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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 8 MARS 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Magdeleine Willame-Boonen au ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques sur «les moyens accordés à la Cinémathèque royale de Belgique et au Musée du cinéma» (n° 2-526)

Question orale de Mme Marie Nagy au ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques sur «les subventions de la Cinémathèque royale du Musée du cinéma» (n° 2-528)

M. le président. - Je vous propose de joindre ces questions orales. (Assentiment)

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice, répondra au nom de M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques.

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - La Cinémathèque royale de Belgique, créée en 1933 par Henri Storck, André Thirifays et Pierre Vermeylen, est une institution reconnue internationalement pour ses collections uniques - cent mille copies de films - et ses documents innombrables sur l'histoire du cinéma, assortis de millions de documents.

Malgré cette renommée, il me revient que le personnel perçoit un salaire pouvant être qualifié de misérable et que l'équipement manque cruellement de crédits pour entrer de plain-pied dans l'ère électronique afin de mieux conserver les films et de numériser les collections.

Il semble même que ce patrimoine extraordinaire devant être conservé à température constante court de grands risques en raison de problèmes de paiement pour la climatisation.

Outre ce manque de moyens récurrents, il me revient également que les subsides annuels de 45 millions dont la Cinémathèque bénéficie ainsi que les 15 millions du Musée du cinéma, payés traditionnellement par les services de la politique scientifique, ne sont toujours pas disponibles.

Il semble que les crédits ne dépendent plus directement des services de la politique scientifique mais de la Loterie nationale. En commission des Finances et des Affaires économiques, j'avais assez longuement discuté avec le ministre de la problématique des modifications de la loi-programme du 24 décembre 1993, notamment de la possibilité donnée au Roi d'affecter une partie du bénéfice à des associations et institutions avant que ne soit déterminé annuellement, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, le plan de répartition des bénéfices.

Cette modification était d'ailleurs justifiée par les raisons suivantes : « L'expérience démontre que le processus légal régissant actuellement l'affectation des bénéfices de la Loterie nationale revêt un caractère rigide qui, en pratique, rend matériellement impossible l'octroi de subventions à des associations et institutions dont les projets et activités, utiles à l'intérêt général, requièrent un soutien sous peine de ne pouvoir être menés à bien. ».

Monsieur le ministre pouvez-vous me confirmer et m'indiquer les raisons du retard pris pour l'octroi des subsides à la Cinémathèque ? N'y a-t-il pas un paradoxe entre la justification des modifications introduites par la loi-programme et son application concrète ? Dès lors que d'autres institutions devaient également bénéficier de subsides par le biais de la Loterie nationale et non plus par celui des services de la politique scientifique, pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, si elles sont dans la même situation que la Cinémathèque ?

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Je ne répéterai pas ce que Mme Willame vient de dire. Je rappellerai simplement l'importance de la Cinémathèque. Celle-ci est visitée par de nombreux étrangers et les élèves des écoles de cinéma parce qu'elle abrite une des collections les plus remarquables qui soit. De plus, cette institution permet aux cinéphiles de voir tous les chefs-d'oeuvre du cinéma à des prix relativement accessibles.

Je ne doute pas que le gouvernement, dans son souci de l'image et du caractère culturel de haut niveau de la Belgique, s'inquiète de la situation de la Cinémathèque.

On a pu lire dans la presse que cette institution n'avait pas encore perçu sa subvention et qu'elle devait faire appel à des institutions bancaires pour obtenir un crédit pont. Cette situation ne profite qu'aux banques.

On peut se demander pourquoi cette institution est passée du budget général des dépenses de l'État à la Loterie nationale. Cette décision, qui nécessite l'adoption d'un arrêté royal, pourrait entraîner des retards préjudiciables à l'institution.

Le ministre peut-il nous informer de l'état d'avancement de la procédure et nous communiquer les raisons qui ont entraîné les retards constatés ? Quels sont actuellement les événements susceptibles de retarder ou de faire progresser la réalisation du paiement ? Quelles garanties pouvez-vous donner afin de mettre en oeuvre la procédure sans délai supplémentaire ?

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Je vous donne lecture de la réponse préparée par le ministre Daems, ce dernier étant retenu à la Chambre.

