Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-51

SESSION DE 2001-2002

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement Santé publique

Question nº 1879 de M. Vandenberghe du 8 février 2002 (N.) :
Environnement durable. ­ Classement international de la Belgique.

D'après le dernier rapport sur l'environnement du World Economic Forum (Forum économique mondial) la Belgique occupe la 127e place sur 142 pays qui ont fait l'objet d'une enquête comparative au niveau de l'environnement durable. L'année dernière, notre pays ne se situait déjà qu'à la 79e place sur 122 pays.

Le World Economic Forum classe, en collaboration avec les universités de Yale et Columbia (États-Unis), l'environnement durable de 142 pays d'après un indice d'environnement durable (IED). Les résultats de cette étude sont basés sur vingt indicateurs dans cinq catégories.

Aucun pays de l'Union européenne n'a obtenu un aussi mauvais résultat. Bon nombre de pays en voie de développement sont même mieux classés que la Belgique. En tête du classement l'on trouve les pays scandinaves et en queue de peloton les Émirats arabes unis.

En ce qui concerne la qualité de l'eau, la Belgique est même classée dernière. Quant à la lutte contre la pollution de l'air et la politique de protection de la nature, nous arrivons à peine à l'avant-dernière place.

Sur une échelle de 100 points, notre pays n'a obtenu cette année que 38,6 points contre 44,1 l'année dernière.

De même que l'année dernière, la ministre flamande de l'Environnement Vera Dua affirme que l'étude porte sur des chiffres dépassés qui noircissent la situation.

Au sommet du Forum mondial, vous avez néanmoins plaidé pour une approche globale du problème de la pollution de l'environnement.

L'honorable ministre pourrait-elle répondre aux questions suivantes :

1. Estime-t-elle souhaitable d'organiser une concertation avec les ministres régionaux pour examiner, en général et en profondeur, le problème de l'environnement durable en Belgique ?

2. Quels sont les facteurs qui se trouvent à l'origine de la chute de la Belgique dans ce classement par rapport à l'année dernière ?

3. Quelles mesures proposera-t-elle pour que la Belgique se rapproche à bref délai des autre pays de l'Union européenne ?

Réponse : J'ai l'honneur de communiquer à l'honorable membre ce qui suit.

Dans votre question vous faites référence aux résultats de la dernière réactualisation de l'« Environmental Sustainability Index » (ESI), un projet mené de concert par les universités de Yale et de Columbia et le Forum économique mondial, présentés lors du Forum économique mondial de New York.

Il y demandait également davantage de précisions au sujet des facteurs à l'origine du recul de la Belgique dans ce classement. Une brève description des résultats ESI permettra de clarifier bon nombre d'aspects à cet égard.

L'ESI propose une analyse comparative entre les pays sur la base d'un score agrégé (c'est-à-dire cumulé). Les conclusions de l'étude reposaient sur le calcul de 20 indicateurs clés dans cinq catégories :

­ systèmes environnementaux;

­ pression sur l'environnement;

­ vulnérabilité humaine par rapport aux risques environnementaux;

­ capacité institutionnelle d'une société à faire face aux menaces environnementales; et

­ gestion par un pays des ressources environnentales.

Le score ESI de la Belgique a baissé : de 44,1 en 2001, il est passé à 38,6 en 2002; dans le classement, la Belgique passe de la 79e place sur 122 en 2001 à la 126e place sur 142 en 2002. Ce classement situe la Belgique à la plus mauvaise position parmi tous les pays de l'Union européenne. D'autres pays de l'UE ont également enregistré un recul de leurs résultats ESI en 2002; le Royaume-Uni était 16e en 2001, il est 98e en 2002; l'Allemagne passe de la 15e à la54e position, la France de la 13e à la 34e et le Danemark de la 10e à la 24e. Toutefois, la série d'indicateurs sur laquelle le classement est basé a été modifiée entre 2001 et 2002 d'une manière préjudiciable pour les États membres de l'UE (on a donné moins de poids à la capacité institutionnelle et sociale à aborder les problèmes environnementaux et davantage aux prestations quant à la politique environnementale). C'est ainsi que les statistiques de 2001 et de 2002 ne sont pas vraiment comparables.

