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Question écrite n° 5-8817

de Dirk Claes (CD&V) du 22 avril 2013

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de Beliris et des Institutions culturelles fédérales

Drogue - Khat - Consommation en Belgique - Interdiction - Sensibilisation

stupéfiant
trafic de stupéfiants
sensibilisation du public

Chronologie

22/4/2013Envoi question
10/1/2014Réponse

Question n° 5-8817 du 22 avril 2013 : (Question posée en néerlandais)

Le khat est une drogue stimulante qui provient d'Afrique orientale. On y a l'habitude de mastiquer les feuilles d'un arbuste, le Catha edulis. Cet arbuste pousse dans des pays comme la Somalie, l'Éthiopie, le Yémen. Le khat se consomme en mastiquant de jeunes feuilles jusqu'à former une boulette que l'on conserve en bouche dans l'espace entre les dents et la joue. Ces feuilles contiennent de la cathinone. En mâchant, on libère ce principe et on l'avale. Les effets et les dangers de la cathinone sont semblables à ceux des amphétamines. Un gros consommateur peut en devenir dépendant.

Durant ces vingt dernières années, avec l'augmentation rapide des communautés somaliennes, éthiopiennes, yéménites et kényanes en Europe et en Amérique du nord, le commerce du khat est devenu l'objet sur ces continent d'un marché lucratif en croissance. Au sein de l'Union européenne (EU), la consommation de khat se limite aux immigrants venus de la Corne de l'Afrique.

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1) Le nombre de consommateurs de khat semble progresser dans l'UE mais on connaît mal l'ampleur et la nature du problème. Il semble donc indiqué de réaliser des recherches pour mieux évaluer ce qu'est le marché de ces drogues et la gravité de leurs effets socioéconomiques et de santé publique.

a) Le Service public fédéral (SPF) Santé publique a-t-il réalisé une recherche sur la consommation de khat en Belgique et sur les dangers qui y sont liés ? Quels en furent les résultats ?

b) Le SPF possède-t-il des données sur la consommation de khat en Belgique ?

2) Les services de contrôle du SPF Santé publique sont-ils confrontés à la consommation de khat ? Quels sont les constats sur le terrain ?

3) Que est l'attitude de la ministre envers le khat ? Quel est son point de vue sur l'interdiction du khat dans quasi l'ensemble de l'Europe (à l'exception du Royaume-Uni) ?

4) Le khat est essentiellement consommé dans des communautés de migrants. La ministre estime-t-elle nécessaire de (mieux) les informer sur les effets possibles sur la santé et la vie sociale ainsi que sur les aspects juridiques de cette consommation ?

Réponse reçue le 10 janvier 2014 :

1a) Selon mes services, aucune étude n’a été réalisée sur la consommation de khat en Belgique. Les études internationales sur la consommation de khat sont également limitées. Le nombre de consommateurs de khat en Europe paraît en augmentation, mais nous ne disposons d’aucun chiffre sur l'ampleur et la nature de ce problème.

1b) Il n'y a pas de données chiffrées disponibles sur la consommation de khat au sein de la population générale.

De manière générale, on peut affirmer que le khat est principalement consommé par les immigrés de la première génération originaire d'Afrique subsaharienne, et peu d’informations indiquent que la consommation connaît une expansion vers d'autres communautés. Il existe très peu d’informations relatives à la diffusion, aux profils de consommation et aux conséquences de l’usage; même au niveau européen, ces informations font en grande partie défaut. Selon des études internationales, ces communautés comptent jusqu'à 10 % de consommateurs quotidiens.

Compte tenu du mode de consommation particulier du khat (mastication de 100 à 300 g de feuilles pendant trois à six heures) et des quantités rapportées de plantes saisies, on peut affirmer que la consommation de khat au sein de la population générale est négligeable.

2) Des saisies de plantes de khat ont lieu sporadiquement. Ces saisies peuvent provenir de trafics à grande échelle (entre autres par conteneurs et via le port d'Anvers) ou à petite échelle (par exemple pour un usage personnel, en général lors d'un retour d'Afrique en avion).

En 2012, 70 saisies de khat ont été effectuées en Belgique, soit une quantité totale de 1 300 kg de plantes. Le nombre de saisies en 2010 et 2011 s'élevait respectivement à 51 et 77.

En termes de quantité aussi, il n'y a pas de grandes différences : en 2010, 1020 kg de khat ont été saisis, contre 1 130 kg en 2011. Il n'y a donc pas d'augmentation importante des quantités de khat qui entrent dans le pays.

3) Comme dans la majeure partie de l'Europe, le khat est sur la liste des substances psychotropes et est donc officiellement illégal en Belgique depuis 2006.

Le khat (la plante elle-même donc) se consomme par mastication, libérant alors lentement le composant actif principal (la cathine) dans le corps, ce qui a pour conséquence un léger effet stimulant (comparable à la mastication de feuilles de coca).

Si le khat est consommé de cette manière, il est peu question de toxicité ou d'effets secondaires nocifs. Et ce, contrairement à la consommation de cathine, la substance pure, ou d'un de ses dérivés synthétiques (les cathinones, comme on les appelle, ou « sels de bain » - de nouvelles substances psychoactives synthétiques qui n'ont plus en commun avec la cathine que la structure chimique de base) qui sont eux très toxiques et peuvent entraîner une dépendance.

À l’instar de la plupart des drogues, l'usage excessif de khat peut conduire à une dépendance. Il peut aussi entraîner des risques d'affections physiques et psychiques chez des personnes par ailleurs en bonne santé. Les personnes qui souffrent déjà d'une affection psychique sont probablement plus vulnérables. Ces risques sont toutefois un peu moins graves que dans le cas de drogues classiques telles que la cocaïne et l'héroïne.

La durabilité très restreinte du khat est également très importante. Une fois cueilli, le khat perd très rapidement ses effets psychoactifs. Contrairement à d’autres drogues d'origine végétale (comme la cocaïne et l'héroïne), c'est la plante elle-même qui est consommée. La plante proprement dite doit passer en fraude en Belgique depuis l'Afrique, ce qui prend aussi du temps et impose des restrictions: de gros volumes de plantes doivent passer en fraude (contrairement à la cocaïne, par exemple, où seul le produit fini pur doit être transporté).

En raison des quantités élevées de feuilles à consommer, de l'instabilité des substances actives et du mode de consommation, le khat ne répond pas aux exigences des usagers de drogues réguliers en Europe. Dès lors, sa consommation s'étendra probablement peu au marché plus large des drogues.

En considérant tous ces facteurs, on peut affirmer que le phénomène du khat dans notre pays est très limité et localisé à certaines communautés et que les effets nocifs (dépendance, toxicité, problématique sociale, etc.) de l'usage de khat restent plutôt restreints.

4) Compte tenu de la consommation très spécifique de la plante de khat (uniquement au sein de communautés ethniques bien déterminées), les consommateurs sont probablement bien informés de la plante. En outre, en raison du mode particulier de consommation, la substance active n'est libérée que lentement, ce qui rend la probabilité d'overdose et de toxicité assez minime.

L'aspect le plus important pour les communautés d'immigrés est fort probablement juridique : certaines de ces personnes peuvent ne pas être au courant de l'interdiction de consommer du khat en Belgique, alors qu'il en va généralement tout autrement dans le pays d'origine.