1-185/3

1-185/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

30 AVRIL 1996


Révision de l'article 41 de la Constitution

Révision de l'article 41
de la Constitution


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR M. CALUWÉ


La Commission des Affaires institutionnelles a examiné deux propositions de révision de l'article 41 de la Constitution, déposées respectivement par M. Verreycken et M. Erdman et consorts.

EXPOSÉ INTRODUCTIF DES AUTEURS DES PROPOSITIONS

L'auteur de la première proposition rappelle qu'il a été membre, dès la première heure, d'un conseil de district et qu'il l'est resté jusqu'au début de la législature précédente. Sa proposition reprend en grande partie une proposition qui avait déjà été formulée à l'époque.

À vrai dire, les conseils de district constituaient à l'origine plus ou moins une réponse à « l'idée de défusion » qui avait cours alors. Il s'agissait d'annuler les fusions de communes, que de nombreux citadins considéraient comme une atteinte et une limitation injustifiées de leur spécificité.

C'est pour cette raison qu'au cours de la législature précédente, l'intervenant avait déjà déposé une proposition qui tendait à régler un certain nombre de problèmes par l'intermédiaire de la loi communale, les articles concernés de la Constitution ne pouvant à ce moment-là être soumis à révision.

Cet obstacle étant aujourd'hui levé, il lui a paru souhaitable de scinder son ancienne proposition en trois propositions distinctes, lesquelles concernent respectivement les articles 41 et 162 de la Constitution, d'une part, et la nouvelle loi communale, d'autre part (respectivement les doc. parl. nos 1-49/1, 1-50/1 et 1-51/1).

Les personnes associées au fonctionnement des conseils de district estiment en effet qu'une modification s'impose à ces trois niveaux. Les conseils de district sont très proches du citoyen et permettent de toute évidence de réduire le fossé qui le sépare des hommes politiques. Dans les grandes villes, où le tissu social a largement disparu, les membres des conseils de district, qui ont des contacts quotidiens avec le citoyen dans la rue, au café, dans les maisons de quartier, etc., remédient souvent à ce problème.

Comme la dénomination « district » couvre déjà une notion existante, il convient de trouver un autre nom pour les organes qui font l'objet de la proposition : les conseils de quartier. Cette appellation permet de répondre au besoin qu'ont les parties d'une commune qui possédaient auparavant leur propre nom d'affirmer leur identité. Ce nom, c'est-à-dire en particulier le nom des anciennes communes autonomes aujourd'hui regroupées dans une commune fusionnée, pourrait être inclu dans la dénomination du conseil de quartier.

Dans l'état actuel des choses, le conseil communal est, dans une commune, le seul conseil démocratiquement élu qui soit tenu de rendre compte de ses actes à l'électeur. Il n'en va pas de même pour les conseils de district. Pour que les conseils de quartier soient reconnaissables, il convient qu'ils soient composés en fonction des rapports de force politiques au sein du district. Si leur organisation devait être le reflet d'une entité plus large, les conseils de quartier seraient moins reconnaissables et perdraient leur fonction de rapprochement du citoyen et de la politique. Compte tenu des moyens techniques actuels et de l'informatique, cela ne devrait pas poser de gros problèmes, d'autant plus que les limites des districts correspondent généralement à celles des districts électoraux.

Par ailleurs, la proposition réserve la possibilité de créer des conseils de quartier aux seules communes comptant plus de 250 000 habitants. Il n'entre pas dans les intentions de l'auteur de faire de la création de ces conseils une règle générale.

Contrairement à nos voisins, nous ne possédons pas de « loi sur la ville » et notre législation ne comprend pas davantage de dispositions spécifiques pour les villes. Elle ne connaît que des compétences communales et la loi communale qui en découle. C'est la raison pour laquelle l'auteur de la proposition souhaite que la dénomination des conseils de quartier contienne une référence à la notion de ville. Il faut en tout cas éviter d'utiliser un jargon incompréhensible pour le citoyen. La dénomination choisie doit indiquer au citoyen qu'il s'agit de sa représentation et de sa participation à l'entité plus large que constitue la commune. Enfin, le membre demande que sa proposition soit examinée et adoptée rapidement ou, du moins, que l'on adopte rapidement n'importe quelle proposition de révision de l'article 41 offrant la possibilité de créer des conseils de quartier.

