Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-49

SESSION DE 2004-2005

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Vice-première ministre et ministre de la Justice

Question nº 3-2454 de M. Vandenberghe H. du 15 avril 2005 (N.) :
Commerce illégal de viande entre la Belgique et les pays voisins. — Recherches. — Poursuites. — Mesures.

Le Nederlandse algemene Inspectiedienst (AID) a découvert 75 000 kilos de viande dans dix camions et un entrepôt se trouvant dans un zoning industriel proche de la frontière belge. Le transporteur voulait transporter la viande simultanément vers différents preneurs, ce qui est en contradiction avec la règle européenne selon laquelle la viande ne peut qu'être transportée directement de l'abattoir vers les clients. De plus, il semble que l'entrepôt ne répondait pas aux normes d'hygiène.

J'aimerais que l'honorable ministre réponde aux questions suivantes :

1. Quel est le nombre de transports frauduleux découverts et effectivement arrêtés par les services d'inspection belges ?

2. Combien de négociants en viande font-ils l'objet de poursuites judiciaires par mois et par année ?

3. Quelles autres mesures le gouvernement prend-il pour empêcher le commerce illégal de viande entre la Belgique et ses pays voisins ?

Réponse : 1. Sur ce point, je me réfère à la réponse de mon collègue le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, publiée le 21 juin 2005 dans Question Réponses, nº 3-43.

2. Comme il ressortira de ce qui suit, cet aspect de la question parlementaire a été reformulé par les analystes statistiques du Collège des procureurs généraux entre autres à la demande du coordinateur principal du réseau d'expertise Résidus et Sécurité alimentaire (RSA), ce afin de permettre une réponse fondée, justifiée statistiquement et la plus complète possible.

Je réponds ici à la seconde sous-question, à savoir : « Combien de négociants en viande font-ils l'objet de poursuites judiciaires par mois et par année ? »

Étant donné que cette question n'est pas suffisamment précise, j'ai apporté quelques concrétisations à la question, en concertation avec le coordinateur principal du réseau d'expertise RSA et les analystes statistiques du Collège des procureurs généraux. En outre, l'on ne voit pas clairement quelle(s) infraction(s) est (sont) précisément visée(s), l'exemple donné par l'honorable membre H. Vandenberghe est également sujet à interprétation.

La question a donc été reformulée comme suit : combien de dossiers et de suspicions de « trafic illégal de viande » ont été reçues et enregistrés par les parquets belges pour les années 2003-2004 et quel était l'état d'avancement au début de l'année 2005 ? Si des dossiers ont été classées sans suite, quel en était le motif et combien d'entre eux ont été réglés par une amende administrative ?

La qualification de « commerce illégal de viande » a été abordée de la façon la plus fidèle possible à l'aide des « codes de prévention » utilisés par les parquets lors de l'intégration de nouveaux dossiers dans le système informatique REA/TPI. Les trois codes de prévention sélectionnés sont les suivants :

62G — Transport de viande;

62M — L'expertise et le commerce du poisson, des volailles, des lapins et du gibier;

62N — Expertise et commerce des viandes.

Ces codes de prévention peuvent être des chefs d'accusation tant primaires que secondaires. Les chefs d'accusation secondaires ne sont cependant pas enregistrés partout. Certains parquets utilisent davantage cette possibilité que d'autres.

La description de ces codes est uniforme au niveau national mais le contenu des infractions qui s'y rapportent n'a été uniformisé au niveau national qu'à partir d'une note du coordinateur principal du réseau d'expertise Résidus et Sécurité alimentaire du 13 mai 2004.

Depuis lors, les infractions aux dispositions légales suivantes sont attribuées aux codes de prévention :

62 G

— Loi du 5 septembre1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes;

— Loi du 15 avril 1965 concernant l'expertise et le commerce du poisson, de volailles, des lapins et du gibier et modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes;

— Loi du 24 janvier 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits.

62M

Loi du 15 avril 1965 concernant l'expertise et le commerce du poisson, de volailles, des lapins et du gibier et modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes.

62N

—  Loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes.

Les lois-cadre susmentionnées peuvent éventuellement se trouver sous d'autres codes de prévention, selon l'arrêté royal qui s'applique.

