.

À cet effet, le texte du projet prévoit ce qui suit :

« Sauf le cas de flagrant délit, aucun membre de l'une ou de l'autre Chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni privé de sa liberté en matière de répression qu'avec l'autorisation de la Chambre dont il fait partie.

Cette autorisation n'est pas requise pour les interrogatoires et les confrontations avec des témoins. Ces actes ne peuvent toutefois pas entraver le libre exercice du mandat.

La détention ou la poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre Chambre est suspendue pendant la session et pour toute sa durée, si la Chambre dont il fait partie le requiert. »

La Chambre des représentants a adopté le texte proposé en n'y apportant que l'ajout suivant : « Cette autorisation n'est pas requise pour les actes tendant à déclarer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre. »

Comme l'a précisé à juste titre le professeur Franchimont (11), il convient d'utiliser la notion de poursuites avec beaucoup de circonspection, car elle est susceptible de diverses interprétations.

En effet, la formulation telle qu'elle figure dans le projet de texte transmis par la Chambre n'est pas tout à fait conforme à l'idée de base qui la sous-tend manifestement, et qui est de faire en sorte que l'interrogatoire et la confrontation avec des témoins soient déjà possibles sans autorisation au cours de l'instruction judiciaire.

Selon les conceptions actuelles de la jurisprudence et de la doctrine, l'ouverture d'une instruction judiciaire (tout comme, bien entendu, la citation directe) est en soi (12) un acte de poursuite, si bien qu'avant de requérir une instruction judiciaire, le ministère public doit déjà avoir obtenu l'autorisation.

Sauf en cas de flagrant délit, un juge d'instruction ne peut ouvrir une instruction qu'après avoir été requis de le faire par le ministère public. Cette requête adressée au juge d'instruction fait entrer la procédure dans la phase des poursuites, ce qui, en vertu du premier alinéa de l'article 59 de la Constitution, nécessite une autorisation de la Chambre concernée.

Aux termes du texte en discussion, les deuxième et troisième exceptions prévues par le projet (interrogatoire et confrontation) ne pourront donc se faire sans autorisation que dans le cadre d'une information. Selon l'interprétation générale de l'article 59 actuel de la Constitution, ces deux mesures d'instruction pourraient d'ores et déjà être accomplies sans autorisation (13).

En outre, il n'est pas possible de permettre au juge d'instruction d'effectuer des interrogatoires ou des confrontations sans qu'il ait été saisi en vue d'une instruction judiciaire. En effet, dans l'état actuel de la législation, il n'est pas possible de ne saisir un juge d'instruction qu'en vue d'un acte d'instruction déterminé.

Selon le rapport de la commission de la Chambre, l'objectif était de permettre « un interrogatoire et une confrontation avec des témoins sans l'autorisation de la Chambre concernée, quel que soit le stade de la poursuite, c'est-à-dire tant dans le cadre d'une information que dans le cadre d'une instruction » (14). Le texte proposé ne traduit pas suffisamment cette intention, puisqu'il faut déjà demander une autorisation pour pouvoir déclencher une instruction (15).

b) Actes tendant à déclarer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre

La première exception, à savoir que l'autorisation n'est pas nécessaire pour les actes tendant à déclarer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre, s'intègre mal dans l'ensemble de l'instruction pénale qui, en principe, doit toujours être menée à charge et à décharge et dans le seul but de découvrir la vérité. Dans ce contexte, on peut difficilement imaginer que le juge d'instruction, ou le ministère public et ses officiers auxiliaires, puissent prédire si un acte, pour lequel ils ont à apprécier si oui ou non ils devront solliciter l'autorisation préalable de la Chambre ou du Sénat, est de nature à leur permettre de recueillir des preuves démontrant qu'il n'y a pas lieu de poursuivre ou, au contraire, qu'il existe bel et bien des éléments à charge.

D'après le rapport de la commission de la Chambre (16), le but de cet ajout au texte proposé initialement est de dispenser le ministère public de l'obligation de demander l'autorisation de la Chambre concernée pour requérir le non-lieu à l'encontre d'un parlementaire poursuivi. Le rapport souligne combien, si à l'issue d'un interrogatoire ­ mené sans l'autorisation de la Chambre concernée ­ il s'avérait ne pas exister d'indices de culpabilité, il serait absurde que le parquet doive quand même demander l'autorisation de la Chambre concernée pour requérir un non-lieu en Chambre du conseil.