L'auteur de la deuxième proposition rappelle que celle-ci rouvre un débat qui avait eu lieu au cours de la législature précédente.

La proposition part d'un certain nombre de constatations faites à la suite des fusions de communes : plaintes concernant la distance qui s'est creusée entre les administrés et leurs mandataires, éléments de participation et de démocratisation et, enfin, les textes existants : l'article 41 de la Constitution, qui prévoit que les intérêts exclusivement communaux sont réglés par les conseils communaux, ainsi que l'article 162, qui prévoit notamment que la loi doit consacrer l'élection directe des membres des conseils communaux.

À l'occasion de la déclaration précédente de révision de la Constitution, l'on avait indiqué qu'il y avait lieu de réviser l'article 41 (à ce moment-là, encore l'article 31) pour permettre la création des conseils de district. La notion de district est issue de la législation relative à l'état civil, laquelle permet de créer des districts dans les villes et de confier, à des organes dès lors décentralisés, des missions relatives à l'état civil (et uniquement des missions de ce type).

Dans chacune des communes fusionnées qui constituent actuellement la grande entité d'Anvers, l'on a créé des conseils de district consultatifs dans ce cadre-là. Ils ont été créés sur une base volontaire, ont un pouvoir consultatif et leur composition reflète la composition politique du conseil communal; à l'origine, ils ne disposaient pas de moyens financiers, mais ils ont obtenu par la suite un certain budget qui leur permet de soutenir financièrement certaines activités.

Les discussions qui ont eu lieu au cours de la législation précédente ont montré qu'ajouter à l'article 41 existant un deuxième alinéa, aux termes duquel il serait possible de créer des conseils de quartier, ne suffirait pas.

En effet, l'objectif ne peut pas être ­ et il ne l'était d'ailleurs pas ­ de remettre en question l'évolution de la vision que l'on a des fusions de communes en confrontant chaque commune au problème de la création éventuelle en son sein de conseils de quartier. Comme l'indiquent les développements, la réglementation projetée vaudrait pour les grandes agglomérations.

Une autre difficulté venait du fait que, l'article 162 (à cette époque l'article 108) de la Constitution n'ayant pas été soumis à révision au cours de la législature précédente, le principe de l'élection directe des membres des conseils de quartier n'aurait pu être considéré que comme inscrit implicitement à l'article 162 non soumis à révision. Ce problème ne se pose plus aujourd'hui, même si la déclaration de révision de l'article 162 vise non seulement la question qui nous occupe, mais aussi d'autres points et, plus particulièrement, la régionalisation de la loi provinciale et de la loi communale.

Rien n'empêche toutefois un examen et une révision progressives. Si l'on révise l'article 41, il faudra en tirer des conclusions en ce qui concerne l'article 162.

Il faut également tenir compte de la nécessité d'examiner la possibilité de créer des conseils de quartier, ainsi que leur fonctionnement et leur contenu, dans le cadre de la répartition actuelle des compétences entre le niveau fédéral et le niveau régional. Ce sont en effet les régions qui exercent la tutelle administrative sur les communes.

C'est pourquoi le texte proposé prévoit expressément l'intervention du niveau régional. L'intervention du législateur spécial constitue un verrou au niveau fédéral pour ceux qui craignent une application trop poussée ou trop généralisée du principe en question. Mais en outre, l'exigence selon laquelle c'est un décret spécial qui doit fixer les conditions et les modalités de la création des conseils de quartier constitue un deuxième verrou, au niveau régional.

La réglementation proposée est peut-être lourde, mais tient compte de toutes les objections possibles de quiconque ne souhaite pas ériger purement et simplement en principe la possibilité que la loi ou quelque autre réglementation crée des conseils de quartier au sein des communes.

Par la suite, dans le cadre d'une révision globale de l'article 162, la révision de l'article 41 devra en tout cas aboutir à une adaptation du deuxième alinéa, 1º, de l'article 162, afin de prévoir explicitement dans la Constitution que les membres des conseils de quartier sont également élus directement.

