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Question écrite n° 5-6873

de Nele Lijnen (Open Vld) du 10 aôut 2012

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

Présence d'armes d'origine belge en Syrie - Chiffres - Réexportation - Répercussions sur les futures licences

Syrie
licence d'exportation
arme à feu et munitions
statistique officielle
Arabie saoudite
Qatar
commerce des armes

Chronologie

10/8/2012Envoi question
10/10/2012Réponse

Question n° 5-6873 du 10 aôut 2012 : (Question posée en néerlandais)

Je me réfère à ma demande d'explications précédente au sujet de la présence en Lybie d'armes d'origine belge, des FAL (fusils automatiques légers) de la FN, livrés en 2011 aux rebelles libyens via le Qatar et l'aéroport de Bengazi. Cette information avait déjà été diffusée par « The Guardian ». Je m'inquiète de ces livraisons étant donné que ces armes, en plus de celles livrées antérieurement par notre pays au régime libyen de l'époque, se répandent aujourd'hui massivement dans les pays voisins et font même leur apparition au Mali.

J'apprends aujourd'hui de diverses sources fiables que des FAL d'origine belge produits par la FN circulent en grand nombre parmi les opposants syriens en Syrie. Je dispose de photos attestant de ce constat ; je vous les transmettrai volontiers à titre confidentiel le cas échéant. Les fusils FAL sont l'une des armes les plus répandues dans ce que nous pouvons aujourd'hui appeler la guerre civile en Syrie. Dans un récent communiqué du 13 juillet dernier, l'Agence Reuters parle elle aussi de la présence de milliers de fusils FAL d'origine belge en Syrie. Le Qatar et l'Arabie saoudite ont annoncé en mars 2012 qu'ils fourniraient des armes aux rebelles syriens. Le ministre français des Affaires étrangères a aussi récemment confirmé cette information. Depuis les années septante, notre pays a vendu à plusieurs reprises de grandes quantités d'armes à feu aux deux pays.

Dans ce cadre, je souhaite poser les questions suivantes au ministre :

1) Comment le ministre réagit-il à la présence massive et confirmée par diverses sources d'armes d'origine belge parmi les rebelles syriens ?

2) Au total, combien de fusils FAL de la FN notre pays a-t-il livrés par le passé au Qatar (par l'intermédiaire ou non de succursales étrangères) et à l'Arabie saoudite (par l'intermédiaire ou non de succursales étrangères) ? Pouvez-vous indiquer les dates des livraisons et êtes-vous disposé à communiquer les numéros de séries pour permettre un traçage éventuel ?

3) Concernant les conditions contractuelles de la livraison d'armes de la FN au Qatar et à l'Arabie saoudite pouvez-vous indiquer si des dispositions concernaient le transfert et/ou la vente éventuels à des pays tiers ?

4) Savez-vous si le Qatar et/ou l'Arabie saoudite ont livré des FAL belges ou d'autres armes d'origine belge à des rebelles et/ou des milices au Liban ou en Syrie ?

5) Êtes-vous prêt à demander à notre ambassade sur place si des FAL de la FN et/ou des munitions ont été introduits en Syrie depuis le Qatar ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer ? Dans la négative, pourquoi pas ?

6) Pouvez-vous indiquer de manière très spécifique quelle est la position du gouvernement concernant la livraison d'armes aux rebelles en Syrie par l'intermédiaire du Qatar et/ou de l'Arabie saoudite ? Condamnez-vous ces livraisons ?

7) Notre pays est-il favorable à l'armement des rebelles en Syrie à l'avenir ? Dans la négative, pourquoi pas ? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer ?

8) Êtes-vous prêt à demander au Qatar et à l'Arabie saoudite s'ils ont effectivement livré ou livreront des fusils FAL ou d'autres armes d'origine belge aux rebelles syriens ?

9) Pouvez-vous indiquer quelles répercussions aura la présence effective d'armes d'origine belge en Syrie sur les futures livraisons d'armes aux pays concernés, en l'occurrence le Qatar et l'Arabie saoudite ? Pouvez-vous donner des explications très détaillées ?

10) Pouvez-vous indiquer de manière très détaillée comment, dans les dossiers d'exportation d'armes, notre pays évalue le risque de réexportation vers des pays tiers ? En d'autres termes, quels critères sont-ils utilisés dans ce cadre ?