Si compréhensible que soit cette préoccupation, le texte ne se heurte pas moins à la même objection que celle exposée au paragraphe IIa. Tant le texte proposé que l'ajout à celui-ci envisagent le cas d'une instruction judiciaire menée à l'encontre d'un parlementaire sous la direction d'un juge d'instruction. Comme indiqué plus haut, on ne peut ouvrir une instruction judiciaire qu'à la requête du ministère public, lequel doit pour ce faire demander l'autorisation de la Chambre concernée. Même s'il appert de l'instruction que le parquet doit requérir le non-lieu, cette circonstance n'enlève rien au fait que l'on se trouve déjà à ce moment-là au stade de l'instruction judiciaire et que l'on a donc nécessairement déjà dû demander à la Chambre concernée l'autorisation d'ouvrir cette instruction.

En conséquence, le texte ne correspond pas à son objectif, qui est de permettre de requérir le non-lieu sans devoir demander l'autorisation de la Chambre concernée.

Dans l'éventualité où l'on maintiendrait le texte proposé, il convient de souligner que la chambre du conseil n'est en aucun cas tenue d'accéder à une requête de non-lieu et qu'elle peut toujours renvoyer à la juridiction de jugement (17). En commission de la Chambre, on a fait état de la « non-exécutabilité » de l'ordonnance de la chambre du conseil dans ce cas de figure, mais cette notion a suscité des points d'interrogation. Il importe de signaler à cet égard que l'ordonnance de renvoi rendue par la chambre du conseil elle-même saisit la juridiction de jugement. La citation qui y fait suite n'a que valeur d'avenir. Il paraîtrait étrange que le ministère public ne puisse pas exécuter la décision de la Chambre du conseil ­ prise par un juge ­ sans demander au préalable l'autorisation de la Chambre concernée.

c) Le terme « poursuite » dans le troisième alinéa de l'article proposé

En ce qui concerne le troisième alinéa de l'article 59, proposé, de la Constitution, on peut se demander si le terme « poursuite » a, dans ce contexte, la même signification qu'au premier alinéa. Dans la signification actuelle, et commentée précédemment, du terme, le troisième alinéa signifie que seules seraient suspendues les instructions judiciaires et les procédures devant les juridictions de jugement, mais pas les informations, qui n'appartiennent pas au stade des poursuites. Il conviendrait peut-être de le préciser.

III. Proposition de solution

On peut conclure de ce qui précède que l'utilisation du terme « poursuite » crée un certain nombre de problèmes et est à l'origine de la difficulté à réaliser les objectifs de la proposition.

Nous nous rallions dès lors au point de vue du professeur Frannchimont selon lequel il serait préférable d'abandonner le terme « poursuite » au profit des notions d'« inculpé » et de « contrainte » ou « acte de contrainte » (18). Dans une instruction pénale, l'inculpation est en effet le moment où, pour la première fois, au vu des faits et des circonstances, on considère qu'il existe à l'encontre d'une personne ­ en l'espèce, un parlementaire ­ des indices sérieux de culpabilité. C'est à ce moment que le simple suspect, désormais inculpé, doit acquérir certains droits de la défense.

Cette notion d'« inculpé » figure également dans les propositions de la Commission pour le droit de la procédure pénale tendant à réformer l'information et l'instruction judiciaires. L'inculpation par le juge d'instruction y est considérée comme le moment où l'intéressé doit avoir la possibilité de défendre sa position en droit (19).

On devrait alors demander l'autorisation de la Chambre concernée pour citer un parlementaire devant la juridiction de jugement à l'issue d'une information ou pour pouvoir l'inculper dans le cadre d'une instruction judiciaire. Cela signifierait qu'un juge d'instruction pourrait être saisi sans l'autorisation préalable de la Chambre concernée et que ce juge pourrait en outre poser des actes d'instruction jusqu'au moment où une inculpation s'imposerait, c'est-à-dire où des indices sérieux de culpabilité seraient apparus.

