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Question écrite n° 5-9774

de Bert Anciaux (sp.a) du 26 aôut 2013

au vice-premier ministre et ministre de l'Économie, des Consommateurs et de la Mer du Nord

Responsabilité des réviseurs lors du contrôle des comptes annuels des asbl et fondations - « Lettre d'affirmation » - Décharge de responsabilité du réviseur - Plus-value d'une attestation d'un réviseur

comptable
société sans but lucratif
fondation
bilan
responsabilité

Chronologie

26/8/2013Envoi question
7/10/2013Réponse

Question n° 5-9774 du 26 aôut 2013 : (Question posée en néerlandais)

Un grand nombre d'asbl et de fondations sont légalement obligées de faire contrôler leurs comptes annuels par un réviseur d'entreprise agréé. Ces contrôles sont soumis au référentiel comptable comprenant l'article 17 (article 26octies pour les asbl étrangères, article 37 pour les fondations ou article 53 pour les aisbl) de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, ainsi que les arrêtés royaux d'exécution ( en particulier l'arrêté royal du 19 décembre 2003 relatif aux obligations comptables et à la publicité des comptes annuels de certaines associations sans but lucratif, associations internationales sans but lucratif et fondations).

Ce contrôle donne lieu à un rapport dans lequel le réviseur émet un avis sur l'image que donnent les comptes annuels en ce qui concerne le patrimoine, la situation financière et les résultats de l'association (fondation) pour l'exercice clôturé à cette date, conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables en Belgique. Ce rapport formule, si nécessaire, une série de constats, recommandations ( la lettre dite de recommandations) et, le cas échéant, une affirmation selon laquelle les comptes annuels ont été établis conformément aux obligations légales.

Le réviseur annexe au rapport une « lettre d'affirmation », qui doit être signée par les membres du conseil d'administration. Cette lettre d'affirmation contient des déclarations expliquant que les comptes annuels et la comptabilité y afférente ont été correctement exécutés et clôturés. En voici un exemple, extrait littéralement d'un document existant.

« La présente lettre a pour but de vous confirmer notre connaissance d’un ensemble d’éléments par rapport à ces comptes annuels et au fonctionnement de notre association (fondation). Le présent document est confidentiel et fait partie de vos documents de travail.

1) En vertu de la loi, nous sommes responsables de l’établissement et de la présentation sincère des comptes annuels, conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables en Belgique. Sans préjudice d’aspects formels d’importance mineure, la comptabilité est tenue conformément aux dispositions légales et réglementaires applicables en Belgique. Les comptes annuels ont été dûment arrêtés par l’organe de gestion.

2) Nous reconnaissons notre responsabilité dans la conception et la mise en place du contrôle interne afin d’atteindre l’objectif de l’établissement d’une information financière donnant une image fidèle de notre patrimoine, de notre situation financière et de nos résultats. Le contrôle interne a également pour but de prévenir et de détecter les fraudes et les erreurs. Nous avons pris note que vous avez apprécié nos procédures de contrôle interne au regard des objectifs de votre propre mission.

3) Les comptes annuels ne contiennent pas d’anomalies significatives. Nous sommes d’avis que l’incidence éventuelle d’anomalies non corrigées sur les comptes annuels, considérées individuellement ou dans leur globalité, n’est pas significative.

4) Nous confirmons vous avoir communiqué les conclusions de l’échange de vues que notre conseil d’administration a eu au sujet du risque que les comptes annuels comportent des anomalies significatives provenant de fraudes.

5) Nous confirmons ne pas avoir connaissance de faits ou allégations liés à des fraudes commises ou suspectées dans l’entité et impliquant la direction, des employés ayant un rôle important dans le cadre du contrôle interne, ou d’autres personnes, et susceptibles d’avoir un impact significatif sur les comptes annuels.

6) Nous confirmons vous avoir communiqué tous les cas, avérés ou non avérés, de non-respect des dispositions légales et réglementaires dont l’effet doit être pris en compte dans l’établissement des comptes annuels.

7) En matière d’évaluation en juste valeur, nous avons retenu des hypothèses raisonnables, en conformité avec notre référentiel comptable ; cela comprend les ajustements nécessaires en matière d’amortissements, provisions ou réductions de valeurs exceptionnels, suite à des circonstances particulières. Les évaluations retenues reflètent correctement nos intentions et notre capacité à réaliser notre objet social.

8) Les méthodes d’évaluation, les hypothèses qui sont à leur base, ainsi que la permanence de ces méthodes sont appropriées dans le contexte de notre référentiel comptable.

9) Votre contrôle légal ne porte pas sur un quelconque rapport de gestion ou d’activités. Nous vous confirmons toutefois que nous n’avons pas connaissance d’éléments survenus qui mettraient en cause la continuité de l’association (la fondation).