Il est clair en tout cas que les régions devront fixer ultérieurement quelles seront les conditions pour pouvoir créer des conseils de quartier et quel sera leur fonctionnement. Ces conseils pourront donc différer de région à région.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre craint que la proposition de M. Verreycken ne soit trop sommaire, car elle n'impose aucun critère ni aucune condition. La réglementation proposée par M. Erdman est, quant à elle, très complexe. Cela ne veut pas dire que l'idée sur laquelle elle est basée est inintéressante pour Anvers ou pour d'autres entités, mais elle soulève une série de questions. Quel contenu souhaite-t-on donner à ce que l'on propose ? Qu'en sera-t-il de la tutelle administrative, des aspects financiers, etc. ? A-t-on déjà une quelconque idée de la voie dans laquelle on souhaite se diriger ?

L'auteur de la première proposition signale que, si M. Erdman renvoie au décret dans sa proposition, il aborde quant à lui une série d'aspects plus concrets dans les deux propositions connexes qu'il a déposées. Il renvoie plus particulièrement au Document du Sénat, nº 1-50/1 et surtout au Document du Sénat nº 1-51/1.

L'auteur de la deuxième proposition rappelle que, dans le cadre de la réglementation qu'il propose, l'autonomie des régions est une chose reconnue, ce qui est normal dans la situation actuelle. Pour ce qui est des questions concrètes, il souligne que l'on peut, sans trop de problèmes, tracer un certain nombre de grandes lignes. Il y a des compétences, à savoir celles qui concernent la police, la sécurité et les services d'incendie, qui ne peuvent en aucun cas être scindées. Il y en a d'autres qui sont d'ores et déjà caractérisées de facto par certaines formes de décentralisation, par exemple en ce qui concerne l'état civil, et l'on peut imaginer certaines formes de décentralisation, en ce qui concerne par exemple les travaux publics et la gestion des espaces verts. Il y a, enfin, des compétences qui se situent entre les deux groupes précités, mais elles doivent en tout cas présenter un aspect de territorialité pour pouvoir entrer en ligne de compte. Ces compétences soulèvent toutefois surtout un problème en raison de la difficulté de les budgétiser dans le cadre de l'unicité de moyens financiers et du budget communal. Il paraît exclu que l'on puisse accorder une compétence fiscale aux conseils de quartier et il faudra, dès lors, accorder des moyens à ceux-ci ou en dissocier en leur faveur, ce qui devra bien entendu s'accompagner d'une « responsabilisation » dans le cadre d'une politique fiscale et budgétaire communale unitaire.

Le législateur devra examiner ces problèmes en détail.

Un membre rappelle que la problématique de la création d'organes intracommunaux pour la ville d'Anvers s'est déjà posée à plusieurs reprises au Parlement, notamment dans les années 1976-1982, à l'occasion de l'examen de la loi sur les fusions des communes et de la préparation de mise en oeuvre de la fusion d'Anvers, différée de six ans. Ces problèmes ont été traités au sein de la Commission de l'Intérieur qui était chargée de l'examen de la fusion des communes et de ses conséquences. Le ministre de l'Intérieur était d'ailleurs disposé à rechercher une solution en la matière, mais aucune solution n'a pu être dégagée à l'époque.

Cette problématique fait donc partie de la problématique communale, même si, dans l'hypothèse actuelle, elle ne vise que la ville d'Anvers. Il est évident que l'ouverture d'une possibilité de législation en la matière va ouvrir des appétits nouveaux et poser des questions dans toutes les communes du Royaume.

Le groupe de l'orateur se demande, dès lors, s'il n'y a pas lieu de consulter la Commission de l'Intérieur sur l'opportunité de ce que l'on propose de faire, avant de s'engager dans la discussion technique d'une éventuelle révision des articles 41 et 162 de la Constitution.

Le premier point à discuter alors, s'il y a un avis favorable quant à l'opportunité, sera de savoir s'il faut vraiment modifier la Constitution et s'il n'est pas possible d'obtenir le résultat souhaité par une modification de la loi communale ou par une législation spécifique pour Anvers, législation qui pourrait, après évaluation, être intégrée dans la loi communale. L'avantage d'une loi particulière concernant la ville d'Anvers est qu'elle pourrait cerner les problèmes de près dans leurs dimensions réelles, faire état de l'expérience déjà acquise par les conseils de quartier actuels, et indiquer dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la discussion parlementaire les limites constitutionnelles.

En tout état de cause, s'il faut passer par une révision de la Constitution, l'article 162 devrait logiquement être modifié lui aussi.

