1-116/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1995-1996

28 NOVEMBRE 1995


Proposition de résolution relative à la journée commémorative du génocide perpétré par l'Allemagne nazie


AMENDEMENTS


Nº 1 DE MM. VERREYCKEN ET RAES

Remplacer l'intitulé par ce qui suit :

« Proposition de résolution relative à la journée commémorative des victimes de génocides. »

Nº 2 DE MM. VERREYCKEN ET RAES

Remplacer les considérants par ce qui suit :

« Le Sénat,

considérant que les peuples d'Europe se doivent de réagir sans ambiguïté et avec vigueur à tous les génocides;

considérant que le Sénat belge est habilité à s'engager au nom du peuple flamand et du peuple wallon;

prenant pour exemples moralisateurs les génocides commis par les nationaux-socialistes allemands, par les Hutus et les Tutsis au Rwanda, par les communistes chinois contre les Tibétains, par les Turcs contre les Arméniens, par les Khmers rouges contre les Cambodgiens, par les communistes de l'ancienne Union des républiques socialistes soviétiques; »

Nº 3 DE MM. VERREYCKEN ET RAES

Remplacer le dispositif par ce qui suit :

« demande que soit instaurée en Belgique une journée commémorative des victimes de tous les génocides. »

Justification

1. Généralités

La proposition de résolution en question s'inscrit dans le même esprit que la résolution contre le racisme et l'intolérance qui a été adoptée par le Sénat le 9 février 1995. Elle s'inscrit également dans le prolongement de l'intérêt que l'on a porté à la cessation des hostilités il y a cinquante ans. Nous signalons, en marge de ces considérations, que force nous est de déplorer que les diverses propositions relatives à l'amnistie qui ont été déposées ne seront pas examinées dans le même esprit, celui de la lutte contre les rancunes et contre l'intolérance, celui de la cessation des hostilités. Les auteurs de la proposition de résolution laissent donc passer une occasion de surmonter une partialité et une sélectivité dont il faut dire qu'elles ne servent pas « l'intérêt fondamental de l'éducation ».

Comme nous estimons que les génocides sont tous aussi condamnables les uns que les autres, que leurs auteurs soient des vainqueurs ou des vaincus, il nous semble indiqué d'élargir la portée de la résolution. Les résolutions du Parlement européen, auxquelles fait référence la proposition de résolution n'ont pas non plus pour unique objet de condamner un génocide déterminé. La résolution européenne B4-0963 du 13 juillet 1995, qui condamnait la Chine communiste en raison de la manière dont elle se comporte au Tibet est venue le prouver une fois de plus.

Un bref historique permettra de justifier de manière dramatique nos amendements dont l'objet est de stigmatiser tous les génocides où qu'ils soient ou aient été perpétrés dans le monde. En nous attachant aux génocides évoqués ci-dessous, dont l'exemple de l'horreur peut avoir pour nous valeur de mise en garde, nous soulignons tout spécialement à l'adresse des jeunes que les génocides doivent tous être condamnés et honnis avec la même force.

1. Nous nous référerons non seulement au génocide perpétré par l'Allemagne nazie, à propos duquel nous avons assurément été suffisamment informés ces derniers mois, mais aussi à d'autres que nous citons ci-dessous.

2. Le génocide perpétré par la Chine communiste au Tibet

En 1950, l'« armée de libération populaire » chinoise envahit le Tibet. La petite armée tibétaine déposa les armes au bout de treize jours. Dès 1951 déjà, des enfants furent transportés manu militari en Chine pour y être « rééduqués ». A Kham (un exemple parmi de nombreux autres), 84 enfants âgés de moins d'un an furent déportés. Quinze parents qui protestaient furent noyés dans une rivière par des militaires chinois.

Lorsque les Tibétains exaspérés manifestèrent en 1959 et surtout prièrent pour leur Dalaï Lama, quelque quinze mille d'entre eux furent abattus soit à la mitrailleuse soit au canon par les chars. Au cours du génocide culturel de 1966, l'on a détruit jusqu'à 60 p.c. du patrimoine littéraire tibétain.

Selon des estimations prudentes, quelque 1,2 million de Tibétains ont été assassinés par les communistes depuis 1950. En outre, des milliers de Tibétains ont été et sont encore stérilisés sous la contrainte (dès l'âge de treize ans !). Cette politique d'extermination trouve son paroxysme dans les infanticides systématiques par noyade.

3. Le génocide perpétré, au Rwanda, par les Hutus et les Tutsis

« L'ancien régime hutu a d'abord prémédité, puis organisé systématiquement de manière réfléchie, le meurtre de centaines de milliers de Tutsis, et ce, avec une précision et selon un planning qui évoquent automatiquement la sinistre mémoire d'Eichmann. » (Traduction) (De Morgen , 7 novembre 1995).

« Nous avons été entraînés à tuer, à assassiner tous les Tutsis et leurs partisans. Voilà ce que nous a appris le commandementt de l'armée. » (Traduction) (De Standaard , 21 mai 1994).

