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Question écrite n° 5-5010

de Bart Tommelein (Open Vld) du 23 décembre 2011

à la vice-première ministre et ministre de l'Intérieur

Maffia italienne - 'Ndrangheta - Pays-Bas - Belgique

mafia
Italie
Pays-Bas
coopération policière
trafic de stupéfiants
blanchiment d'argent
statistique officielle

Chronologie

23/12/2011Envoi question
24/4/2012Réponse

Réintroduction de : question écrite 5-3866

Question n° 5-5010 du 23 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

La 'Ndrangheta, puissante organisation maffieuse de la région italienne de Calabre, est terriblement active aux Pays-Bas et commence même à infiltrer le monde légal, selon des sources policières reprises par le magazine d'information Argos.

Ces sources se basent sur un rapport du « Korps Landelijke Politiediensten » (KLPD). Ce rapport, dont le titre se traduit par « la 'Ndrangheta aux Pays-Bas », a été achevé au mois de juin dernier. D'après ceux qui ont pu le consulter, il décrit non seulement les imbrications entre mondes légal et souterrain, mais signale aussi l'existence de cellules de la 'Ndrangheta qui s'activent à la demande de l'organisation. Selon ces spécialistes, la maffia s'est solidement implantée aux Pays-Bas, et pas uniquement en raison de l'importante quantité de stupéfiants qui y transite. Notre pays joue aussi un rôle important pour la maffia. Les Pays-Bas et la Belgique sont utilisés par la 'Ndrangheta pour le trafic de cocaïne, provenant surtout des ports belges et néerlandais, comme établi par une enquête de la police italienne.

Je souhaiterais une réponse aux questions suivantes :

1. La ministre ou nos services de police ont-ils demandé et obtenu l'accès au rapport du KLPD ? Si non, pourquoi pas ? Si oui, quelles en étaient les principales conclusions et dans quelle mesure valent-elles également pour notre pays ? Nos services de police ont-ils rédigé des rapports sur le même thème ?

2. La ministre peut-elle indiquer le niveau d'activité de la 'Ndrangheta dans notre pays et est-elle au courant d'une enquête de la police italienne à ce sujet ? Dans notre pays, à quel phénomène criminel associe-t-on particulièrement cette organisation ?

3. La ministre peut-elle indiquer combien de membres de la 'Ndrangheta ont été signalés et le cas échéant arrêtés dans notre pays ces trois dernières années ? Peut-elle commenter ces chiffres ?

4. Dans notre pays, y a-t-il des signaux permettant de penser que la 'Ndrangheta essaie d'infiltrer le monde légal et de se lancer dans des opérations de blanchiment ? La ministre peut-elle l'illustrer par des chiffres assortis de commentaires détaillés ?

Réponse reçue le 24 avril 2012 :

1. La police fédérale belge a pris connaissance de l’enquête stratégique menée par le Dienst Nationale recherche (KLPD) en 2011 à propos de la présence de la ‘Ndrangheta au Pays-Bas (“De ‘Ndrangheta in Nederland: aard, criminele activiteiten en werkwijze op Nederlandse bodem;”). En raison de l’expertise présente en matière de maffia italienne, la direction de la lutte contre la criminalité organisée de la police fédérale (FGP/DJC) a apporté sa collaboration à ce projet. D’après les contacts initiaux avec les collègues néerlandais, le rapport semblait uniquement destiné à l’usage interne de la police. Ce n’est que dans un stade ultérieur de l’étude qu’il a été convenu de rendre le rapport public.

La police fédérale dispose d’un exemplaire de cette étude qui n’a jusqu’à présent pas encore été publiée et qui doit même encore être transmise au ministre compétent.

La principale conclusion de ce rapport est que des membres de la ‘Ndrangheta résident effectivement au Pays-Bas et qu’ils sont principalement actifs dans le trafic international de cocaïne et xtc. Rien n’indique la présence d'une implantation d'une famille ou d'une structure de la maffia, bien qu'il soit impossible de l'exclure totalement. La conclusion est identique pour la Belgique.