Il va de soi que, dans cette phase de l'instruction judicaire ­ c'est-à-dire avant qu'une inculpation ne s'impose ­ on pourrait, comme le souhaitent les auteurs de la proposition, interroger le parlementaire et le confronter avec des témoins sans qu'il soit nécessaire de demander l'autorisation de la Chambre concernée. Dès lors, il ne serait plus nécessaire de mentionner explicitement cette possibilité dans le deuxième alinéa de l'article proposé. Il est à noter toutefois que, dans cette hypothèse, d'autres actes d'instruction comme la perquisition ou la saisie pourraient aussi éventuellement intervenir avant l'inculpation et qu'ils ne devraient pas davantage faire l'objet d'une demande d'autorisation préalable à la Chambre concernée (20).

L'utilisation du critère de l'inculpation plutôt que celui des poursuites aurait aussi comme avantage de faciliter la rédaction du deuxième alinéa de l'article proposé, la tournure affirmative se substituant à la tournure négative. Du point de vue du droit de la procédure pénale, il semble en effet plus simple de retarder le moment où il faut demander l'autorisation de la Chambre concernée et de mentionner alors spécifiquement les actes d'instruction qui avanceraient éventuellement ce moment.

Si, par conséquent, on décidait d'utiliser le terme « inculpation » (« inverdenkingstelling » ) (21), dans le premier alinéa, on pourrait éventuellement énumérer dans le deuxième alinéa les actes qui requièrent cette autorisation. Il s'agit là, bien entendu, d'un choix politique (22) à faire.

Il reste cependant souhaitable de disposer expressément dans le texte qu'aucun acte d'information ou d'instruction ne peut entraver le libre exercice du mandat.

Dans cette hypothèse, le troisième alinéa proposé pourrait être maintenu tel quel.

Gand, le 10 novembre 1996.

( ) Prof. Dr. Philip TRAEST.

(Traduction.)


ANNEXE II


Consultation des Conseils de communauté et de région

1. Lettre aux présidents des Conseils (22 novembre 1996)

Monsieur le Président,

La Commission des Affaires institutionnelles du Sénat examine à présent le projet de révision de l'article 59 de la Constitution. Cet article qui traite de l'immunité parlementaire, s'applique également aux membres des Conseils conformément à l'article 120 de la Constitution.

La commission invite les présidents des Conseils ou leurs représentants à donner leur point de vue sur la révision de l'article 59 s'ils le désirent.

La commission a décidé de réserver à cet effet la réunion du 12 décembre 1996. Évidemment vous pouvez également communiquer votre point de vue par écrit.

En annexe vous trouverez le projet de texte transmis par la Chambre des représentants, de même qu'un avis du professeur Philip Traest sur le projet de texte.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Frank SWAELEN.

2. Antwoord van de heer De Batselier, Voorzitter van het Vlaams Parlement (27 november 1996)

Réponse de M. De Batselier, président du Parlement flamand (27 novembre 1996)

Mijnheer de voorzitter, Waarde collega,

Op 25 november 1996 nam het uitgebreid Bureau van het Vlaams Parlement kennis van uw brief betreffende de Senaatscommissie voor de Institutionele Aangelegenheden belast met de behandeling van het voorstel tot herziening van artikel 59 van de Grondwet betreffende de parlementaire onschendbaarheid, dat overeenkomstig artikel 120 van de Grondwet ook van toepassing is op de leden van het Vlaams Parlement.

In dit verband deel ik u mede dat het uitgebreid Bureau unaniem van oordeel is dat er een eenvormig systeem moet gelden voor de federale kamers en de raden.

Tevens zou het uitgebreid Bureau het ten zeerste op prijs stellen van de toekomstige besprekingen op de hoogte te worden gehouden.

Daarenboven is het uitgebreid Bureau van mening dat het momenteel niet opportuun is dat het Vlaams Parlement als instelling een standpunt over dit onderwerp aanneemt, daar onze politieke fracties er verschillende meningen op nahouden, die gelijklopend zijn met de respectieve federale standpunten van de fracties.

Het Vlaams Parlement behoudt zich wel het recht voor om zijn standpunt als assemblee mee te delen indien uit bijkomende informatie of na eventuele amendering van het voorstel tot herziening van artikel 59 van de Grondwet, zou blijken dat dit nodig of noodzakelijk is.