Il est évidemment possible que les arrêtés d'exécution qui sont d'application pour les lois susmentionnées, ont été mis sous les mêmes codes de prévention avant l'introduction de la directive du 13 mai 2004 mais nous ne pouvons pas le contrôler.

Source de données

Les calculs ont été faits sur la base de la banque de données centrale du Collège des procureurs généraux qui a été complétée par les données des banques REA/TPI des parquets correctionnels près les tribunaux de première instance (extraction au 10 janvier 2005). Le parquet d'Eupen et le parquet fédéral n'ont pas été repris dans les tableaux ci-dessous.

Nombre de nouveaux dossiers

L'on a tout d'abord calculé le nombre de dossiers portant les codes de prévention 62G, 62M ou 62N pour. Ces chiffres se trouvent dans le tableau 1, répartis par code de prévention et par année d'entrée du dossier au parquet (2003-2004).

  Tableau 1. Nombre de dossiers « Commerce illégal de viande » par code de prévention et par année d'entrée au parquet (2003-2004)
20032004
Nombre%Nombre%
62G Transport de viande20552,014448,2
62M L'expertise et le commerce du poisson, des volailles, des lapins et du gibier6316,03511,7
62N Expertise et commerce des viandes12632,012040,1
Total394100,0299100,0
Source : Banque de données du Collège des procureurs généraux — analystes statistiques.

L'unité de comptage est donc le dossier. Le tableau 1 reprend tant des dossiers sans suspect connu que des dossiers avec un ou plusieurs suspects. Les doubles comptages ont été évités, ce qui veut dire que les dossiers qui reprennent plus d'un code de prévention ou plus d'un suspect ne sont comptabilisés qu'une seule fois.

Mais un dossier dans lequel le chef d'accusation principal est par exemple le « 62A — Denrées alimentaires » et le chef d'accusation secondaire est le « 62G — transport de viande » a par contre été comptabilisé car un des trois codes de prévention apparaît ici une fois en tant que chef d'accusation secondaire.

Nombre de suspects

Le tableau 2 utilise le suspect pour unité de comptage. Il indique le nombre de suspects connus concernés, ce par code de prévention de dossier et par année au cours de laquelle les dossiers sont entrés au parquet.

  Tableau 2. Nombre de suspects impliqués dans des dossiers de commerce illégal de viande, par code de prévention et par année d'entrée au parquet (2003-2004)
20032004
Nombre%Nombre%
62G Transport de viande16749,612746,4
62M L'expertise et le commerce du poisson, des volailles, des lapins et du gibier6820,22910,6
62N Expertise et commerce des viandes10230,311843,1
Total337100,0274100,0
Source : Banque de données du Collège des procureurs généraux — analystes statistiques.

Il y a eu en 2003 un total de 104 dossiers sans suspect connu. En 2004 ce chiffre a diminué exactement de moitié : 52.

Dernier état d'avancement

Le tableau 3 montre l'état d'avancement des dossiers de « commerce illégal de viande » au moment de l'extraction des données (10 janvier 2005), ledit « dernier état d'avancement » à cette date. Il ne s'agit donc pas toujours de décisions finales.

  Tableau 3. Dernier état d'avancement au 10 janvier 2005 des dossiers de commerce illégal de viande par année d'entrée au parquet (2003-2004)
20032004
Nombre%Nombre%
Information266,65919,7
Sans suite21354,117257,5
Pour disposition4310,93311,0
Jonction6115,5134,3
Transaction307,6196,4
Chambre du Conseil10,3
Citation et suite205,131,0
Total394100,0299100,0
Source : Banque de données du Collège des procureurs généraux — analystes statistiques..

L'État d'avancement information comprend tous les dossiers qui étaient à l'état d'information au 10 janvier 2005.

Le classement sans suite est une décision provisoire pour éviter les poursuites qui mettraient fin à l'information. Tant que l'action publique n'est pas éteinte, le dossier peut être rouvert. Le tableau 4 détaille davantage les motifs des classements sans suite. Dans les dossiers relatifs à la sécurité alimentaire, un classement sans suite peut en effet signifier qu'une amende administrative a déjà été fixée auparavant.

