Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 1-85

SESSION DE 1998-1999

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Justice

Question nº 673 (rappel) de M. Erdman du 4 décembre 1997 (N.) :
Arrêté royal du 13 décembre 1995. ­ Naturalisations. ­ Problèmes des extraits d'acte de naissance.

Le 4 décembre 1997, je vous ai posé, sous le nº 673 (bulletin des Questions et Réponses , Sénat, nº 64 du 20 février 1998, p. 3286) la question suivante :

« L'article 21, § 1er , de la loi du 28 juin 1984 relative à certains aspects de la condition des étrangers et instituant le Code de la nationalité belge détermine que le Roi, sur proposition du ministre de la Justice, fixe les actes et justificatifs à joindre à la demande de naturalisation.

Cette règle est fixée par l'arrêté royal du 13 décembre 1995 (Moniteur belge du 16 décembre 1995). L'article 2, 1º, de cet arrêté royal impose explicitement un acte de naissance du demandeur.

Le ministre ne peut nier que cette obligation de joindre un (extrait d') acte de naissance met le demandeur dans une situation délicate voire impossible. Ainsi la Commission des naturalisations de la Chambre des représentants a-t-elle décidé en sa séance du 15 octobre 1997 que : « les ressortissants des pays où l'organisation de l'état civil est complètement perturbée peuvent présenter un acte de notoriété ».

Le dérèglement complet de l'état civil du pays d'origine n'est qu'un des problèmes rencontrés par le demandeur. J'aimerais dès lors attirer l'attention de l'honorable ministre sur le jugement du tribunal de première instance de Gand du 28 janvier 1993 (publié au JT juin-juillet 1997, pp. 262-264) dans lequel le tribunal a refusé l'acte de notoriété (homologation) à une femme marocaine malgré l'avis positif du ministère public. Cette dernière n'a pu obtenir un (extrait d') acte de naissance en raison du refus de ses parents et du consulat du Maroc en Belgique.

J'aimerais poser les questions suivantes à l'honorable ministre :

­ Ne s'agit-il pas d'un cas de force majeure où l'acte de notoriété constituerait une solution pour la personne concernée ?

­ Ne serait-il pas opportun de compléter l'article 2, 1º, de l'arrêté royal par une phrase indiquant que l'acte de notoriété suffit au cas où le demandeur est dans l'impossibilité d'obtenir un extrait d'acte de naissance ? »

Jusqu'à ce jour je n'ai pas reçu de réponse à cet égard. Par conséquent, je me permets de rappeler cette question à votre attention. Puis-je connaître votre réponse très prochainement ?

Réponse : La loi du 13 avril 1995 modifiant la procédure de naturalisation et le Code de la nationalité belge (Moniteur belge du 10 juin 1995) précise en son article 1er que le Roi, sur proposition du ministre de la Justice, doit déterminer les actes justificatifs à joindre à la demande pour prouver qu'il est satisfait aux conditions prévues à l'article 19 du Code de la nationalité belge.

Une des conditions requises pour acquérir la nationalité belge par naturalisation est d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans. L'âge d'un individu doit, en principe, être établi par l'acte de naissance (De Page, H., Traité élémentaire de droit civil belge, Tome II, Vol. 1, Les personnes, Bruxelles, 1990, nº 261). L'article 2 de l'arrêté royal du 13 décembre 1995 déterminant le contenu du formulaire de demande de naturalisation ainsi que les actes et justificatifs à joindre à la demande et fixant la date de l'entrée en vigueur de la loi du 13 avril 1995 modifiant la procédure de naturalisation et le Code de la nationalité belge (Moniteur belge du 16 décembre 1995), précise par conséquent que l'acte de naissance du demandeur doit être joint à la demande.

Le dépôt de l'acte de naissance ne doit pas être considéré ­ à strictement parler ­ comme une condition de recevabilité de la demande de naturalisation. Le fait de remplir la condition d'âge, par contre, l'est bien.

En principe, en droit belge, seuls les actes d'état civil peuvent fournir la preuve légale et incontestable de l'état des personnes (Baeteman, G., Personen en gezinsrecht, 1, 1988, p. 211). Les actes d'état civil qui ont été dressés dans un pays étranger font également foi pour autant qu'ils aient été rédigés dans les formes usitées dans ledit pays (article 47 du Code civil).

S'il est impossible pour le requérant de joindre un acte de naissance à son dossier de naturalisation, il peut introduire une requête auprès du tribunal de première instance, sur la base de l'article 46 du Code civil, afin d'obtenir un jugement qui vaudra comme acte de naissance. L'article 46 du Code civil dispose que lorsqu'il n'aura pas existé de registres, ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titre que par témoins; et dans ces cas, les mariages, naissances et décès, pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins.

La procédure qui doit être suivie est celle de la rectification d'un acte (articles 1383-1385 du Code judiciaire). Le remplacement est considéré comme une extension de la rectification. Cette procédure peut être introduite soit par l'intéressé lui-même soit d'office par le parquet lorsque celui-ci estime que l'ordre public nécessite son intervention.

Le remplacement d'un acte de naissance par un acte de notoriété peut seulement se faire lorsque la loi l'autorise expressément. Ainsi par exemple, le futur époux qui, en vue de son mariage, se trouve dans l'impossibilité de produire son acte de naissance, peut y suppléer par un acte de notoriété, délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance ou par celui de son domicile (article 70 du Code civil).

Je porte également à l'attention de l'honorable membre que, par jugement du 15 janvier 1998 du tribunal de première instance de Gand, une question préjudicielle a été posée à la Cour d'arbitrage concernant l'éventuelle violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution par les articles 70, 71 et 72bis du Code civil en ce qu'il n'est pas permis à un étranger qui souhaite obtenir la nationalité belge par naturalisation, et qui se trouve dans l'impossibilité de se faire délivrer un acte de naissance, de faire remplacer ce dernier par un acte de notoriété, cependant qu'un étranger qui a l'intention de se marier se voit offrir légalement cette possibilité. La Cour d'arbitrage ne s'est pas encore, à ce jour, prononcée sur la question.

Sur la base de ce qui précède, il ne me paraît pas opportun de compléter actuellement l'article 2, 1º, de l'arrêté royal susmentionné par une phrase selon laquelle un acte de notoriété suffit dans le cas où le demandeur se trouve dans l'impossibilité d'obtenir un extrait d'acte de naissance.