L'auteur de la deuxième proposition estime que les réflexions du préopinant ne correspondent pas exactement à l'objectif de sa proposition. La proposition initiale de révision de l'article 41 de la Constitution, qui fut déposée au cours de la législature précédente (Doc. Sénat, nº 100-50/1, S.E. 1991-1992), a permis au conseil communal de créer des organes intracommunaux. Diverses réactions à cette proposition ont montré que l'on hésitait à accorder une compétence aussi large aux conseils communaux.

La proposition à l'examen contient, quant à elle, des garanties nécessaires. On les y a prévues, notamment pour pouvoir faire face aux difficultés éventuelles citées par l'intervenant. La proposition ne permet en effet pas aux conseils communaux de créer eux-mêmes des organes intracommunaux.

Pour commencer, il faut des majorités spéciales pour pouvoir installer des organes de ce type. Il faudra, en outre, que les autorités régionales interviennent elles aussi à un moment donné. La procédure applicable pour créer ces organes sera définie par le décret ou la règle dont il est question à l'article 134 et qui devra avoir été adoptée à une majorité spéciale.

Il est bel et bien nécessaire, d'autre part, de procéder à une révision de la Constitution. En effet, l'objectif, c'est l'élection des organes territoriaux intracommunaux dont le principe doit être inscrit dans la Constitution. L'on a d'ailleurs soumis l'article 41 de la Constitution à révision en vue d'y insérer une disposition relative aux organes territoriaux intracommunaux.

En outre, l'article 162 est également soumis à révision, alors que l'ancien article 108 ne l'a pas été, lui, au cours de la session précédente. Les auteurs de la proposition de révision de l'article 41 ont pourtant décidé de ne pas toucher au texte de l'article 162, pour éviter que l'on ne puisse plus y apporter d'autres modifications au cours de la session actuelle.

Un membre rappelle que l'on a tenté, dans le passé, de rendre possible la création d'organes territoriaux intracommunaux en modifiant la loi et non pas en modifiant la Constitution. Le Conseil d'État a souligné alors qu'il fallait réviser la Constitution au préalable (voir proposition de loi de M. De Beul, Doc. Chambre, nº 146-1, S.E. 1981-1982).

La proposition à l'examen tient compte de cet avis du Conseil d'État. La future loi d'exécution devra bien entendu être soumise pour avis à la Commission de l'Intérieur.

L'auteur de la première proposition craint qu'une demande éventuelle d'avis adressée à une autre commission n'entraîne un retard indésirable. En effet, les conseils de district existant à Anvers exercent déjà des compétences qui ne reposent sur aucun fondement légal et on leur octroie des moyens financiers pour qu'ils puissent développer leur propre politique. Certains membres des « bureaux » de ces conseils agissent comme des « échevins ». La sécurité juridique est donc loin d'être assurée.

Le président fait observer que le bureau du Sénat a, à juste titre, renvoyé les propositions de révision de l'article 41 de la Constitution à la Commission des Affaires institutionnelles. Par ailleurs, il fait référence à l'article 24.1, premier alinéa, du règlement du Sénat, dont voici le texte : « Le président du Sénat peut décider d'office, s'il le juge utile, ou à la demande du président de l'une des commissions, de demander un avis motivé sur un projet ou une proposition de loi à une autre commission que celle qui en a été saisie. »

Le président du Sénat a donc le pouvoir discrétionnaire de demander l'avis motivé d'une autre commission. Cependant, il n'a pas été jusqu'à présent saisi d'aucune requête en ce sens. La décision ne peut jamais provenir de la commission à laquelle le projet ou la proposition de loi est renvoyé.

Un membre estime que les deux propositions de révision de l'article 41 de la Constitution font surgir des difficultés juridiques et politiques.

Tout d'abord, il semble exclu de réviser l'article 41 de la Constitution dans le sens proposé sans modifier parallèlement l'article 162. Les auteurs des deux propositions l'ont d'ailleurs compris : M. Erdman estime en effet que sa proposition appelle implicitement une révision de l'article 162, et M. Verreycken propose explicitement la révision simultanée de l'article 162 de la Constitution (Doc. Sénat nº 1-50/1). Néanmoins, l'article 162 ne peut être modifié qu'en vue de la régionalisation de la loi communale et de la loi provinciale.

D'un point de vue politique, il faut faire remarquer que les propositions à l'examen peuvent être appliquées à d'autres communes que la ville d'Anvers à laquelle elles sont destinées en fait. L'intervenant estime que, s'il s'avère que la fusion des communes à Anvers a donné naissance à une entité trop importante, il faut résoudre le problème en supprimant cette fusion en tout ou en partie par une loi au lieu de créer un niveau de décision supplémentaire.