Met de meeste hoogachting en collegiale groeten,

Norbert DE BATSELIER.

3. Antwoord van de heer G. Spitaels, voorzitter van het Waals Parlement (4 december 1996)

Réponse de M. G. Spitaels, président du Parlement wallon (4 décembre 1996)

Monsieur le Président,

Votre lettre du 22 novembre dernier par laquelle vous sollicitez mon avis sur la révision de l'article 59 de la Constitution, ainsi que le projet de texte transmis par la Chambre des représentants et l'avis du professeur Traest, joints en annexe, me sont bien parvenus et ont retenu ma meilleure attention.

Les services de la Chambre, par le biais d'une lettre du Greffier de cette assemblée au Greffier du Parlement wallon, avaient naguère sollicité l'avis de notre Parlement. Vous voudrez bien trouver en annexe une copie de la réponse transmise par M. le Greffier Damseaux à son collègue.

À ce stade de la procédure, je vous confirme qu'il y a dix mois, le Bureau du Parlement wallon a pris, à l'unanimité de ses membres, attitude sur cette question.

Par ailleurs, je ne vous cache pas que, prenant connaissance que le Président de la Chambre vient de confier le problème au sujet duquel vous me consultez à la sagesse des présidents de parti, il me vient le sentiment que la consultation à laquelle vous procédez ­ ainsi que la réponse que je vous apporte ­ ne peuvent être plus être tenues comme des éléments déterminants du développement de ce dossier.

Vous souhaitant bonne réception de la présente, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à ma considération la plus distinguée.

Guy SPITAELS.

Monsieur le Greffier, Cher Collègue,

Suite à votre lettre du 22 décembre dernier par laquelle vous me faisiez parvenir, pour transmission à Monsieur le Président du Parlement wallon, le dossier concernant la révision de l'article 59 de la Constitution, j'ai l'honneur de vous informer que Monsieur le Président a consulté sur ce dossier le Bureau du Parlement.

Monsieur le Président m'a prié de vous faire savoir que le Bureau, lors de sa séance du 24 janvier 1996, a dégagé à l'unanimité de ses membres une position analogue à celle adoptée à une large majorité par le Bureau du Sénat, telle que l'a exprimée Monsieur le Président du Sénat dans sa lettre du 19 décembre 1995 adressée à Monsieur le Président Langendries.

Vous remerciant de bien vouloir porter le contenu de la présente à la connaissance de Monsieur le Président de la Chambre, je vous prie de croire, Monsieur le Greffier, cher Collègue, à mes sentiments les meilleurs.

Jean-Claude DAMSEAUX.

4. Antwoord van de heer M. Schunck, Voorzitter van de Raad van de Duitstalige Gemeenschap (10 december 1996)

Réponse de M. M. Schunck, président du Conseil de la Communauté germanophone (10 décembre 1996)

Sehr geehrter Herr Präsident, Werter Kollege !

Betrifft : Stellungnahme zur Revision des Artikels 59 der Verfassung ­ Diskussion im Ausschuß des Senats für institutionelle Reformen

Im Verfolg unseres Briefwechsels in bezug auf die anstehende Revision des Artikels 59 der Verfassung möchte ich Ihnen mit vorliegendem Schreiben mitteilen, daß sich der zuständige Ausschuß des Rates der Deutschsprachigen Gemeinschaft am 9. Dezember 1996 erneut mit der Reform der parlamentarischen Immunität befaßt hat. Dabei kamen die Ausschußmitglieder überein, zum vorgelegten Entwurf (Senatsdok. 1-363/1) keine Stellungnahme mehr zu verabschieden, sondern auf die bereits im Januar d. J. an den Kammerpräsidenten ergangene Stellungnahme (siehe anbei) zu verweisen.

In der Hoffnung und der festen Überzeugung, daß die vom föderalen Parlament angestrebte Reform dazu beitragen wird, das Vertrauen der Bürger in das demokratische Gefüge Belgiens wieder herzustellen, verbleibe ich

hochachtungsvoll

M. SCHUNCK
Präsident des Rates der
Deutschsprachigen Gemeinschaft

Sehr geehrter Herr Generalsekretär !