Des centaines de milliers de Tutsis ont été massacrés par des militaires et des militants du C.D.R. (= parti hutu). Des centaines de milliers de Hutus ont été massacrés par le R.P.F. et le R.P.A., chaque fois que le R.P.A. s'emparait de nouveaux territoires. Le 5 avril 1994, un colonel rwandais a fait un exposé (devant une assemblée triée sur le volet de représentants de l'O.N.U. et de Belges) sur la nécessité d'exterminer les Tutsis.

4. Le génocide perpétré sur le peuple arménien

En 1894, les occupants russes tuèrent 250 000 Arméniens, puis les Turcs prirent le pouvoir en 1908. Lorsque, au cours de la Première Guerre mondiale, l'armée turque fut épurée de ses éléments arméniens, 300 000 personnes furent assassinées. Après cela, l'on assassina tous les Arméniens de sexe masculin âgés d'au moins treize ans. L'ordre d'extermination fut donné par le ministre turc de l'Intérieur, Talaat Bey. Cet holocauste coûta la vie à 1 million d'Arméniens au total.

En 1988, les musulmans organisèrent un pogrom contre les chrétiens arméniens à Sumgait (Azerbaïdjan). Des centaines de chrétiens furent soit massacrés, soit mutilés, soit violés sous le regard de la police islamique.

En 1992, le premier ministre turc Özal déclara (à l'occasion des conflits qui sévissaient au Nagorny Karabach) qu'« il était temps d'effrayer quelque peu les Arméniens »...

Ces dernières années, quelque 200 000 femmes et enfants ont été enlevés et vendus. Ils n'ont jamais été libérés, et les autorités turques n'ont jamais ni battu leur coulpe, ni présenté des excuses, ni envisagé la moindre indemnisation. L'Arménie est habitée maintenant par des Turcs et des Kurdes qui ont pris possession des biens des familles massacrées. Officiellement, l'Arménie n'a jamais existé...

5. Le génocide cambodgien

Le 17 avril 1975, les Khmers rouges occupèrent Phnom Penh. Le génocide permanent qui suivit cette occupation coûta la vie à 1,2 million de Cambodgiens au moins.

Le manque d'information ne permet pas de mesurer les conséquences fatales de l'expulsion de leurs foyers pour des centaines de milliers de Cambodgiens. Selon toute vraisemblance, nombre d'entre eux succombèrent à des épidémies et à la sous-alimentation.

Le journaliste français Berges dressa dans France-Soir le constat de tueries collectives, d'actions de représailles, de chasses à l'homme et de l'assassinat de familles entières.

6. Les génocides inspirés par les maîtres de l'ancienne Union des républiques socialistes soviétiques

Le 23 juillet 1919, une « instruction provisoire relative à la privation de liberté » entra en vigueur en U.R.S.S. Elle marqua le début de l'Archipel du Goulag (cf. Soljénitsyne). Durant la période 1929-1930, plus de 15 millions de paysans furent chassés dans la toundra et la taïga. Des millions d'entre eux périrent de privations. En 1934, les Soviétiques « épurèrent » un quart de la population de Leningrad. En 1943, des massacres furent organisés contre les Kalmouks, les Tchétchènes et le Kabardins. Depuis lors, on n'entendit plus parler que sporadiquement de ces peuples, qui sont entrés dans l'histoire comme « disparus » ou « quasi disparus ». Ensuite, en 1944, ce sont les Tatars de Crimée qui firent l'objet d'un génocide. En 1949, des centaines de milliers de Baltes d'Estonie, de Lettonie et de Lituanie furent déportés en Sibérie. Durant les dernières années de l'époque stalinienne, on instaura un système de déportation qui visait principalement au génocide des Juifs russes.

2. Par amendement

Amendement nº 1

La modification de l'intitulé vise à condamner tous les génocides, qui peuvent donner lieu chacun, tour à tour, à une commémoration moralisatrice des victimes.

Amendement nº 2

Il nous a paru préférable de remplacer les considérants par une énumération des génocides qui sont décrits dans les développements.

Amendement nº 3

Le dispositif doit, selon nous, être aussi concis que possible et insister sur la nécessité de ne pas oublier les actes de barbarie dont l'homme est apparemment capable. Le but n'est pas d'entretenir des idées de revanche ­ ce qui équivaudrait à répandre le germe de nouvelles haines ­, mais bien de mettre en garde contre les dangers de dirigeants totalitaires qui, à l'avenir également, pourraient vouloir éradiquer les particularismes et les cultures de peuples pour la plus grande gloire de l'idéologie étatique.

Wim VERREYCKEN.
Roeland RAES.

Nº 4 DE MME DELCOURT-PÊTRE ET M. LALLEMAND

Remplacer le 1º du dispositif par ce qui suit :

« 1º Demande que soit instaurée en Belgique comme dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne une journée qui commémore le génocide perpétré par l'Allemagne nazie et qui rappelle le lien entre l'idéologie nazie et les racismes et xénophobies qui s'affirment aujourd'hui au quotidien. »

Andrée DELCOURT-PÊTRE.
Roger LALLEMAND.