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Question écrite n° 5-5728

de Nele Lijnen (Open Vld) du 29 février 2012

au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes

Malawi - Démocratie - Politique

Malawi
situation politique

Chronologie

29/2/2012Envoi question
9/5/2012Réponse

Question n° 5-5728 du 29 février 2012 : (Question posée en néerlandais)

Ces derniers temps, de plus en plus d'organismes signalent que la liberté et la démocratie sont gravement menacées au Malawi. Le pays se dénomme lui-même “le cœur chaud de l'Afrique”, mais cette image se dégrade de plus en plus. Les organismes de défense des droits de l'homme sont attaqués et inculpés. On reproche aux organisations non gouvernementales (ONG) leur manque de transparence et leur financement par des fonds étrangers, ce qui, selon le régime, justifie les enquêtes. Les journalistes sont frappés et poursuivis. Un universitaire qui donnait une conférence sur la révolution égyptienne a été arrêté, privé de liberté et licencié. En vertu de nouvelles lois, des journaux peuvent être démantelés sans raison et la police peut pénétrer dans les maisons sans mandat de perquisition. L'année dernière, au moins 18 personnes ont perdu la vie à la suite de tirs à balles réelles contre des manifestants en train de fuir. Il est clair que la liberté (de la presse) est gravement bridée par le régime. La presse et les organismes critiquent vivement le régime, mais la question est de savoir combien de temps ils pourront encore agir.

Lors de son élection, le président Bingu wa Mutharika était pourtant considéré comme un représentant de la démocratie et de la liberté. Selon les organismes de défense des droits de l'homme, il commence toutefois à se comporter comme un dictateur qui réprime durement toute forme de protestation, de critique ou de changement. Il concentre progressivement les pouvoirs entre ses mains et la Constitution est violée. En principe, Bingu doit abdiquer en 2014, mais selon la presse, il tentera de rester au pouvoir jusqu'en 2016.

J'aimerais dès lors obtenir une réponse détaillée aux questions suivantes :

1) Comment évaluez-vous l'évolution récente du paysage social et politique du Malawi et la position du président ?

2) Cette évolution vous inquiète-t-elle ? Pensez-vous que la démocratie au Malawi est suffisamment forte pour enrayer cette progression vers la dictature ?

3) Quel rôle la Belgique ou l'Europe peuvent-elles jouer dans cette évolution ? Peut-on faire quelque chose pour modérer ce régime autoritaire et ainsi protéger la démocratie ?

4) Savez-vous si des compatriotes agissent au sein des organismes indépendants qui tentent de protéger la démocratie et la liberté ?

Réponse reçue le 9 mai 2012 :

Je partage votre analyse, hormis en ce qui concerne le fait que le président tenterait de remporter un troisième mandat.  Le Président Mutharika a toujours déclaré – et la dernière déclaration remonte à quelques semaines – que cela n’entrait pas dans ses intentions.  Par contre, il tente de pousser la candidature de son frère.  Ce dernier a été désigné comme candidat officiel du Parti démocrate progressiste (DPP) à la présidence.

1) Les développements récents confirment la tendance autoritaire du Président  Mutharika, en particulier depuis sa réélection en mai 2009. Si sa position reste solide, il est confronté à un nombre sans cesse croissant d’opposants, également au sein de son propre parti: 41 membres du DPP ont fondé la « Hope Alliance », qui réclame des réformes. L’opposition traditionnelle reste partagée entre le Parti du Congrès du Malawi (MCP) et le Front démocratique uni (UDF), mais elle fait de plus en plus entendre sa voix. La Vice-Présidente Joyce Banda, toujours très populaire, mise à l’écart par Mutharika au profit de son frère, a fondé son propre parti (« People’s Party »). Au sein de l’UDF, le fils de l’ancien Président Bakili Muluzi, Atupele Muluzi, est également une figure marquante.

2) Malgré les tendances à l’autoritarisme, la presse continue à émettre très librement des critiques à l’égard du Président, tout comme l’opposition (évoqué précédemment). On ne peut dès lors nier que les développements récents sont alarmants, mais jusqu’à présent, le président n’a pas encore réussi à museler les critiques. L’espoir subsiste donc. Les prochaines élections se tiendront en 2014.  Dans l’intervalle, beaucoup de choses peuvent se produire.

3) L’Union européenne est très critique vis-à-vis des dérives du régime.  Le Haut Commissaire britannique a même été déclaré « persona non grata »" en avril 2011 après avoir dénoncé dans un rapport les dérives autoritaires du président. Le Royaume-Uni a réagi à cette expulsion par la cessation de son aide budgétaire. L’aide budgétaire européenne a quant à elle été gelée, le FMI plaçant « off track » la facilité de crédit élargie accordée au Malawi. L’Allemagne a décidé de diminuer de manière drastique sa représentation à Lilongwe. Les États-Unis ont également adopté une position très critique. Le Malawi est fortement dépendant de l’aide au développement occidentale, et surtout de l’aide européenne. Le Président Mutharika cherche à obtenir d’autres appuis – notamment celui de la Chine – mais ils ne suffiront vraisemblablement pas à compenser l’absence d’aide européenne.

4) Le Malawi est un des trois pays partenaires de la coopération flamande au développement, qui est particulièrement active dans les secteurs de la santé et de l’agriculture, mais qui n’accorde pas d’aide à des Organisations non-gouvernementales ou à d’autres organisations de défense des droits de l’homme. 28 Belges seulement sont enregistrés au Malawi et à ma connaissance, aucun n’est actif dans ce domaine.