Betrifft : Revision des Artikels 59 der Verfassung (parlamentarische Immunität)

Nach Empfang Ihres Schreibens vom 22. Dezember 1995 habe ich den von den Fraktionsvorsitzenden der Kammer ausgearbeiteten Vorentwurf zur Revision des Artikels 59 der Verfassung den Fraktionsvorsitzenden des Rat der Deutschsprachigen Gemeinschaft mit der Bitte um Stellungnahme unterbreitet. Die in der Anlage angeführten Bemerkungen bilden das Ergebnis dieser Beratschlagung.

Ich möchte jedoch darauf hinweisen, daß die angesprochenen Darlegungen als reine Denkanstöße und unverbindliche Anregungen zu werten sind. Es obliegt einzig und allein dem föderalen Parlament, zu entscheiden, ob diese Bemerkungen bei der Beurteilung der anstehenden Revision des Artikels 59 Berücksichtigung finden sollen.

Hochachtungsvoll

M. SCHUNCK.
Präsident des Rates der
Deutschsprachigen Gemeinschaft.

BEMERKUNGEN IN BEZUG DEN VORENTWURF

ZUR REVISION DES ARTIKELS 59 DER VERFASSUNG

Die nachfolgenden Anmerkungen sind als Ergänzung zu den bereits von Herrn Swaelen sowie von Herrn Franchimont formulierten Bemerkungen zu betrachten.

I. Rolle des Präsidenten der jeweiligen parlamentarischen Einrichtung

1. Die Aufgaben des Präsidenten sind nicht deutlich und genau definiert; dies trifft inbesondere auf die §§ 2 und 3 des Vorentwurfs zu.

In bezug auf den Paragraphen 2 stellt sich die Frage, welche konkrete Rolle der Präsident anläßlich einer Haussuchung oder Beschlagnahmung zu spielen hat und auf welche Art und Weise seine Anwesenheit den Schutz der reibungslosen Parlamentsarbeit des betroffenen Parlamentariers garantieren kann. Des weiteren muß geklärt werden ob die Anwesenheit des Präsidenten eine unerläßliche Bedingung zur Durchführung einer Haussuchunng oder Beschlagnahmung ist, so daß dem Präsidenten dadurch de facto eine Art Vetorecht gegen die Entscheidung des Untersuchungsrichters, eine Haussuchung oder Beschlagnahmung vorzunehmen, eingeräumt würde. Schließlich muß geklärt werden, ob der Präsident bei einer etwagen Delegation seiner in § 2 angeführten Aufgabe an einen anderen Parlamentarier frei entscheiden kann, oder aber ihm gewisse Richtlinien auferlegt werden.

Zu § 3 ist zu bemerken, daß nicht genau festgelegt ist, was der Präsident mit den ihm mitgeteilten Informationen anstellen soll. Ist es ihm erlaubt, das betroffenen Ratsmitglied, über ihn betreffende Ermitlungen in Kenntnis zu setzen ? Wenn ja, unter welchen Bedingungen ?

2. Ähnlich, wie dies auch der Präsident des Senats bereits angedeutet hat, sind die Fraktionsvorsitzenden des Rates der Deutschsprachigen Gemeinschaft der Meinung, daß dem Präsidenten eine zu große Verantwortung aufgebürdet wird, insbesondere was die Paragraphen 2 und 3 betrifft (Beurteilung aller übermittelten Informationen, Anwesenheit bei Haussuchungen und Beschlagnahmungen. Beurteilung, ob ein Ermittlungshandlung die freie Ausübung eines parlamentarischen Mandats beeinträchtigt).

Es stellt sich die Frage, ob der Präsident zur Wahrnehmung dieser schwierigen Aufgaben nicht durch einen Ausschuß (beispielweise der Ausschuß für Verfolgungen) unterstützt werden sollte. Allerding müßte dann auch die Geheimhaltung der anvertrauten Informationen auf besondere Weise (geheime Sitzung, Schweigeplicht, usw.) sichergestellt sein.

3. Die Möglichtkeit, daß der Präsident der parlamentarischen Einrichtung selbst Gegenstand van Ermittlungen sein kann, wurde im vorliegenden Vorschlag nicht berücksichtigt. Für eine derartige Hypothese muß ebenfalls ein Verfahren vorgesehen werden, das den Präsidenten von seinen sonst üblichen Pflichten entbindet, sodaß er nicht einem seine eigene Person betreffenden Interessenkonflikt ausgesetzt ist.