Dans cette optique, il peut être utile de faire référence à l’enquête de grande ampleur menée par les carabinieri italiens en 2010 (opération « Il Crimine »). Grâce aux résultats de cette enquête, la police italienne a pu définir la structure de la ‘Ndrangheta. Outre une image précise de l'implantation sur le territoire nationale, l'opération a également donné des informations utiles sur l'existence des « sections étrangères ».

Il s’avère ainsi qu’il existe effectivement des « locali » ou des familles maffieuses en Allemagne, Suisse, Canada et Australie. Cette constatation ne vaut pas pour les Pays-Bas et la Belgique.

La direction pour la lutte contre le crime organisé suit le phénomène via l’exploitation et l’analyse des informations policières belges ou des données obtenues via l’étranger. La police fédérale dispose notamment d'un officier de liaison à Rome. La direction ne produit toutefois pas de rapports (stratégiques) relatifs à la criminalité organisée italienne (en Belgique).

2. Le nombre d’enquêtes menées au sujet de la ‘Ndrangheta en Belgique est minime. Les résultats de ces enquêtes confirment toutefois la présence de et les activités criminelles des membres de la ‘Ndrangheta. Il s’agit principalement de personnes impliquées dans le trafic international de cocaïne. Ces informations révèlent également l’importance du port d’Anvers pour l’arrivée de cocaïne en provenance de l’Amérique du Sud.

La contribution de la ‘Ndrangheta dans la criminalité organisée italienne dans notre pays contraste avec les activités de la Cosa Nostra en Belgique.

C’est ainsi que fin des années nonantes, la collaboration avec le service anti-maffia italien DIA (ainsi qu'avec les autres services de police italiens) a été intensifiée via notre officier de liaison à Rome pour déterminer la présence de membres de la maffia dans notre pays. L'analyse des résultats a démontré la présence de plusieurs criminels italiens appartenant au clan 'Ndrangheta ou « Cosa Nostra ». Il faut toutefois souligner que la plupart des maffiosi étaient membres de la Cosca sicilienne. Sur la base de cette collaboration, plusieurs enquêtes ont été lancées au cours des années suivantes à l'encontre de ces personnes et ont abouti à plusieurs extraditions vers l'Italie.

Pour la question relative à l'enquête policière italienne, nous faisons référence à notre réponse sous le point 1. La police belge n'est pas au courant d’autres enquêtes similaires.

3. Ces trois dernières années, aucun membre de la ‘Ndrangheta n’a été arrêté. L’opération la plus récente et la plus importante organisée en Belgique contre la maffia italienne était l’arrestation de Vittorio Pirozzi en août 2010 en raison de son appartenance à la Camorra napolitaine et des activités criminelles qu’il a exercées dans ce contexte.

Les dernières arrestations de membres de la ‘Nrangheta en Belgique datent du 4 février 2005 lorsque les cousins Giorgi Bruno (noms identiques, tous les deux membres du clan Romeo de San Luca) ont été arrêtés à Bruxelles.

Il s'est avéré au cours de l'enquête que six autres membres de la 'Ndrangheta vivaient caché dans notre pays et étaient impliqués dans ce même trafic de stupéfiants. Deux d’entre-eux ont été arrêtés au Pays-Bas et deux en Italie. Les autres criminels sont toujours en fuite et se trouvent probablement dans la zone frontalière entre la Belgique et les Pays-Bas.

4. Nous ne disposons pas d’information fondée en ce qui concerne l’infiltration de la ‘Ndrangheta dans le monde légal. Les chiffres de la cellule du traitement de information financière (CTIF) – chargée de prévenir et/ou détecter l’abus du système financier en vue de blanchir des richesses criminelles – indiquent que des opérations de blanchiment ont peut être lieu via notre pays.

Dans ce cadre, nous souhaitons encore attirer l’attention sur les informations erronées diffusées via les médias nationaux et internationaux (sur base du communiqué de presse du procureur M. Mollace) prétendant que la ‘Ndrangheta aurait blanchi 20 millions d’euro à Bruxelles via le secteur de l’immobilier. Il s’agissait toutefois de transactions financières consistant à échanger des lires italiennes contre de dollars et des florins. Cet argent servirait au paiement de l'achat de cocaïne. Quatre membres de la Ndrangheta ont été condamnés par défaut pour ces faits par le tribunal de Tongres.