Le fait que l'on se base sur des résultats cumulés pourrait susciter certaines réserves du point de vue méthodologique. Notons également que, malgré la publication du rapport en 2002, il ne s'agit pas nécesserairement de données recueillies durant l'année précédente. Pour certains des indicateurs, ces données remontent au milieu des années 90. Cela s'applique en particulier aux variables utilisées pour l'indicateur de la qualité de l'eau (taux d'oxygène, conduction électrique, déchets déversés, etc.) pour lesquelles les données datent de la période 1994-1996.

En résumé, la Belgique obtient un mauvais score pour les indcateurs suivants :

­ quantité d'eau (118);

­ qualité de l'eau (141);

­ biodiversité (94);

­ terre (141);

­ lutte contre la pollution de l'air (142);

­ lutte contre la pression sur les ressources en eau (135);

­ lutte contre la pression sur les écosystèmes (142);

­ diminution de la pression sur les déchets et la consommation (113);

­ eco-efficience (110); et

­ lutte contre les gaz à effet de serre (109).

Pour les indicateurs suivants, la Belgique obtient un bon score :

­ qualité de l'air (29);

­ réduction de la densité de population (27);

­ besoins humains fondamentaux (36);

­ environnement et santé (17);

­ science et technologie (17);

­ capacité au débat (33);

­ gestion environnementale (20);

­ implication du secteur privé (20); et

­ participation à la coopération internationale (12).

Les scores pour les indicateurs de la gestion environnementale au niveau mondial (56) et la lutte contre la pression transfrontalière sur l'environnement (72) se situent dans la moyenne.

En résumé, la Belgique se révèle être un pays qui connaît une pression élevée sur l'environnement, et plus particulièrement sur l'eau, l'air, l'utilisation du sol et les écosystèmes. En revanche, pour ce qui est des indicateurs institutionnels et donc pour la gestion des problèmes environnementaux, la Belgique obtient des résultats assez bons.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les données relatives à la qualité de l'eau se réfèrent à la période 1994-1996. Il s'ensuit que les efforts en matière d'épuration des eaux et de collecte des eaux usées par le raccordement aux égouts, domaines dans lesquels la Belgique ­ à la différence de ses pays voisins ­ a commencé à s'investir seulement à partir du milieu des années 90 et qui permettent d'inverser seulement maintenant le cours des choses en matière de qualité de l'eau, n'ont pas encore été pris en compte dans le cadre de ce rapport.

Un autre facteur renforce encore les très mauvais résultats obtenus par la Belgique en matière de lutte pour l'amélioration de la qualité de l'air et, par conséquent, le mauvais résultat général : le calcul d'un grand nombre de variables a été effectué sur la base de la surface habitée. C'est le cas pour les émissions d'oxyde d'azote (NOx), les émissions de dioxyde de soufre (SO2) et de composés organiques volatiles (COV), pour la consommation de charbon et la quantité de véhicules. Il faut, par exemple, examiner le mauvais résultat (142e place) obtenu en matière de réduction de la pollution de l'air et le résultat obtenu en matière de qualité de l'air :29e place. Cette 142e place s'explique en grande partie par la méthode de mesure : la pollution par unité de surface joue au détriment des zones à forte densité de population. Il s'agit d'une approche différente de celle utilisée, par exemple, par l'OCDE dans ces évaluations des politiques environnementales où l'on considère le résultat en fonction du PNB ou de la population. Le fait d'établir un lien avec le PNB à l'avantage de permettre de mieux situer l'effet de la politique sur l'économie.

