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Question écrite n° 5-4972

de Bart Tommelein (Open Vld) du 23 décembre 2011

au vice-premier ministre et ministre des Finances et du Développement durable, chargé de la Fonction publique

Devise électronique - Bitcoins - Non-traçabilité du mode de paiement - Crypto-monnaie - Étude

devise
monnaie électronique
commerce électronique
trafic illicite
traçabilité
bancatique
monnaie virtuelle
Eurosystème

Chronologie

23/12/2011Envoi question
19/3/2012Réponse

Réintroduction de : question écrite 5-3864

Question n° 5-4972 du 23 décembre 2011 : (Question posée en néerlandais)

Les « bitcoins » (BTC en abrégé) sont une monnaie d'une espèce nouvelle. Ils sont entrés en usage en 2009. Contrairement à la plupart des autres monnaies, aucune banque centrale ne garantit la validité des bitcoins. Ils sont basés sur un système gigantesque décentralisé de type pair à pair où les transactions sont « sécurisées » par un procédé crytographique extrêmement puissant.

La faible quantité de bitcoins est une des raisons de l'engouement de ses utilisateurs : le taux de change ne peut être abaissé comme c'est le cas pour une monnaie centralisée où l'on peut faire jouer la planche à billets. On échange quotidiennement l'équivalent de quelque 30.000 dollars pour effectuer toutes sortes d'achats en ligne. Les bitcoins peuvent être utilisés sur l'internet sans passer par un compte en banque, de sorte qu'il est impossible d'assurer la traçabilité des comptes. C'est pour cette raison que les bitcoins sont utilisés pour effectuer des transactions illégales, comme par exemple l'achat en ligne de drogue (exemple : Silk Road ).

Les bitcoins constituent donc une monnaie anarchiste utilisée pour des transactions anonymes. Leur traçabilité est tout à fait impossible. Ils relèvent du concept de crypto-monnaie.

Mes questions sont les suivantes :

1. Le ministre connaît-il ce phénomène de crypto-monnaie et plus particulièrement la popularité des bitcoins comme moyen de paiement sur internet ?

2. Comment évalue-t-il l'impact de ce mode paiement et les possibilités que la crypto-monnaie offre aux marchés illégaux en ligne ? Ce phénomène est-il déjà suivi et dans l'affirmative, par quels services ?

3. A-t-il connaissance de la non-traçabilité et du caractère anarchiste du système décentralisé de type pair à pair et envisage-t-il une enquête plus approfondie en matière de lutte contre ce mode de paiement anonyme ? Peut-il nous l'expliquer de manière détaillée ?

Réponse reçue le 19 mars 2012 :

Les autorités comme la Banque nationale de Belgique et la Cellule de Traitement des Informations financières (CTIF) ont connaissance de l’existence de monnaies virtuelles mais ne connaissent actuellement pas encore bien le fonctionnement des « Bitcoins ». 

Au départ, l’argent virtuel n’était utilisé que dans les mondes virtuels fermés tels que Second Life et RuneScape. Le système convertit une monnaie réelle en monnaie virtuelle. De la sorte, les entreprises impliquées amassent des sommes considérables sans devoir préalablement délivrer un service à cet effet. 

Actuellement, l’on ne dispose pas d’un aperçu du volume d’argent virtuel créé et il n’y a pas de certitude quant au fait qu’il existe une couverture effective pour chaque pièce de monnaie virtuelle en circulation. 

Il est probable que le développement de systèmes virtuels de monnaie augmente encore à l’avenir, et ce en raison de facteurs divers :

Le cadre juridique d’application pour les systèmes virtuels de monnaie tels que celui des « Bitcoins » n’est pas clair. 

Ces systèmes semblent échapper à toute réglementation et ne sont actuellement pas contrôlés. Dès lors, le risque est réel qu’ils soient utilisés à des fins criminelles, de fraude ou de blanchiment. En  2006 déjà, le Groupe d’Action financière (GAFI), l’organe intergouvernemental pour la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération d’armes de destruction massive, avait déjà publié un premier rapport intitulé « Report on New Payment Methods » qui faisait une évaluation du risque de blanchiment pour les différents systèmes de paiement. En 2008, la CTIF a dirigé un groupe de travail du GAFI qui s’est spécifiquement intéressé aux systèmes de paiement par internet. À ce moment, le monde virtuel « Second Life » était très populaire et le groupe de travail a analysé la vulnérabilité de sites web de jeux ou d’autres sites web commerciaux face au blanchiment ou au financement du terrorisme (« Money Laundering & Terrorist Financing Vulnerabilities of Commercial Websites and Internet Payment Systems »). Enfin, en 2010, le GAFI a actualisé la première étude de 2006 dans le rapport « Money Laundering using New Payment Methods » qui s’est intéressé aux cartes de débit prépayées, aux paiements par gsm et aux systèmes de paiement par internet. À la suite de cette dernière étude et sur la base des annonces du secteur financier, le Cellule de Traitement des Informations financières (CTIF) a analysé la situation en Belgique à la fin 2011 au niveau des nouveaux systèmes de paiement. Pour cette analyse, une collaboration a eu lieu avec les services « DJF Ecofin » et « DJP Terrorisme et Sectes » de la Police judiciaire fédérale. 

Le caractère illégal et obscur des « Bitcoins » attire les blanchisseurs d’argent mais constitue simultanément un frein au blanchissement de capitaux à grande échelle. Dès lors, les « Bitcoins » peuvent être utilisés pour faire circuler les fonds (deuxième stade du blanchiment), mais pour pouvoir les réinvestir dans l’économie légale (troisième stade du blanchiment), ils doivent à nouveau être convertis de monnaie virtuelle en monnaie réelle. La transformation de montants élevés en « bitcoins » et leur apport dans le système financier légal devrait, à cause de la réputation douteuse du système de paiement en ligne, donner lieu à une prudence accrue. Pour l’instant, il n’y a pas d’indications que le système de commerce par internet  par le biais de « bitcoins » ou qu’un autre système de paiement en ligne soit utilisé à grande échelle pour blanchir des capitaux. 

L’un des défis les plus importants est le fait que ces systèmes dépassent les frontières nationales, et qu’il est difficile de déterminer où le système est localisé (et de quelle juridiction il relève). C’est pourquoi il est essentiel de travailler au niveau international, pas uniquement au niveau de l’Union européenne mais aussi avec des pays tels que la Chine et les États-Unis, où ces systèmes sont en expansion rapide. 

La CTFI continuera à suivre de près l’évolution des nouveaux moyens de paiement et des systèmes de paiement par internet et elle est activement impliquée dans les différentes initiatives internationales relatives à ce sujet, entre autres auprès du GAFI. La Banque nationale de Belgique a pour objectif de suivre les évolutions dans ce domaine, notamment par l’échange d’informations avec la Banque centrale européenne et les autres banques centrales de l’Eurosystème. La Banque nationale de Belgique pense qu’actuellement, ce type de système ne constitue pas de risque grave pour ce qui concerne la stabilité des prix et qu’il ne compromettra pas la stabilité financière. 

Des projets sont élaborés au niveau européen pour aborder cette problématique lors de la prochaine réunion du comité de paiement, organisée par la Commission européenne.