Pour disposition : tant que les dossiers n'ont pas été renvoyés au parquet qui les a mis pour disposition, ces dossiers restent à ce stade d'avancement au parquet d'origine, où ils sont considérés comme clôturés.

Jonction : les dossiers restent à ce stade d'avancement car les décisions suivantes sont prises dans le cadre du dossier principal.

Le stade chambre du conseil ne veut pas dire « tous les dossiers qui sont un jour passés par la chambre du conseil ». Il ne s'agit ici que des dossiers qui, au 10 janvier 2005, ont été fixés devant la chambre du conseil pour règlement de la procédure et qui n'ont pas (encore) été fixés devant le tribunal correctionnel.

La rubrique citation et suite reprend les dossiers dans lesquels une décision de citation ou une décision suivant la citation a été prise. Il s'agit de dossiers où il y a citation, fixation devant le tribunal correctionnel, opposition, appel, etc.

Motifs de classement sans suite

Le tableau 4 donne un aperçu des motifs que le parquet a avancés pour classer sans suite des dossiers de commerce illégal de viande.

  Tableau 4. Motifs de dossiers de commerce illégal de viande classés sans suite par année d'entrée au parquet (2003-2004)
20032004
Nombre%Nombre%
OpportunitéRépercussion sociale limitée62,831,7
Situation régularisée198,984,7
Préjudice peu important10,5
Dépassement du délai raisonnable10,5
Absence d'antécédents62,821,2
Faits occasionnels- circonstances spécifiques73,331,7
Conséquences disproportionnées-trouble social41,921,2
Indemnisation de la victime10,5
Capacité d'enquête insuffisante10,510,6
Autres priorités115,274,1
TechniqueAbsence d'infraction20.942,3
Charges insuffisantes209,484,7
Autorité de la chose jugée31,4158,7
Auteur inconnu20,9
AutreAmende administrative12860,111969,2
Signalement de l'auteur10,5
Total213100,0172100,0
Source : Banque de données du Collège des procureurs généraux — analystes statistiques.

Depuis ladite loi « Franchimont » du 12 mars 1998, le parquet est obligé de motiver chaque classement sans suite. La circulaire COL 12/98 du Collège des procureurs généraux prévoit une liste nationale uniforme des motifs dont au moins un doit être utilisé.

Les motifs de classement sans suite ont été subdivisés en trois rubriques : raisons techniques, motifs d'opportunité et « autres » motifs.

Une rubrique importante en matière de sécurité alimentaire — dont les infractions sélectionnées font partie — est celle de « l'amende administrative » (60,1 % en 2003 et 69,2 % en 2004).

Sous ce motif, les dossiers sont généralement classés sans suite et ont fait l'objet d'une amende administrative infligée par l'Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire (AFSCA). Cette pratique a également été uniformisée au niveau national via la directive COL 15bis/03 du 22 décembre 2003 du Collège des procureurs généraux.

3. En ce qui conccerne la troisième partie de la question l'honorable membre Vandenberghe, outre les remarques concernant la rédaction d'un protocole entre l'AFSCA et les services de douane abordée dans la réponse de mon collègue le ministre des Affaires sociales, je souhaiterais aborder les aspects suivants :

— La Note-cadre de Sécurité Intégrale soutient déjà que l'attention du gouvernement est centrée sur le maintien et l'élaboration continue du caractère multidisciplinaire de la politique actuelle de recherche et de maintien, avec une large concertation entre tous les acteurs de terrain au sein de structures de concertation telles que la Cellule Interdépartementale Résidus (CIR), la Cellule multidisciplinaire Hormones (CMH), sous la direction de la police fédérale et la Cellule multidisciplinaire Fraude de la viande (CMFV). À cet effet, les mandats des différents organes de concertation ont été élargis suite à la décision du 30 mars 2004. Le commerce illégal de viande constitue un point d'attention important au sein de ces groupes de travail.

—  Au niveau du réseau d'expertise RSA au sein du ministère public, des réunions de concertation sont régulièrement organisées avec les membres extérieurs au ministère public et les services d'inspection et de police. Cette concertation donne tant au niveau de la politique qu'au niveau opérationnel, les impulsions nécessaires afin d'aborder le terrain aussi efficacement que possible au niveau des phénomènes transfrontaliers.