En outre, il faut noter que la proposition de M. Erdman franchit insidieusement une première étape sur la voie de la régionalisation de la loi communale qui avait pourtant été remise à plus tard. Le membre et son groupe n'en sont pas partisans.

À l'auteur de la première proposition, qui a noté que, contrairement aux Pays-Bas, la Belgique a une « loi communale » et non pas une « loi urbaine », un membre réplique que les situations qui règnent dans les deux pays ne sont pas comparables. En effet, aux Pays-Bas, l'on se réfère à un certain nombre de critères objectifs pour déterminer si l'on a affaire à une commune ou à une ville. En Belgique, on ne le fait pas et nous savons quelles en sont les conséquences.

Cela étant dit, l'on est confronté dans la plus grande « commune » du pays, en l'occurrence Anvers, à un problème réel qu'il faut résoudre. Mais une défusion ne règlera pas les difficultés, car si l'entité administrative d'Anvers est devenue trop importante pour remédier à certains problèmes, elle est aussi trop restreinte pour en régler d'autres. Pensons par exemple à la question portuaire, aux services d'incendie, etc.

Cette constatation vaut d'ailleurs également pour d'autres villes.

Une défusion créerait donc plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. Il faudra, dès lors, trouver d'autres solutions en ce qui concerne les matières pour lesquelles l'entité administrative en question est trop importante. Nous pensons, notamment, à ce propos, à la différence de structure sociale entre le centre de l'entité d'Anvers et certaines anciennes communes des polders qui font partie maintenant d'Anvers, sans parler de la distance d'environ 25 km, qui les sépare.

La question est donc non pas de savoir si les propositions impliquent ou non une forme de régionalisation, mais si elles permettent de résoudre les problèmes posés. En outre, il faut attirer largement l'attention sur les différents systèmes de verrouillage qui sont prévus et, notamment, sur l'intervention des parlements régionaux.

L'intervenant estime en tout cas que l'on ne pourra pas enrayer l'évolution des conseils de district et que l'on sera, dès lors, obligé d'agir, sans quoi l'on ne fera que précipiter la dégradation de la situation au sein de la grande ville en question. Or, étant donné l'importance économique de la ville d'Anvers pour l'ensemble du pays, personne ne pourrait se réjouir de cette dégradation.

L'auteur de la deuxième proposition déclare qu'il partage l'avis du préopinant. Il souligne qu'il n'a jamais visé à une défusion et que les cosignataires de sa proposition n'y ont jamais visé non plus. La défusion est effectivement à déconseiller pour les raisons invoquées par le préopinant.

En ce qui concerne la révision éventuelle de l'article 162 de la Constitution, il rappelle que le constituant n'est pas lié par les intentions du préconstituant qui a déclaré un article donné de la Constitution soumis à révision. L'article 162 pourrait donc être modifié dans le même sens que l'article 41. S'il ne propose pas d'emblée une révision de l'article 162, c'est uniquement, comme il l'a déjà dit, pour ne pas risquer d'entraver une révision ultérieure plus globale de cet article.

Le membre qui a soulevé le problème de la révision éventuelle de l'article 162 de la Constitution estime, vu les termes précis utilisés dans la déclaration de révision de l'article 162 de la Constitution, que cette réponse n'est pas convaincante.

L'auteur de la première proposition fait observer que les conseils de district ne constituaient pas de solution de pacotille. Ils ont fourni du bon travail dans les limites de leurs compétences, qui sont consultatives.

Par ailleurs, le problème des villes est tout à fait réel, et il faut, pour le résoudre, dans un certain nombre de domaines, des remèdes tout à fait différents de ceux auxquels l'on recourt traditionnellement pour les communes ordinaires. Pensons au déficit démocratique qui vient, non pas tellement de ce que l'administré ne peut pas faire entendre sa voix, mais plutôt de ce que l'administrateur ne peut plus atteindre ceux qu'il est censé représenter. En effet, la distance qui sépare un membre de l'administration communale du demi-million d'administrés est excessive.

La seule manière de combler le fossé est de créer un conseil de quartier dans lequel l'électeur puisse se reconnaître. Or, il existe actuellement un autre problème à ce niveau du fait que les conseils de district sont le reflet du conseil communal central et que l'électeur local ne s'y reconnaît pas parce que ce sont en quelque sorte des conseils partiels dont la composition ne correspond pas à son comportement électoral.

