Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 5-4332

de Claudia Niessen (Ecolo) du 23 décembre 2011

à la vice-première ministre et ministre de l'Intérieur

Le contrôle ciblé des manifestants allemands par la police belge durant la manifestation " Stop Tihange " du 17 septembre 2011

police
liberté d'expression
Allemagne
droit de manifester
centrale nucléaire
contrôle de police
protection de la vie privée
données personnelles

Chronologie

23/12/2011Envoi question
28/3/2012Réponse

Requalification de : demande d'explications 5-1268

Question n° 5-4332 du 23 décembre 2011 : (Question posée en français)

La manifestation anti-nucléaire " Stop Tihange " avait lieu samedi, le 17 septembre 2011 devant la centrale nucléaire de Tihange. Il s'agissait du premier rassemblement anti-nucléaire eurégional depuis 1982.

Le réseau belge " Nucléaire Stop " et l'alliance allemande " Aktionsbündnis gegen Atomkraft Aachen " ont lancé l'appel de participation pacifique à cette journée de résistance transfrontalière au nucléaire. Toutes les organisations non-gouvernementales ainsi que tous les manifestants ont respecté cette demande.

L'objectif de cette manifestation était la fermeture dès que possible et au plus tard dans le respect du calendrier prévu dans la loi de 2003 des trois plus vieux réacteurs belges (Tihange 1, Doel 1 et 2), ensuite des quatre autres réacteurs en activité sur le territoire.

Etant donné l'intérêt transfrontalier d'une sortie de l'énergie nucléaire, l'organisation de cet événement s'est réalisée sur la base d'une coopération entre organisations belges, allemandes et néerlandaises. En conséquence, le public était également d'origine internationale.

Selon les médias, plus que 2 000 personnes ont participé au cortège et ensuite à la manifestation devant la centrale nucléaire de Tihange.

Il est évident que la police se doit d'être présente durant une telle manifestation afin de garantir la sécurité des participants. Cependant, certains manifestants ont observé des agents de police effectuer des contrôles d'identité - en ciblant principalement des manifestants allemands. Ces derniers étaient facilement reconnaissables grâce à leur matériel.

La police fédérale a par ailleurs profité de la situation pour réaliser des photos des manifestants.

Suite à une intervention de ma part auprès des agents de police en service, ils ont refusé de dévoiler les objectifs des contrôles d'identités et de la prise des photos des manifestants.

C'est pourquoi je souhaite vous interroger.

Madame la Ministre, on peut en effet se demander si la mission policière avait reçu comme consigne de contrôler particulièrement des manifestants allemands et de photographier les manifestants.

En ce qui concerne ces photos, j'aimerais connaître l'objectif de cette prise, si elles ont été saisies en vue d'être ajoutées à une banque de données. Dans le cas d'une réponse affirmative, si des chercheurs nationaux ou internationaux ont accès à cette banque de données, quel traitement leur sera réservé (comparaison avec des coordonnées provenant des réseaux sociaux afin de déterminer les identités des gens représentés par exemple) et si elles seront supprimées après leur traitement.

Plus fondamentalement, il faut s'interroger afin de savoir si de telles mesures ne limitent pas le droit à l'expression libre et ne contribuent pas à criminaliser des manifestants pacifiques et ne nuisent pas à l'anonymat des citoyens.

Madame la Ministre, pourriez-vous d'une part nous préciser les missions précises de la policière fédérale présente lors de la manifestation à Tihange et, si à côté de la police fédérale, d'autres services de sureté de l'Etat étaient présents, le cas échéant avec quelles missions ?

D'autre part, pourriez-vous nous éclairer sur les modalités précises d'utilisation des photographies capturées lors de cette manifestation ?

Réponse reçue le 28 mars 2012 :

  1. Une manifestation anti-nucléaire a eu lieu le 17 septembre dernier à Huy sur un itinéraire très proche de la centrale nucléaire de Tihange. Eu égard à la publicité réalisée par les organisateurs, des participations annoncées de divers groupements et principalement de l’objet même de la manifestation, un service d’ordre a été mis sur pied par la zone de police de Huy en collaboration et coordination avec la police fédérale. Conformément à la loi du 21 mars 2007 réglant l’installation et l’utilisation de caméras de surveillance, une notification de l’utilisation de caméras de surveillance mobiles dans le cadre des grands rassemblements a été introduite préalablement auprès de la Commission de protection de la vie privée. En ce qui concerne la prise de photographies, la directive commune MFO-3 du 14 juin 2002 des ministres de la justice et de l’Intérieur relative à la gestion de l’information de police judiciaire et de police administrative prévoit que cette mesure peut être réalisée quand des groupements qui peuvent constituer ou occasionner une menace grave ou organisée contre l’ordre public participent à l’événement, ce qui était le cas. Aucune consigne particulière n’a été donnée pour assurer un contrôle systématique des manifestants et encore moins à l’égard des participants allemands.

  2. Dans le cas d’une réponse affirmative, si des chercheurs nationaux ou internationaux ont accès à cette banque de données, quel traitement leur sera réservé (comparaison avec des coordonnées provenant de réseaux sociaux afin de déterminer les identités des gens représentés par exemple) et si elles seront supprimées après leur traitement ? Si certains participants ont fait l’objet d’un contrôle particulier, c’est parce qu’à un moment, ils ont commencé à secouer les grilles de l’entrée principale de la centrale nucléaire de TIHANGE et à provoquer les gardiens G4S qui se trouvaient à l’intérieur des installations. Ce n’est que par la suite qu’il a été déterminé que ces sujets étaient de nationalité allemande. Le contrôle se situait donc bien dans le cadre de l’article 34, §1er de la loi sur la fonction de police qui autorise entre autres les services de police à contrôler l’identité de toute personne s’ils ont des motifs raisonnables de croire, en fonction de son comportement, d’indices matériels ou de circonstances de temps et de lieu, qu’elle se prépare à commettre une infraction ou qu’elle pourrait troubler l’ordre public. Aucun fait constitutif d’une infraction ou d’un trouble à l’ordre public n’ayant finalement été constaté, les images ne seront pas conservées au-delà du délai légal prescrit d’un mois, aucune photo ne sera ajoutée à la banque de données nationale générale des services de police.

  3. La gestion policière de l’événement doit être vue dans le cadre de référence global que j’ai fixé dans ma circulaire CP4 du 11 mai 2011 concernant la gestion négociée de l’espace public pour la police intégrée, structurée à deux niveaux.

    Vous verrez que cette circulaire met au cœur de ses objectifs le respect des droits et libertés fondamentaux, en particulier la liberté d’expression et la liberté de réunion. La prise d’images et de photos dans le cadre légal et réglementaire fixé ne constitue nullement un frein à l’exercice de ces deux libertés. Au contraire, cette mesure contribue pour ce type d’événements à ce que le risque d’incidents causés par quelques-uns soit aussi réduit que possible et que les participants puissent exercer leurs droits dans des conditions de sécurité conformes aux attentes de tous, dans une ambiance bon enfant.

  4. Pour la gestion de cette manifestation, la police fédérale n’avait pas de mission spécifique mais est venue renforcer le dispositif général qui visait l’encadrement de la manifestation, la protection du site de la centrale nucléaire et la régulation de la circulation aux abords de l’événement.

    Quant à la présence ou non de la Sûreté de l’Etat lors de l’événement, je ne peux que vous renvoyer à mon collègue de la Justice.

  5. Il a été répondu à cette question plus haut.