II. Ausführungsbestimmungen zum Artikel 59 der Verfassung

Der vorliegende Vorentwurf (§§ 1, 4 und 5) vertraut ganz allgemein der Kammer die behandlung aller die parlamentarische Immunität betreffenden Fragen an, ohne auf die konkrete und interne Arbeitsweise (sieh beispielsweise Artikel 93 der Geschäftsordnung der Kammer) hinzuweisen oder einzugehen. Es ist abzuwägen, ob diesbezüglich nicht genaue Richtlinien (in welcher Form auch immer) angeführt werden sollten, um zum einen der Bedeutung der vom vorgeschlagenen Verfahren berührten Principien des Untersuchungsgeheimnises und der Gewaltentrennung gerecht zu werden und zum anderen eine einheitliche Arbeitsweise in allen Parlamenten Belgiens zu erreichen.

III. Ermittlungen außerhalb der Sitzungsperioden

In den Erläuterungen weisen die Autoren des Vorentwurfs darauf hin, daß ­ ähnlich wie es bereits zum heutigen Zeitpunkt der Fall ist ­ die parlamentarische Immuniteit nicht außerhalb der Sitzungsperioden wirksam ist. In diesem Zusammenhang sollte gegebenfalls in Betracht gezogen werden, daß es aufgrund von Artikel 44 der Verfassung bzw. Art. 32 § 3 des Sondergesetzes vom 8. Augunst 1980 der Regierung obliegt, die Sitzungsperiode zu schließen.

IV. Grundsätzliche Bemerkung in bezug auf die Informationspflicht im Ermittlungsstadium

Um den Präsidenten weitgehend zu entlasten und eine optimale Wahrung des Untersuchungsgeheimmises sowie der Gewaltentrennung zu gewährleisten, wäre zu überlegen, ob die ermittelnden Behörden nicht von der in den §§ 2-4 angedeuteten Verpflichtungen (Mitteilung der jeweiligen Informations- und Untersuchungshandlungen sowie Zulassung des Präsidenten bei Haussuchungen und Beschlagnahmungen) entbunden werden sollten. Dies würde jedoch voraussetzen, daß ihnen bei ihren Ermittlungen verpflichtend zur Auflage gemacht würde, die freie Aussübung des parlamentarischen Mandats zu respektieren. Dieser Begriff müßte allerdings genauestens definiert werden, um eine Kontrolle (entweder durch die rechtsprechende Gewalt oder durch die betroffene parlamentarische Einrichtung selber) im nachhinein zu erlauben. Sollte eine derartige Beeinträchtigung festgestellt werden so könnte man sich vorstellen, daß die anhand der für unzulässig erklärten Ermittlungshandlungen gesammelten Erkenntnisse später nicht verwertet werden können.

Parallel hierzu sollte der im § 5 vorgesehen « Beanstandungsmöglichkeit » des betroffenen Parlamentariers eine möglichst weitreichende Bedeutung zukommen, zo daß eine erfolgreiche Widersetzung gegen willkürliche Ermittlungen gewährleistet werden kann.

Schließlich sollte das im § 1 angeführte Prinzip unter berücksichtigung der Bemerkungen des Herrn Franchimont aufrecht erhalten werden.


5. Antwoord van mevrouw A.-M. Corbisier-Hagon, Voorzitster van de Franse Gemeenschapsraad (11 december 1996)

Réponse de Mme A.-M. Corbisier-Hagon, présidente du Conseil de la Communauté française (11 décembre 1996)

Monsieur le Président,

Suite à la lettre que vous m'avez adressée en date du 22 novembre 1996, par laquelle vous me signalez que la commission des Affaires institutionnelles du Sénat invite les présidents des Conseils à donner, s'ils le désirent, leur point de vue sur la révision de l'article 59 de la Constitution au cours de la réunion de ce jeudi 12 décembre à 10 heures, je vous communique l'avis que j'ai recueilli auprès de la Conférence des présidents de notre Assemblée.

La Conférence des présidents du Conseil considère tout d'abord que la révision de cet article fait partie d'une problématique plus large qui inclut par exemple aussi la responsabilité pénale des ministres et qu'il convient d'être attentif à cet égard aux travaux qui seront menés dans le cadre du « groupe de concertation » constitué il y a quelques jours à l'initiative du Président de la Chambre des représentants.