10) Nous n’avons pas connaissance d’éléments mettant en cause, au niveau de notre association (fondation) :

- le respect de son objet, de son but social et de ses statuts en général ;

- le respect de sa finalité non lucrative et de la loi du 27 juin 1921 en général ;

- le respect de son statut fiscal aux impôts sur les revenus et à la TVA, à l’exception des éléments suivants : …

11) Bien que la législation sur les associations et fondations ne couvre pas explicitement les conflits d’intérêt éventuels entre notre association (fondation) et ses membres, dirigeants ou administrateurs, nous vous confirmons n’avoir pas connaissance de la survenance d’un conflit d’intérêt entre notre association (fondation) et l’un de ses membres, dirigeants ou administrateurs.

Par ailleurs, nous vous confirmons, au mieux de nos connaissances et en toute bonne foi, que :

a. Nous avons identifié tous les événements postérieurs à la date de clôture qui nécessiteraient un ajustement des comptes annuels ou une information à fournir dans ceux-ci, en conformité avec notre référentiel comptable ;

b. Nous avons mis à votre disposition à votre demande l’ensemble de la comptabilité, des livres comptables, de la documentation y afférente, des procès-verbaux des assemblées générales et des réunions des organes de gestion, de direction et de supervision, ainsi que toute information pertinente au contrôle ;

c. Nous vous avons communiqué tous les projets ou intentions susceptibles d’altérer de manière significative la valeur comptable des actifs et des passifs ou leur classification. Le cas échéant, des informations y relatives ont été fournies dans l’annexe des comptes annuels en conformité avec notre référentiel comptable ;

d. Toutes les transactions ont été correctement enregistrées et, si nécessaire, ont fait l’objet d’une information appropriée fournie dans les comptes annuels. Nous y avons enregistré et le cas échéant, décrit tous les passifs, y compris les passifs éventuels ; les informations ont été fournies les concernant en conformité avec notre référentiel comptable. Sont concernés ici plus notamment les litiges et engagements financiers significatifs ;

e. Notre association dispose d’un titre valable relatif à la propriété, l’usage ou le contrôle de tous les actifs repris dans les comptes annuels ; les informations ont été fournies quant aux sûretés réelles ou autres grevant ces actifs, en conformité avec notre référentiel comptable ;

f. Aucune correction des chiffres comparatifs de l’exercice précédent ne doit être apportée ;

g. Nous confirmons l’exhaustivité des informations fournies concernant l’identification des entités liées, telles que définies par notre référentiel comptable ;

h. Les informations fournies dans les comptes annuels relatives aux entités et/ou parties liées (administrateurs, etc.) sont conformes aux dispositions de notre référentiel comptable. Nous vous avons communiqué toutes les informations et la documentation pertinentes à leur sujet.

Pour terminer, nous vous confirmons que nous sommes informés de la loi du 11 janvier 1993 (et ses modifications) relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, concernant la lutte contre le blanchiment d’argent. Au regard de cette loi, nous vous confirmons en toute bonne foi et au mieux de nos connaissances, que :

i. Toutes les transactions intervenues durant l’exercice sont régulières et cohérentes avec le but et l’objet de notre association (fondation), tels qu’ils figurent dans nos statuts ;

ii. Au cours de l’exercice, il n’y a pas eu de transaction en espèces pour un montant dépassant le seuil légal de 15.000 euros par transaction, ni de transaction immobilière dont le montant en espèces dépasse les 10 % du montant total de la transaction ou le seuil de 15.000 euros ;

iii. Il n’y a pas eu de transaction de transit de fonds de tiers par les comptes de l’association ;

iv. Il n’y a pas eu de transaction avec des entités ou personnes enregistrées dans des pays qualifiés de non coopératifs par le Groupe d’action financière (GAFI) ou l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) ;

v. Il n’y a pas de participations, de souscriptions à des augmentations de capital ou de prêts à destination ou en provenance d’entités enregistrées dans les pays qualifiés par l’administration fiscale belge comme d’autres paradis fiscaux ou centres offshore. ».

Fin de citation.

Toutes ces déclarations doivent être signées par le conseil d'administration de l'asbl ou de la fondation, sinon, le réviseur ne remet pas son rapport.

D'où les questions suivantes.

1) De quelle manière la signature d'une telle lettre d'affirmation par le conseil d'administration d'une asbl ou fondation décharge-t-elle le réviseur de sa responsabilité ?

2) Où se situe la plus-value d'une attestation du réviseur lorsque ce réviseur annexe une liste aussi détaillée d'affirmations à son rapport ?

3) Bref : l'obligation d'un rapport (particulièrement coûteux) du réviseur présente-t-elle encore une plus-value si ce rapport n'est pas remis dès lors que le conseil d'administration de l'asbl ou de la fondation ne signe pas toutes ces déclarations ?

