1-95

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Sénat de Belgique

Belgische Senaat

Annales parlementaires

Parlementaire handelingen

SÉANCES DU JEUDI 27 FÉVRIER 1997

VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 27 FEBRUARI 1997

(Vervolg-Suite)

QUESTION ORALE DE M. FORET AU MINISTRE DE LA JUSTICE SUR « LA DIFFUSION DES PORTRAITS-ROBOTS DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE SUR LES TUERIES DU BRABANT »

MONDELINGE VRAAG VAN DE HEER FORET AAN DE MINISTER VAN JUSTITIE OVER « DE VERSPREIDING VAN ROBOTFOTO'S IN HET KADER VAN HET ONDERZOEK NAAR DE BENDE VAN NIJVEL »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la question orale de M. Foret au ministre de la Justice sur « la diffusion des portraits-robots dans le cadre de l'enquête sur les tueries du Brabant ».

La parole est à M. Foret.

M. Foret (PRL-FDF). ­ Monsieur le président, le 31 janvier 1996, le magistrat-instructeur en charge du dossier sur les tueries du Brabant annonçait que l'enquête entrait dans une phase cruciale. Il s'est avéré depuis lors, que les enquêteurs avaient notamment dressé une dizaine de portraits-robots de suspects. Toutefois, des analyses génétiques et de comportement ainsi que la recherche d'éléments d'identifications complémentaires devaient encore être effectuées pour finaliser ces portraits. Notons également que les techniques modernes de simulation de vieillissement n'ont pu être utilisées.

Par ailleurs, un petit tour d'horizon dans les différents bureaux de police, de gendarmerie, ainsi que dans les gares et les bureaux de poste du pays, m'a confirmé de graves carences dans la diffusion des affiches reprenant ces portraits. Nombreux ont été ceux qui ont pu faire la même constatation.

Ce m'amène à penser que l'on a peut-être agi dans la précipitation, afin d'assurer la publicité des émissions télévisées d'appels à témoins diffusées successivement par V.T.M., lundi, et par la R.T.B.F., mercredi. En la circonstance, le mieux a peut-être été l'ennemi du bien !

Permettez-moi de vous poser les questions suivantes, monsieur le ministre.

Quelle a été votre influence dans la diffusion improvisée et précipitée de portraits-robots ? Si cette responsabilité ne vous incombe pas, à qui peut-elle être imputée ? Pourquoi ne pas avoir associé plus largement l'ensemble des médias, notamment la presse écrite, à cette opération, puisque les portraits-robots n'ont été diffusés que par certains ? Comment la diffusion des affiches est-elle organisée ? Enfin, deux portraits-robots concernent manifestement la même personne; ce manque de précision ne risque-t-il pas d'induire de nombreux appels improductifs et un certain engorgement des services de police ? D'une manière plus générale, à partir de ces initiatives nouvelles, quelles sont vos réactions ?

M. le président. ­ La parole est à M. De Clerck, ministre.

M. De Clerck, ministre de la Justice. ­ Monsieur le président, si je suis bien à l'origine de l'initiative des émissions « Appel à témoins » et « Oproep 20.20 » diffusées respectivement sur la R.T.B.F. et sur V.T.M., si j'en ai autorisé la création et si j'ai désigné les chaînes de télévision habilitées à diffuser ces programmes, je n'ai aucune responsabilité dans le choix des sujets ni dans l'opportunité de la diffusion. En effet, selon la circulaire et le cahier des charges que j'ai établis, le choix des sujets et les modalités de diffusion reviennent à une commission de sélection indépendante, présidée par un magistrat désigné par le collège des procureurs généraux et composée d'un représentant par service de police générale, d'un représentant du S.G.A.P., d'un juriste criminologue, d'un représentant de la chaîne de télévision ainsi que du magistrat chargé du dossier retenu et du fonctionnaire de police responsable de l'enquête.

Lorsque la question de la diffusion d'une séquence consacrée aux tueries du Brabant wallon s'est posée, les responsables de l'enquête et la commission de sélection ont estimé opportun de diffuser les portraits-robots, compte tenu de l'état d'avancement de l'enquête et de l'impact que pouvait avoir cette diffusion sur le public particulièrement sensibilisé en ce moment par ce dossier, notamment en raison des travaux de la commission d'enquête parlementaire. Je n'ai donc exercé aucune influence sur cette décision.

Il est exact que, lorsque la presse écrite a été informée ­ à la suite d'une fuite ­ de la diffusion des portraits-robots par V.T.M., elle a réagi en souhaitant pouvoir les diffuser dans ses éditions du mardi matin, ce qui supposait qu'elle en disposât avant la transmission de la séquence par V.T.M. vers 21 heures 45; or, conformément au cahier des charges, cette chaîne désirait en conserver l'exclusivité. Un accord a été dégagé entre la commission de sélection et la presse écrite : celle-ci disposerait de manière confidentielle des portraits-robots avant le bouclage des éditions de mardi. Ainsi, tant l'intérêt des journaux que celui de l'enquête étaient préservés.

La commission de sélection, qui se réunit demain pour tirer les premières leçons des émissions de cette semaine, évoquera cette question et envisage de proposer un briefing avec la presse écrite le lundi après-midi pour que celle-ci puisse relayer, dans ses éditions du mardi matin, les informations diffusées sur V.T.M. le lundi soir.

Pour ma part, j'estime que ces premières émissions sont particulièrement satisfaisantes; elles ont été réalisées dans un délai très court et respectent parfaitement le projet que j'avais conçu. Les premiers chiffres d'audience qui font état d'environ un million de téléspectateurs sur V.T.M. et le nombre d'appels enregistrés sur les numéros verts témoignent en tout cas de l'intérêt du public pour ce genre d'émissions et de ses disponibilités pour aider à résoudre des dossiers judiciaires importants.