Reconnaissant également la valeur du patrimoine culturel généré par les activités de la Cinémathèque royale de Belgique et du Musée du cinéma, le gouvernement fédéral est parfaitement conscient de la nécessité de continuer à octroyer à ces institutions les ressources financières devant assurer leur pérennité. Cela étant, il est exact que le gouvernement fédéral a décidé que les ressources financières précitées proviendront dorénavant des bénéfices de la Loterie nationale et non plus du budget géré par le ministre ayant la recherche scientifique et les institutions scientifiques et culturelles fédérales dans ses attributions.

C'est ainsi que pour l'année 2001, des montants de 46.100.000 francs et de 15.600.000 francs provenant des bénéfices de la Loterie nationale ont respectivement été prévus en faveur de la Cinémathèque royale de Belgique et du Musée du cinéma, soit 61.700.000 francs au total.

J'ai estimé opportun de ne pas faire application de l'article 16, alinéa 1er, de la loi du 22 juillet 1991 relative à la Loterie nationale, modifié par la loi du 2 janvier 2001, qui permet d'octroyer des subventions à certaines institutions par la voie d'un simple arrêté royal. J'ai en effet estimé qu'il était indiqué de faire in casu application de l'article 16, alinéa 2, de la loi précitée qui requiert, préalablement à tout octroi de subventions, la prise d'un arrêté royal à délibérer en Conseil des ministres.

La raison en est que le projet d'arrêté royal préparé par mes services ne concerne pas uniquement la Cinémathèque royale de Belgique et le Musée du cinéma mais également d'autres bénéficiaires. En d'autres termes, le projet d'arrêté royal vise à désigner plusieurs bénéficiaires tout en consacrant le plan de répartition du bénéfice qui les concerne spécifiquement. Or, comme précisé ci-avant, tout plan de répartition des bénéfices de la Loterie nationale doit obligatoirement donner lieu à la prise d'un arrêté royal à délibérer en Conseil des ministres.

Un projet d'arrêté royal allant dans ce sens a été mis à l'ordre du jour du Conseil des ministres du 9 mars prochain. Pour autant que cet ordre du jour soit respecté et que les deux montants précités soient confirmés par le Conseil des ministres, le projet d'arrêté royal ainsi délibéré sera soumis sans délai à la signature royale de façon à permettre à la Loterie nationale de verser le plus rapidement possible les subventions concernées.

Je suis, à ce jour, dans l'impossibilité de vous informer du délai précis dans lequel ce paiement interviendra. Je puis cependant vous assurer que je veillerai, en ma qualité de ministre de tutelle de la Loterie nationale, à ce que le dossier soit traité en priorité et avec diligence. Enfin, je signalerai qu'hormis le cas de la Cinémathèque royale de Belgique et du Musée du cinéma, il n'y a pas d'autres institutions dont le subventionnement sera dorénavant opéré à charge des bénéfices de la Loterie nationale et non plus à charge du budget géré par le ministre ayant la recherche scientifique et les institutions scientifiques et culturelles fédérales dans ses attributions.

Mme Marie Nagy (ECOLO). - Je remercie le ministre de sa réponse. Le ministre Daems, particulièrement soucieux de la bonne gestion de l'État et des deniers publics, grand amateur d'explications sur le management applicable aux décisions, ne saurait retarder davantage la prise de l'arrêté en Conseil des ministres. La situation actuelle est préjudiciable à la cinémathèque et coûte de l'argent aux contribuables. Par ailleurs, l'emprunt constitue une forme de subvention aux banques qui n'est pas tout à fait conforme à la mission du gouvernement. J'espère par conséquent que le Conseil des ministres de demain pourra épuiser son ordre du jour et que le ministre prendra la décision qui s'impose pour financer la cinémathèque.

(M. Armand De Decker, président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Mme Magdeleine Willame-Boonen (PSC). - Dans le cadre de la discussion relative à la loi programme, le ministre Daems nous avait assuré qu'une telle situation, « kafkaïenne et humiliante », de non-paiement ne pourrait plus jamais se produire, grâce au soutien de la Loterie nationale. J'ai cru comprendre que tout « baignera » à partir de demain. Toutefois, je suis très inquiète quant à l'impossibilité de fixer avec précision un quelconque délai pour le versement des subventions car, pour les deux institutions concernées, le paiement des sommes promises - il s'agit, en l'occurrence, d'un nombre considérable de millions - importe davantage que les délibérations et décisions éventuelles du Conseil des ministres. Je ne suis donc nullement rassurée en ce qui concerne le personnel et le patrimoine colossal de la Cinémathèque et du Musée.