Réponse reçue le 7 octobre 2013 :

J'ai l'honneur d'apporter les réponses suivantes aux questions de l'honorable membre:

1. La loi-programme du 9 juillet 2004 a inséré dans la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations un renvoi général à diverses dispositions du Code des sociétés, à savoir ses articles 130 à 133, 134, §§ 1er et 3, 135 à 137, 139 et 140, 142 à 144, à l'exception de l'article 144, alinéa 1er, 4° et 5°. Ces articles sont donc appliqués aux ASBL et aux fondations par analogie.

La fonction de commissaire dans une société, ASBL ou fondation, peut uniquement être exercée par un réviseur d’entreprises. La finalité première de l'intervention du commissaire est d'obtenir, à la suite de l’application de procédures d’audit, l'assurance raisonnable que les comptes annuels établis par l’organe de gestion de l’entité contrôlée, ne comportent pas d'anomalies significatives, conformément au référentiel comptable applicable.

Le réviseur d’entreprises doit pouvoir recueillir un nombre approprié d’éléments probants lui permettant de justifier l’opinion qu’il formule sur les comptes annuels.

La norme de révision relative aux déclarations de la direction du 15 décembre 2006 prévoit l’obligation pour le commissaire de demander à la direction de l’entité contrôlée la confirmation écrite de certaines déclarations par le biais de la lettre d’affirmation. En vertu de l’article 30, § 3, de la loi du 22 juillet 1953 créant un Institut des Réviseurs d'Entreprises et organisant la supervision publique de la profession de réviseur d'entreprises, coordonnée le 30 avril 2007, les normes sont obligatoires pour les réviseurs d'entreprises.

Les administrateurs sont tenus de collaborer au contrôle des comptes annuels et du rapport de gestion par le commissaire. En effet, l’article 137 du Code des sociétés reconnaît expressément au commissaire le droit de requérir de l’organe de gestion et des préposés de la société les explications et informations requises pour son contrôle.

Le refus de signer la lettre de confirmation n’entraîne en aucune manière une limitation de la responsabilité du réviseur d’entreprises. Les conséquences attachées à ce refus sont d’une toute autre nature. La direction, en refusant de signer la lettre d’affirmation, conduit le commissaire à une limitation de l’étendue de son contrôle (scope limitation), qui donnera lieu à la formulation d’une réserve ou à une déclaration d’abstention. Lorsqu’il n’a pas obtenu des administrateurs et préposés les informations qu’il a demandées, le Code des sociétés impose au réviseur d’entreprises d’en faire mention dans son rapport relatif aux comptes annuels ou consolidés (article 144, 2°, du Code des sociétés) . Cette circonstance ne fera l’objet d’une réserve ou d’une abstention que dans la mesure où l’absence de ce renseignement constitue un obstacle à la bonne exécution des travaux de révision.

La limitation de l'étendue du contrôle du commissaire résulte du fait que la lettre d'affirmation contient pour l'essentiel des confirmations d'information que seuls les dirigeants de la société peuvent fournir et que le commissaire ne pourrait réunir par d'autres techniques de contrôle.

Lorsque la direction de la société refuse de confirmer une information par écrit, le réviseur d’entreprises doit s'informer sur les raisons de ce refus. Le cas échéant, il pourra rappeler aux personnes concernées leurs obligations légales découlant de l'article 137 du Code des sociétés et, si nécessaire, invoquer la sanction pénale prévue à l'encontre de ceux qui refusent de procurer les renseignements qu'ils sont tenus de fournir (art. 170, al. 1er, 2° C. Soc.). Il pourra juger utile d’en informer le président de l’organe de gestion.

2. et 3. Dans le cadre d’un contrôle des états financiers (par exemple des comptes annuels ou des comptes consolidés) le réviseur d’entreprises doit obtenir de la direction de l’entité contrôlée les déclarations écrites requises et celles qu’il juge nécessaires ou appropriées. Selon le point 2.1. de la norme relative aux déclarations de la direction citée ci-avant, les déclarations de la direction constituent un élément probant subsidiaire. Lorsqu'il ne peut raisonnablement exister d'autres éléments probants suffisants et adéquats, le réviseur d’entreprises doit obtenir des déclarations écrites de la direction sur tous les aspects significatifs touchant aux comptes annuels (ou consolidés).

Pendant l'exécution de la révision, la direction fournit de nombreuses déclarations au réviseur d’entreprises, que celles-ci soient ou non sollicitées par ce dernier. Lorsque de telles déclarations ont trait à des informations importantes pour les comptes annuels (ou consolidés), le réviseur d’entreprises devra:

Si la déclaration de la direction est contradictoire avec d'autres éléments probants, le réviseur d’entreprises devra examiner les circonstances et si nécessaire, après s'en être entretenu avec la direction, remettre en question la fiabilité des autres déclarations faites par celle-ci.

La lettre d’affirmation ne remplace pas les procédures d’audit :