Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 5-9392

de Nele Lijnen (Open Vld) du 24 juin 2013

à la ministre de la Justice

Cybercriminalité - Bandes néerlandaises de trafiquants de drogue - Entreprises portuaires

criminalité informatique
trafic de stupéfiants
criminalité organisée
lutte contre le crime
protection des données
statistique officielle
installation portuaire

Chronologie

24/6/2013Envoi question
18/9/2013Rappel
12/11/2013Rappel
12/3/2014Réponse

Aussi posée à : question écrite 5-9391

Question n° 5-9392 du 24 juin 2013 : (Question posée en néerlandais)

Le parquet d'Anvers a récemment communiqué que deux Belges auraient piraté les systèmes informatiques de grandes entreprises portuaires. Ils auraient agi pour le compte de la mafia des stupéfiants. Ils ont piraté les réseaux des entreprises afin de se procurer les codes pin des conteneurs où se trouvait de la drogue. La bande de trafiquants de drogue a été écrouée par le parquet qui a agi en collaboration avec les collègues néerlandais. La presse a également communiqué que non seulement les sites web des entreprises portuaires ont été piratés mais aussi que des dispositifs d'écoute de haute technologie avaient été placés dans ces entreprises. Ainsi, l'échange de données a été intercepté.

Mes questions à la ministre sont les suivantes.

1) Comment la ministre évalue-t-elle les pratiques en matière de cybercriminalité ? L'approche a-t-elle été menée à la perfection et de manière extrêmement professionnelle ? La ministre peut-elle donner des explications ?

2) S'agit-il du premier cas de piratage opéré par des criminels organisés en vue de faciliter leur commerce de drogue ? Dans la négative, la ministre peut-elle donner des explications ?

3) Quelles leçons ont-elles été tirées de ces pratiques criminelles avec piratage ? La ministre peut-elle donner des explications détaillées ?

4) La ministre estime-t-elle utile que l'autorité vienne en aide à ces (grandes) entreprises, qui sont un maillon important de l'économie, pour assurer la protection de leurs systèmes informatiques ? La ministre peut-elle donner des arguments pour ou contre ?

5) La ministre pense-t-elle que ce type de pratique augmentera à l'avenir ? Peut-elle donner davantage d'explications ?

6) La ministre dispose-t-elle de statistiques sur le nombre de piratages d'entreprises ? Peut-elle les communiquer pour les cinq dernières années, avec une ventilation par année ? Dans la négative, estime-t-elle nécessaire de tenir des statistiques à ce sujet ?

7) Selon la ministre, un problème de protection des structures économiques importantes se pose-t-il dans notre pays  ? Peut-elle donner des arguments confirmant ou infirmant ce problème ? Dans l'affirmative, comment s'attaquer à ce problème selon elle ?

8) La ministre pense-t-elle qu'il ne s'agit pas d'un crime isolé et que d'autres criminels appliquent actuellement ces techniques ?

9) La cybercriminalité représentait-elle une partie essentielle de la collaboration avec la police néerlandaise ? Comment a-t-on collaboré dans ce domaine ? La ministre juge-t-elle nécessaire, étant donné la lutte internationale contre les criminels, de pérenniser et d'élargir la collaboration ? Peut-elle donner des explications ?

Réponse reçue le 12 mars 2014 :

1) Dans cette affaire, l'approche peut effectivement être qualifiée de professionnelle eu égard à l'utilisation combinée de diverses techniques de piratage puisque l'accès au réseau a été obtenu à la fois à l'aide de matériel spécifique et de logiciels spécifiques. Les postes de travail ont été contaminés par des courriels ciblés adressés à des personnes-clés au sein de l'entreprise. Au cours d'une effraction dans les bâtiments des victimes, des keyloggers et un appareillage d'interception ont été installés dans le réseau. L'appareillage d'interception était soigneusement caché dans des boitiers multiprise. 

Le recours à l'aide de cyberspécialistes par des bandes organisées aux fins de facilitation de leurs activités est évidemment un phénomène inquiétant. 

2) C'est un fait déjà connu qu'internet est utilisé en vue de faciliter la communication entre les criminels ainsi qu'entre les trafiquants de drogue et leurs clients. 

Par contre, l'on observe pour la première fois (en Belgique) que des tierces parties impliquées à leur insu dans le transport de drogue sont piratées et abusées de la sorte. 

3) Dès que les services de police et la justice ont été informés des faits, une instruction a été ouverte par la police judiciaire fédérale d'Anvers sous la direction du parquet. Étant donné que le dossier a trait à plusieurs phénomènes criminels (vol, trafic de drogue, cybercriminalité), une task force regroupant des spécialistes issus de différents domaines a été constituée dans ce cadre. Cette approche a porté ses fruits. 