En tout cas, le membre estime également que toute défusion est à exclure, parce qu'elle serait néfaste, et en ce qui concerne la gestion, et pour les administrés. Il ne saurait être question de rediviser en fonction des anciennes communes du grand Anvers des organes existants qui fonctionnent bien ou qui collaborent efficacement. L'intervenant fait encore référence, pour finir, à sa proposition de révision de l'article 162 de la Constitution et sa proposition de modification de la nouvelle loi communale (Doc. Parl., nº 1-50/1 et 1-51/1).

Un membre déclare qu'en principe, son groupe n'était pas partisan de ce qui est proposé. L'on ne peut toutefois pas nier qu'il y a là un problème délicat qu'il y a lieu de résoudre sans entraver d'aucune manière la régionalisation de la loi communale.

Comme la mise en oeuvre concrète de la proposition de M. Erdman requiert une loi spéciale ainsi qu'une règle visée à l'article 134 de la Constitution, c'est-à-dire une règle normative régionale, son groupe est disposé à soutenir cette proposition si ses signataires confirment explicitement qu'ils n'ont aucunement l'intention d'entraver la régionalisation de la loi communale.

Il paraît dès lors souhaitable, pour éviter toute ambiguïté, de supprimer les mots « le décret ou » dans le texte proposé.

L'auteur de la proposition confirme explicitement que c'est précisément pour ne pas entraver la régionalisation de la loi communale et de la loi provinciale qu'il s'est abstenu de proposer une révision de l'article 162.

DISCUSSION DES ARTICLES

L'article unique de la proposition nº 1-49/1 n'appelle aucune remarque.

L'article unique de la proposition nº 1-185/1 fait l'objet de deux amendements.

MM. Lallemand et Hotyat déposent un amendement (nº 1) tendant à supprimer, dans les deuxième et troisième alinéas du texte proposé, les mots « le décret ou ».

Un membre estime qu'il est faux d'affirmer, comme on le fait dans la justification de l'amendement, que la Constitution réserve l'usage du mot « décret » à la désignation des normes législatives relevant de la compétence des communautés. Il fait référence à cet égard aux articles 22 et 23 de la Constitution.

L'auteur de la proposition renvoie également à l'article 162 de la Constitution.

Le coauteur de l'amendement renvoie au chapitre IV de la Constitution. La section II, sous-section Ière , de ce chapitre traite des compétences des communautés, la sous-section II traite des compétences des régions. Or, l'article 134 fait partie de cette sous-section II et traite « des règles que les organes (régionaux) ... prennent ». Comme il est clairement question, en l'espèce, de compétences régionales, il y a lieu d'éviter le mot « décret », dont la Constitution réserve l'usage pour désigner des normes législatives relevant de la compétence des communautés.

Un membre souligne que ce point de vue est correct et qu'en fait, l'article 162 de la Constitution a été mal rédigé.

Les remarques suivantes sont émises au sujet du problème évoqué :

Les communautés règlent par décret les matières qui relèvent de leur compétence (articles 127 à 130 de la Constitution).

Les régions règlent par des « règles » les matières relevant de leur compétence (article 134, alinéa 1er , de la Constitution). Des lois adoptées à une majorité spéciale arrêtent la dénomination de ces règles. Ainsi la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles prescrit-elle que la Région flamande et la Région wallonne règlent par décret les matières relevant de leur compétence (article 19). En ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, les compétences régionales sont exercées par la voie d'ordonnances (article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises).

La Constitution ne confère donc aucune dénomination concrète aux instruments normatifs au moyen desquels les régions exercent leurs compétences. Elle utilise simplement le terme général « règle » (1).

Peut-on conclure de ce qui précède que l'on utilise à tort le mot « décret » dans la proposition de révision de l'article 41 ?

Si l'article 41 de la Constitution disposait que seule la règle visée à l'article 134 règle la matière concernée, cela signifierait nécessairement que la compétence en question est une compétence régionale. Dès lors, la Constitution attribuerait une nouvelle compétence aux régions, par quoi elle modifierait implicitement son article 39. En effet, en vertu de celui-ci, c'est la loi, adoptée à une majorité spéciale, qui attribue aux organes régionaux la compétence de régler les matières qu'elle détermine.