La Conférence des présidents m'a, par ailleurs, invitée à vous rappeler le point de vue que j'exprimais par lettre du 24 janvier 1996 adressée à M. Langendries, Président de la Chambre des représentants, précisément au sujet de la révision de cet article 59 de la Constitution. Dans cette lettre, je signalais que la Conférence des présidents estimait devoir se rallier aux observations qu'avait formulées en son temps le Bureau du Sénat à ce sujet. Vous trouverez, en annexe, copie de cette lettre.

Vous voudrez bien excuser mon absence à la réunion de ce jeudi 12 décembre et je vous remercie de bien vouloir transmettre cette lettre aux membres de la commission des Affaires institutionnelles du Sénat.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Anne-Marie CORBISIER-HAGON.

Monsieur le Président, cher Collègue,

Lors de la réunion des présidents des assemblées du 19 décembre 1995, il avait été convenu que chaque président d'assemblée émettrait un avis au sujet du dossier concernant la révision de l'article 59 de la Constitution.

J'ai en conséquence saisi la conférence des présidents du Conseil du dossier qui a été entretemps transmis par M. le greffier Graulich à M. le greffier Daubie. Au cours de sa réunion du mardi 23 janvier 1996, la conférence des présidents a estimé devoir se rallier aux observations formulées par le Bureau du Sénat telles qu'elles vous ont été transmises par lettre du président du Sénat, M. Swaelen, en date du 19 décembre 1995.

Je rappelle par ailleurs qu'il avait été convenu qu'un groupe de travail inter-assemblées serait mis sur pied, composé de deux représentants par assemblée afin d'examiner en concertation ce dossier. Je vous communiquerai prochainement les noms des deux membres du Conseil qui seront désignés à cet effet.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, cher Collègue, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs et les plus distingués.

Anne-Marie CORBISIER-HAGON.

(1) Voir, entre autres (avec d'autres références dans les bibliographies) : Mast, A. et Dujardin, J., Overzicht van het Belgisch Grondwettelijk Recht , Bruxelles, Story-Scientia, 1987, 154 sqq. ; Alen, A., Handboek van het Belgisch Staatsrecht , Deurne, Kluwer, 1995, 164 sqq. ; Ergec, R., Introduction au droit public, Tome I, Le système institutionnel , Diegem, Story-Scientia, 1994, 139 sqq. ; Verdussen, M., Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal , Bruxelles, Bruylant, 1995, 591 sqq. ; Vande Lanotte, J., Overzicht van het publiek recht , Brugge, die Keure, 1994, 330 sqq. ; Velu, J., Droit public, Tome I, Le Statut des gouvernants , Bruxelles, Bruylant, 1986, 493 sqq.

(2) Une étude de droit comparé indique qu'il y a une grande diversité de procédures applicables en cas de demande de levée de l'immunité parlementaire. En Suisse, par exemple, la demande de levée de l'immunité parlementaire est examinée par une commission spéciale, qui présente son rapport à la commission qui a la Justice dans ses attributions. La commission de la Justice fait une recommandation relative aux mesures à prendre. Dans le système français, la demande de levée est adressée au président de l'Assemblée par l'intermédiaire du « garde des Sceaux », c'est-à-dire le ministre de la Justice. Le président se prononce alors après avoir reçu l'avis du bureau de l'Assemblée. En Pologne, la demande de levée est déposée par motion du procureur général sur le bureau de la Chambre, laquelle saisit alors la commission qui a le règlement et les affaires concernant les membres de l'assemblée concernée dans ses attributions. Cette commission prépare un rapport et le parlementaire concerné choisit un avocat parmi les membres du Parlement; la Chambre dont le parlementaire fait partie procède à l'examen après avoir entendu le membre concerné et le rapporteur et eux seuls (Conseil de l'Europe, Commission des relations parlementaires et publiques, Programme paneuropéen de coopération interparlementaire, Séminaire sur le fonctionnement démocratique des Parlements, Strasbourg, 21-22 novembre 1996, 9, 10).

(3) Doc. Chambre, 1993-1994, nº 1500/3, p. 3.