Réponse reçue le 10 octobre 2012 :

  1. Diverses photos circulent actuellement sur internet qui semblent effectivement confirmer la présence entre les mains de rebelles libyens de fusils FN/FAL. De ces photos et/ou témoignages, il n’est pas possible d’évaluer le nombre d’armes en circulation, on n’en voit généralement que quelques exemplaires, la plupart du temps mêlés à d’autres types d’armes, notamment des AK 47. Je ne dispose d’aucune information permettant de corroborer la présence «massive » d’armes. Je ne suis pas réellement surpris par la présence de fusils FAL en Syrie, vu que ces armes ont été largement exportées et produites sous licence jusque dans les années 80 et qu’elles ont été utilisées dans divers conflits. Certains spéculent que certaines de ces armes proviendraient de Libye, mais je ne dispose d’aucune information à ce sujet autre que ce qui a été publié dans la presse.

  2. L’information fournie par le Service public fédéral (SPF) Affaires économiques, qui était l’organe compétent pour les licences d’exportation d’armes jusqu’en 2003 et qui possède des données depuis 1992, ne mentionne aucune licence d’exportation pour le FN FAL à destination de la Syrie ou du Qatar, ni la livraison d’un lot de pièces d’échange à l’Arabie-Saoudite en 2003. Ces données concernent la période 1992-2003. anciennes livraisons. De plus, le FN FAL a été et est toujours produit sous licence dans une dizaine d’autres pays.

    Je note qu’un journaliste d’investigation qui a enquêté de manière approfondie sur le sujet estime, d’après le numéro de série d’une des armes photographiées, qu’elle a vraisemblablement été produite autour de 1978, ce qui semble confirmer qu’il s’agit effectivement de vieilles armes à une période antérieure aux archives du SPF Economie.

    Le traçage des armes se fait à la demande des autorités onusiennes compétentes ou à la demande des forces de police dans le cadre d’une enquête judiciaire.

  3. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 août 1991 et l’arrêté roayal (AR) de 1993, l’exportation d’armes a systématiquement été soumis à une clause de non-autorisation de réexportation.

  4. Non.

  5. Je ne dispose d’aucune information liant le Qatar à ces armes ni aucune information pouvant laisser supposer que le Qatar ou aucun autre pays client de la FN ait contrevenu à ses obligations en matière de non-réexportation d’armes. Je ne vois donc pas sur quelle base effectuer une demande.

  6. Comme je l’ai déjà indiqué, le gouvernement ne dispose pas d’informations relatives à la livraison d’armes aux rebelles par quelque pays que ce soit. La Belgique ne contribue en rien à de telles opérations.

  7. La Belgique regrette qu’une action ferme et unanime de la communauté internationale envers le régime syrien n’ait pas été possible en raison des blocages du Conseil de sécurité. Notre pays continue à miser sur la pression internationale, et en particulier sur les sanctions financière pour persuader le régime de mettre un terme à la répression sanglante et d’accepter un partage pacifique du pouvoir.

  8. En marge de la rencontre des Amis de la Syrie à Istanbul, j’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères du Qatar. J’ai mentionné notre inquiétude quant à la diffusion incontrôlée d’armes, dont certaines d’origine belge, dans les zones de conflits. Il a pris bonne note de mon message.

  9. Je me réfère à la loi du 5 août 1991 qui énonce à l’article 4,4e, e) « Toute demande de licence d'exportation ou de transit visée au présent titre est rejetée lorsque (…) il existe suffisamment d'indications à l'égard d'un pays destinataire donné (…) qu’il existe un risque grave de détournement de l'équipement à l'intérieur du pays de destination ou que le pays a démontré qu'il ne respecte pas la clause de non-réexportation. »Ceci correspond au critère 7 des Règles européennes Communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d'équipements militaires. Je me réfère également à la compétence des Régions pour l’application de ces règles.

  10. Je ne suis pas compétent pour la politique d’exportation d’armes des régions. Pour les licences d’exportation au niveau fédéral, qui sont encore d’application pour les ventes de la Défense et de la Police Fédérale, le risque de réexportation non-autorisée est défini par rapport à l’état de service, en matière de respect des certificats d’usage, du pays ou de l’entité qui reçoit. Pour cette évaluation, il est fait usage de sources publiques (listes publiées des commerçants et des entreprises condamnées pour commerce illégale d’armes : rapports des panels d’experts de l’ONU ; compte-rendu des ONG, du monde académique et des médias) et de sources non publiques (information provenant des service nationaux de police et de sécurité ; échange d’information entre les pays membres de l’UE dans le contexte du groupe du travail du Conseil, le COARM ; échanges bilatéraux et multilatéraux sur les trafics illégaux d’armes et le détournement d’armes)