Par ailleurs, 20 000 petites affiches ont été imprimées et le S.G.A.P. s'est chargé de leur diffusion par les services de police, dans les commissariats et les lieux publics, suivant des instructions précises. De grandes affiches ont aussi été imprimées : 5 000 en français, 5 000 en néerlandais et 500 en allemand; leur diffusion a également commencé hier selon des modalités précises. À ce propos, je signale que si des entreprises privées, telles que des sociétés de distribution, étaient disposées à procéder à des affichages, il est toujours possible de demander des affiches au S.G.A.P.

Pour répondre à votre dernière question, monsieur Foret, je puis vous dire qu'à la date d'hier, plus de 500 appels téléphoniques ont déjà été enregistrés sur les numéros verts qui sont toujours disponibles. Tous ces renseignements sont transmis à la cellule de Jumet. Des dispositions ont été prises pour permettre à celle-ci de trier et d'analyser ces informations dans les meilleures conditions.

Pour conclure, je m'étonne des critiques qui ont été formulées à l'égard des initiatives prises. Le dossier des tueries du Brabant wallon est sans doute le plus grave qu'ait connu notre pays durant ce siècle et s'il subsiste aujourd'hui une chance d'élucider cette affaire, il faut la tenter et profiter au maximum de la sensibilisation actuelle du public à propos de ce dossier, pour le solliciter en s'appuyant sur des techniques dont nous disposons aujourd'hui, qu'il s'agisse des analyses génétiques ou de l'hypnose.

Je le répète, les premières réactions à la suite de ces émissions sont relativement positives. Beaucoup d'éléments ont été retenus et mis à la disposition des services de police. Certes, des corrections doivent encore être apportées; c'est la raison pour laquelle nous avons installé plusieurs comités de contrôle et d'évaluation.

Je précise que c'est évidemment la justice qui reste maître de ce type d'émissions et non les médias : un magistrat décide, en dernier ressort, de ce qui sera diffusé à la télévision, mais, d'ores et déjà, la collaboration entre la justice et les citoyens s'avère utile et même nécessaire.

M. le président. ­ La parole est à M. Foret pour une réplique.

M. Foret (PRL-FDF). ­ Monsieur le président, je remercie le ministre de sa réponse. Il est évident que nous devrons prendre le temps d'évaluer non seulement le succès mais aussi l'opportunité de ce type d'émissions, comme nous devrons ensemble ­ milieux politiques, milieux judiciaires, médias ­ apprécier s'il y a lieu de modifier ou d'infléchir quelque peu leur orientation.

M. Moens, vice-président, remplace M. Swaelen

au fauteuil présidentiel

Je partage l'avis du ministre lorsqu'il dit que les dossiers des tueries du Brabant comptent parmi les plus graves que le pays ait connus et les vérités les plus essentielles qu'il faille obtenir.

C'est précisément pour cette raison, monsieur le ministre, que je me suis permis de vous poser certaines questions.

En effet, il ne m'apparaît pas que c'est dans l'improvisation que l'on mènera le mieux la recherche de la vérité. Or, dans ce qui s'est produit cette semaine ­ notamment la diffusion des affiches ­, j'ai le sentiment que l'on a agi de manière précipitée.

On a, bien sûr, imprimé 20 000 affiches, mais vous devez savoir, monsieur le ministre, que la gendarmerie de Bruxelles ­ selon mes informations ­ n'en a reçu qu'une dizaine; les gares de Charleroi, Mons et Tournai n'en ont reçu aucune, pas plus que les bureaux de poste de Tournai et de Mons. Si la région de Liège semble avoir été bien desservie, la distribution a été très inégale dans l'ensemble des régions et des sous-régions de ce pays. C'est une des choses qu'il faudra corriger à l'avenir si nous voulons être tout à fait efficaces. Rechercher la vérité, et pas seulement l'audience médiatique, doit rester la préoccupation de chacun; faire en sorte que l'on n'agisse pas dans la précipitation doit en être une autre.

Et enfin, je ferai ici un rapprochement avec une question posée par notre collègue Mahoux la semaine dernière qui regrettait que l'on fasse quelque peu confiance aux médiums de la gendarmerie et vous me permettrez de dire que je ne crois pas que la vérité doive être exclusivement recherchée à travers les moyens de « la petite lucarne ». Nous devons garder un esprit critique à l'égard de toutes ces méthodes, je vous fais confiance, dans l'état actuel des choses, pour qu'il en soit ainsi. Mais je crois de mon devoir également d'attirer votre attention et celle de tous les services concernés sur cette approche qui me paraît quelque peu précipitée aujourd'hui.

M. le président. ­ La parole est à M. De Clerck, ministre.

M. De Clerck, ministre de la Justice. ­ Monsieur le président, je suis prêt à reconnaître qu'il y a eu quelque précipitation, plus spécifiquement pour ce qui concerne la diffusion des affiches. Je crois que l'on s'est orienté vers la télévision sans tenir compte du fait que la diffusion par les médias écrits et par les affiches pouvait être aussi importante que la diffusion par la télévision. Ce n'est qu'à la fin que l'on a constaté qu'il y avait un problème à ce niveau. Je suis donc d'accord pour dire qu'il y a eu de la précipitation pour cette diffusion-là. Je crois que nous examinerons à la Commission de sélection demain, comment le relais entre la télévision et tous les autres moyens de recherche peut être amélioré. Cette question est à l'ordre du jour.

Il s'agit en fait ici d'une première expérience dont nous tirons les premières conclusions. J'espère qu'une solution pourra intervenir demain.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.