Il convient cependant de ne pas considérer cette nuance comme une négation de la nécessité particulièrement urgente de développer de nouvelles stratégies pour lutter contre les problèmes environnementaux. Il est difficile de nier l'évidence : du fait de son développement économique important, de sa densité élevée de population et de la difficulté d'infléchir certaines tendances environnementales dues à des politiques menées dans le passé, la Belgique est confrontée à une grande pression sur l'environnement.

Des doutes étaient également émis dans la question écrite quant à l'opportunité d'une concertation avec les ministres régionaux afin d'étudier en détail le problème global de la durabilité environnementale en Belgique.

Je puis répondre de manière positive à cette question. Dans la note transmise au gouvernement pour étude à la séance du 8 février 2002, j'ai en effet proposé que l'on procède, en collaboration avec les régions, à une analyse approfondie du rapport et que des nouvelles initiatives communes soient prises en vue de lutter contre la pression sur l'environnement.

Depuis lors, les premières discussions ont effectivement été organisées entre les représentants des régions et du pouvoir fédéral dans le cadre du Comité de coordination de la politique internationale de l'environnement (CCPIE), plus précisément au sein du groupe de travail « données environnementales ».

Cette concertation entre les régions et le pouvoir fédéral devrait en effet aboutir à des mesures permettant d'améliorer et d'harmoniser la collaboration, tout en faisant attention à harmoniser les cycles de programmation politique et à développer des indicateurs communs en matière d'environnement et de durabilité.

En réponse à votre question à propos des mesures qui seront proposées par moi-même afin de permettre à la Belgique d'améliorer la situation à court terme, je puis vous renvoyer aux aspects suivants.

Une première constatation est que les autorités fédérales et régionales ont développé de nombreuses mesures ou initiatives en matière d'environnement au cours des dernières années. Les plans régionaux de politique environnementale, le plan national pour le climat, le plan fédéral de développement durable et le plan fédéral de lutte contre l'acidification et l'ozone troposphérique sont quelques exemples de ces initiatives globales.

Cependant, on peut encore constater ­ et l'index ESI le montre ­ que la politique actuelle ne suffit pas pour inverser le cours des choses en matière environnementale. Souvent, l'effet des mesures est réduit à néant à la suite d'une augmentation du volume. Le transport et les émissions dans l'air sont probablement les exemples les plus marquants.

Dans ma note au gouvernement du 8 février 2002, j'ai dès lors lancé un appel à tous les membres du gouvernement pour que l'environnement et le développement durable deviennent des priorités absolues.

J'y ai également proposé une série de mesures qui font l'objet de nouvelles discussions en ce moment.

Les mesures proposées exigeaient un redoublement d'efforts pour réduire la pression sur l'environnement exercée par le secteur des transports et insistaient sur une amélioration de la qualité de l'air et une réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Je demandais un engagement clair de la part du gouvernement fédéral dans la mise en oeuvre des accords multilatéraux et des engagements européens. Une priorité particulière doit être accordée à l'approbation et à la mise en oeuvre rapides du plan national pour le climat. Il en est de même pour le programme politique adopté en exécution de la directive relative aux plafonds nationaux d'émissions. L'exécution du plan fédéral de lutte contre l'acidification et l'ozone troposphérique doit également être vue comme prioritaire.

Ma note comprenait également quelques propositions relatives à la réduction des substances et des normes de produits nocives qui se concentraient, d'une part, sur la réduction de la pression des produits sur l'environnement et, d'autre part, sur le retrait du marché des produits très nocifs.

Enfin, j'ai proposé d'adopter une série de mesures permettant d'élargir l'arsenal existant en matière d'environnement :

­ au niveau européen, soutenir l'initiative de la Commission afin de parvenir à un système européen en matière de responsabilité environnementale;

­ favoriser la recherche scientifique en matière d'eco-efficience et dissocier davantage l'activité économique de la pression sur l'environnement.