L'article 162, quatrième alinéa, de la Constitution, qui traite des associations de communes (et aussi de provinces), se borne également à créer la possibilité de confier aux régions, par la voie d'une loi spéciale, la compétence normative et exécutive en ce qui concerne ces associations. Le constituant ne confère donc pas lui-même cette compétence aux régions. Il laisse au législateur spécial le soin d'apprécier si la matière doit être réglée par « le décret ou la règle visée à l'article 134 ».

La Constitution ne contient que deux articles qui disposent qu'une matière déterminée ne peut être réglée que par la règle visée à l'article 134. Il s'agit des articles 177 et 178 qui concernent la compétence financière des régions. L'on peut toutefois soutenir que la matière en question n'est pas une « matière » visée à l'article 39 de la Constitution (2). Dès lors, les articles 177 et 178 de la Constitution ne sont pas contraires à son article 39.

L'auteur de la proposition estime que ces remarques plaident en faveur du maintien du texte de la proposition. En effet, l'amendement risque de modifier implicitement l'article 39 de la Constitution, selon lequel il appartient au législateur spécial et non pas au constituant d'attribuer des compétences aux régions.

Par contre, l'on est d'accord pour considérer que les régions doivent avoir compétence pour régler les conditions selon lesquelles les organes territoriaux intracommunaux pourront être institués et les modalités qu'il y aura lieu de respecter pour ce faire. Cette compétence ne peut être attribuée aux régions que par une loi spéciale. La Région wallonne et la Région flamande pourront l'exercer au moyen de décrets et la Région de Bruxelles-Capitale au moyen d'ordonnances.

Compte tenu de ces réflexions, il serait peut-être judicieux de retirer l'amendement.

Le premier auteur de l'amendement constate que le point de départ de celui-ci est correct.

Comme la compétence en question est une compétence régionale, la matière dont il est question au deuxième alinéa de la proposition doit être réglée par la règle visée à l'article 134 de la Constitution.

Il est toutefois évident que cette disposition ne peut pas être inscrite dans la Constitution, puisqu'il appartient au législateur spécial de désigner les matières que les régions peuvent régler. Ce point de vue est défendable juridiquement, même s'il existe quelques précédents. En effet, certains articles de la Constitution définissent la compétence financière des régions.

Compte tenu des déclarations de l'auteur de la proposition et du large consensus sur le rôle futur des régions en la matière, l'amendement nº 1 est retiré.

MM. Coveliers et Goris déposent un amendement (nº 2) en vue d'interdire la délibération en commun de plusieurs organes territoriaux intracommunaux. À défaut d'une telle interdiction, l'on risque de créer un contre-pouvoir redoutable aux conseils communaux et aux collèges des bourgmestre et échevins.

Comme une telle disposition a sa place, non pas dans la Constitution, mais plutôt dans la loi, l'amendement est retiré.

VOTES

La proposition nº 1-49/1 de M. Verreycken a été rejetée par 12 voix contre 1.

La proposition nº 1-185/1 de M. Erdman a été adoptée par 11 voix contre 2.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité.

Le Rapporteur,
Ludwig CALUWÉ.
Le Président,
Frank SWAELEN.

(1) L'article 138 de la Constitution fait, à cet égard, exception. En vertu de cet article, le Conseil de la Communauté française, le Conseil de la Région wallonne et le groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale peuvent décider chacun par décret de transférer des compétences de la Communauté française aux organes de la Région wallonne et de la Commission communautaire française. Il s'agit là, à vrai dire, d'une hypothèse très spécifique. En outre, aux termes du dernier alinéa de cet article, les compétences communautaires transférées sont exercées par la voie de décrets, d'arrêtés ou de règlements. La Constitution reconnaît donc le décret comme étant une norme législative de la Région wallonne et de la Commission communautaire française, même si ce n'est que pour l'exercice de compétences communautaires.

(2) Cf. l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi visant à achever la structure fédérale de l'État, doc. Ch., SO 1992-1993, 897/2, p. 77 : « Toutefois, comme les compétences matérielles des régions, déterminées par la loi spéciale adoptée en exécution de l'article 107quater (actuellement article 39) de la Constitution, sont indépendantes de leurs compétences fiscales et financières, réglées par les articles 110 et 115 (actuellement 170 et 177) de la Constitution (...). »