Les connaissances en matière d'abus de cybercriminalité aux fins de commettre d'autres faits criminels et les leçons qui doivent en être tirées en terme de mesures de sécurisation et de réaction aux incidents, ont désormais été intégrées dans des séances d’information pour les entreprises. A la demande de l'autorité portuaire anversoise, les entreprises du port d'Anvers ont été informées du nouveau phénomène par le Federal Computer Crime Unit au cours d'une session d'information générale en décembre 2012. 

4) L’autorité a une tâche à accomplir dans la sécurisation de notre société de l'information. La plateforme de concertation relative à la sécurité des réseaux informatiques de l'autorité fédérale, BelNIS (Belgian Network information security), a dès lors élaboré une stratégie nationale de cybersécurité. La stratégie a été approuvée par le gouvernement le 21 décembre de l'année dernière. Une collaboration plus étroite entre l'autorité et les différents secteurs économiques est inscrite dans cette stratégie dans le but de partager des connaissances sur des incidents et de pouvoir rechercher des mesures appropriées pour la victime ainsi que pour d'autres victimes potentielles dans des situations similaires. 

Le premier ministre est chargé de l'exécution de cette stratégie nationale de cybersécurité. 

5) L’informatisation et l'automatisation croissantes de la société augmentent également la dépendance et la vulnérabilité en la matière. De plus en plus de cas de piratage aux fins de cyberespionnage sont observés de par le monde. Nous devons donc nous attendre en Belgique à ce que de telles pratiques augmenteront chez nous également. 

6) Le nombre de piratages et tentatives de piratage commis dans des endroits de type entreprise au cours des cinq dernières années s'établit comme suit :

2008 : 80

2009 : 127

2010 : 145

2011 : 144

2012 : 171

Source : Banque de données nationale générale de la police fédérale (extractions 28 novembre 2011 et 2 avril 2013). 

7) Il n'est pas de mon pouvoir de me prononcer sur l'état de protection des systèmes d’information des structures économiques importantes dans notre pays. Cette question relève de la compétence des autorités sectorielles. Cependant, chaque secteur de notre société doit prendre conscience des menaces qui émanent de la cybercriminalité et de l'appui que les cybercriminels sont susceptibles de fournir à d'autres criminels agissant de façon organisée. 

La mise en œuvre de la stratégie nationale de cybersécurité doit coordonner et stimuler les différentes initiatives nécessaires à l'amélioration de la cybersécurité dans notre pays. 

8) Comme pour toutes les formes de criminalité, il convient d'envisager pour ce phénomène aussi la possibilité que des copycats copieront les méthodes et techniques utilisées dans ce dossier à d'autres endroits avec potentiellement d'autres objectifs.

Il n'y a pour l'instant toutefois pas d'indications que ce soit aussi le cas effectivement. Il se peut néanmoins que d'autres entreprises encore soient victimes de telles pratiques de cyberespionnage sans qu'elles s'en rendent compte elles-mêmes. 

9) La collaboration avec la police néerlandaise a effectivement été d'une importance déterminante pour obtenir un résultat fructueux dans ce dossier. La coopération internationale au niveau policier et judiciaire est indispensable pour une lutte efficiente contre de tels phénomènes criminels. 

Pour différents phénomènes criminels, il existe au niveau de l'Union européenne des objectifs stratégiques et concrets d'amélioration de la lutte internationale contre cette criminalité grave et organisée, dont relève notamment la cybercriminalité. Cette approche stratégique (Empact Strategy) est élaborée sous la responsabilité du conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur de l'UE. Cette méthodologie avait été proposée sous la présidence belge en 2010 et est basée sur l'expérience que nous avons de l'Image policière nationale de sécurité et du Plan national de sécurité. 

Dès lors qu'il est constaté que le port d'Anvers est utilisé comme plaque tournante pour le trafic de cocaïne par des criminels séjournant aux Pays-Bas ou de nationalité néerlandaise, le parquet d'Anvers et la police judiciaire fédérale d'Anvers ont cherché à mettre en place une collaboration structurelle avec la police et la justice néerlandaises, ce en matière d'expertise, en matière d'échange d’informations, mais aussi au niveau des enquêtes concrètes. Eu égard au caractère international du trafic de cocaïne, pareille collaboration poussée est non seulement cruciale, mais également possible sur la base des traités policiers et judiciaires auxquels la Belgique et les Pays-Bas sont parties. 

C'est dans le cadre de ces liens de coopération que la police et la justice belges et néerlandaises ont étroitement collaboré. Ainsi, notamment une enquête a été ouverte aux Pays-Bas sur la base de l'enquête belge et des constatations faites dans le cadre de celle-ci.