(4) Propositions et projets de déclaration de révision de l'article 59 (art. 45 ancien) de la Constitution : proposition De Decker, doc. Chambre, 1993-1994, nº 1283; proposition Cheron et Geysels, doc. Chambre, 1994-1995, nº 1722; proposition Annemans et Van Hauthem, doc. Chambre, 1994-1995, nº 1742; proposition Sauwens, doc. Chambre, 1994-1995, nº 1756; proposition Dewael, Chevalier, Denys, Gabriëls et Verhofstadt, doc. Chambre, 1994-1995, nº 1768; projet, doc. Chambre, 1994-1995, nº 1740; proposition Daras et Lozie, doc. Sénat, 1994-1995, nº 1295; proposition Loones et consorts, doc. Sénat, 1994-1995, nº 1328; proposition Verreycken, doc. Sénat, 1994-1995, nº 1329; proposition Goovaerts et consorts, doc. Sénat, 1994-1995, nº 1370; projet, doc. Sénat, 1994-1995, nº 1344.

(5) Pour un aperçu général, voir Hayoit de Termicourt, R., « Parlementaire immuniteit », R.W. , 1995, 49-67.

(6) Van den Wyngaert, C., Strafrecht en strafprocesrecht in hoofdlijnen, Anvers, Maklu, 1994, 482; Verstraeten, R., Handboek Strafvordering, Anvers, Maklu, 1994, nº 44.

(7) Verstraeten, R., o.c. , nº 44.

(8) Verstraeten, R., o.c., nº 47; Van Den Wyngaert, C., o.c., 483.

(9) Cass. 30 septembre 1992, J.L.M.B., 1992, 1226, R.D.P., 1993, 96, R.W., 1992-1993, 956.

(10) Verstraeten, R., o.c., 47.

(11) Doc. Chambre, nº 492/5, 95/96, 30.

(12) Van Den Wyngaert, C., o.c., II, 509; Verstraeten, R., o.c., nº 155; Vanhoudt, C., et Calewaert, W., Belgisch Strafrecht, I, Bruxelles, Story-Scientia, 1976, nº 403.

(13) Van den Wyngaert, C., o.c. , II, 483. Il convient d'émettre des réserves à l'égard de la conception de Hayoit de Termicourt citée en commission de la Chambre, selon laquelle un parlementaire ne peut être interrogé dans le cadre d'une information sans autorisation de la Chambre concernée. Il va de soi qu'en l'occurrence le parlementaire ne peut être contraint par la voie d'un mandat d'amener et qu'il ne peut pas davantage prêter serment, le procureur du Roi ne disposant en aucun cas de ces compétences.

(14) Doc. Chambre, nº 492/5, 95/96, 51.

(15) Rappelons que dans le cadre de poursuites à charge de tiers, un parlementaire peut être interrogé comme témoin sans levée de son immunité. Même une perquisition est autorisée dans ces circonstances (Cass., 30 septembre 1992, R.D.P., 1993, 96, avec note de Bosly, R.W. , 1992-1993, 956). L'article 59 de la Constitution ne concerne en effet que les poursuites à charge de parlementaires.

(16) Doc. Chambre, nº 492/5, 95/96, 51-52.

(17) Doc. Chambre, nº 492/5, 95/96, 52.

(18) Doc. Chambre, nº 495/5, 95/96, 39 et 41.

(19) Commission pour le droit de la procédure pénale, Liège. Éd. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1995, pp. 67 et suivantes.

(20) Il va de soi que le fait de prendre la notion d'« inculpation » pour point de départ n'empêche pas que l'on puisse prévoir expressément, dans le texte, que les perquisitions ne peuvent être effectuées sans l'autorisation de la Chambre concernée. Comme il s'agit là d'une option politique, nous ne souhaitons pas nous prononcer sur l'opportunité d'une telle disposition.

(21) Dans la chronologie d'une instruction pénale, ce moment est postérieur au début des poursuites.

(22) La délivrance d'un mandat d'arrêt ne devrait même pas figurer dans cette liste d'exceptions, puisque cet acte va toujours de pair avec une inculpation. Si, par contre, on voulait imposer l'autorisation de la Chambre concernée pour une perquisition, cette exception devrait être mentionnée explicitement au deuxième alinéa.