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Question écrite n° 5-356

de Bert Anciaux (sp.a) du 27 décembre 2010

au ministre de la Justice

Secte brésilienne - Igreja Universal do Reino de Deus (IURD) - Activités en Belgique

secte religieuse
Brésil
blanchiment d'argent

Chronologie

27/12/2010Envoi question
21/2/2011Réponse

Question n° 5-356 du 27 décembre 2010 : (Question posée en néerlandais)

En 1996 déjà, j'avais posé une question au Sénat sur la secte brésilienne controversée Igreja Universal do Reino de Deus (IURD) ou Église universelle du Royaume de Dieu. À l'époque, cette organisation s'était établie en Belgique et la commission d'enquête parlementaire sur les sectes devait encore rédiger son rapport.

L'Église universelle du Royaume de Dieu, fondée en 1977 par Edir Macedo, est très proche du mouvement Pentecôtiste. Comme ce dernier, l'Église universelle du Royaume de Dieu se développe rapidement. Au niveau mondial, cette « église » compterait déjà plus de sept millions d'adeptes, aurait des implantations dans 162 pays, posséderait son propre parti politique et une chaîne de télévision au Brésil.

Les critiques concernant le mouvement ne cessent toutefois d'affluer. De nombreux pays surveillent étroitement son évolution. Dans certains cas, on est effectivement intervenu contre elle. Au Brésil, pays d'origine, une action en justice est actuellement en cours contre le fondateur, Edir Macedo, et neuf de ses collaborateurs pour fraude et blanchiment d'argent. Des fonds destinés à des actions de bienfaisance seraient utilisés à des fins d'enrichissement personnel et de développement du mouvement religieux. Des dossiers judiciaires antérieurs portaient également sur le blanchiment, la contrebande et la fraude à grande échelle. Compte tenu du caractère international de ces délits, Interpol a déjà mené plusieurs enquêtes sur le mouvement.

J'ai déjà posé, en 1996, la question de savoir comment cette organisation pouvait, si rapidement après sa création, débourser 200.000 francs belges pour la location de l'ancien cinéma Rubens. Cette question reste actuelle à moins qu'il ne s'agisse d'une « modeste » association sans but lucratif (asbl). À cet égard, on présume que la branche belge de la secte brésilienne bénéficie d'un sponsoring de l'étranger. On est en droit de se demander si les activités de l'Église universelle du Royaume de Dieu en Belgique ne sont pas financées par de l'argent criminel provenant de l'étranger ?

Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les sectes parle d'une authentique organisation criminelle qui n'aspire qu'à son enrichissement personnel. Cela a été clairement qualifié de forme extrême de mercantilisme religieux. Bref, cette Église universelle du Royaume de Dieu prétend que le royaume de Dieu se développe sur terre et offre toutes sortes de solutions pour tous les maux imaginables, dépression, chômage, problèmes familiaux et financiers. Partant de la devise « qui donne reçoit », on promet aux fidèles que leurs voeux seront exaucés en contrepartie d'une généreuse donation.

L'IURD n'était pas très heureuse de la description figurant dans le rapport de la commission d'enquête. C'est pourquoi trois de ses administrateurs ont assigné l'État en justice. La Cour d'appel de Bruxelles a donné raison à l'IURD mais par la suite, cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation (C.05.0494.N/1). L'affaire a de nouveau été renvoyée à la Cour d'appel de Gand et, selon mes informations, elle y est toujours en cours.

Enfin, je souhaite me référer au signal d'alarme donné en juin 2008, via la presse, par le Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN) et qui met clairement en lumière les dangers de ce nouveau mouvement Pentecôtiste. Selon ce centre notoire, cette organisation qui doit être carrément classée comme secte, porte surtout préjudice aux communautés africaines et sud-américaines de notre pays. Ces communautés sont également les groupes cibles de prédilection de l'IURD au niveau mondial.

Comme je me préoccupe au plus haut point de la présence de ce mouvement, je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes:

1) Le ministre peut-il me donner des précisions sur l'action en justice intentée par l'IURD ? Quelles conséquences un jugement rendu en faveur de l'IURD aurait-il ?

2) L'IURD est-elle encore surveillée par le CIAOSN et/ou la Sûreté de l'État ? Une enquête a-t-elle déjà été menée sur la situation financière du mouvement ? Des enquêtes sont-elles encore en cours sur le mouvement ?

3) Le ministre peut-il me décrire les activités en Belgique ? Peut-il me donner des informations sur la présence des membres dans notre pays, par exemple sur leur nombre et sur les lieux d'implantation ?

4) Est-il au courant des nombreuses enquêtes judiciaires à l'étranger ? Est-il au courant de l'enquête d'Interpol ? Existe-t-il une coopération internationale en la matière ?

Réponse reçue le 21 février 2011 :

1) En Belgique, la seule affaire judiciaire impliquant l’Église Universelle du Royaume de Dieu dont nous ayons connaissance est celle qui oppose depuis 1998 l'a.s.b.l. Universele Kerk van het Koninkrijk Gods et trois de ses administrateurs à l’État belge (par voie de citation de la Chambre des représentants en la personne de son Président).

le 24 juin 1998, l'a.s.b.l. Église Universelle du Royaume de Dieu et trois de ses administrateurs ont assigné en justice l’État belge par voie de citation de la Chambre des représentants en la personne de son Président.

L’a.s.b.l. estimait que les affirmations la concernant qui étaient incluses dans le rapport d’une commission d’enquête parlementaire sur les sectes donnaient d’elle une image erronée. Elle estimait en outre que la commission avait fait preuve de négligence en la matière.

Le 2 novembre 2000, le Tribunal de première instance de Bruxelles a déclaré ces demandes irrecevables.

Ce jugement sera annulé le 28 juin 2005 par la Cour d’appel de Bruxelles. Cette dernière évaluant le texte du rapport en fonction de l’autorité spécifique qui émane de l’auteur, de l’objectivité que le document s’est lui-même attribué et de l’objectif direct d’information du public, a estimé que celui-ci exposait les appelants au mépris public et les associait à des activités criminelles et à des comportements répréhensibles.

Pour la Cour d’appel, cette atteinte à l'image sociale d'une association, résultant de la négligence du rapport, constituait un dommage établi, certain et non patrimonial. Dès lors, elle a ordonné :

- la diffusion d’une communication publique, dans deux quotidiens, d’un extrait de l’arrêt constatant la faute commise dans le rapport ;

- l’indemnisation du dommage moral estimé à un euro pour chaque appelant.

Le 1er juin 2006, invoquant l’immunité absolue des parlementaires et du parlement en tant qu’institution, la Cour de cassation a cassé cet arrêt de la Cour d’appel « sauf en tant que les juges d’appel ont déclaré l’appel recevable » . La cause, ainsi limitée, a été renvoyée devant la cour d’appel de Gand qui statuera le 1er décembre 2011.

2) Depuis sa création en 1998, le Centre a porté un intérêt considérable au groupe Église Universelle du Royaume de Dieu – ne cessant d’enrichir sa documentation au sujet de ce groupe - non pas tant en raison du nombre de demandes qu’il suscite mais par suite de :

1 l’affaire judiciaire opposant depuis 1998 l'a.s.b.l. Église Universelle du Royaume de Dieu et trois de ses administrateurs à l’État belge (par voie de citation de la Chambre des représentants en la personne de son Président) ;

2 l’exemple ostensible qu’il offre du développement de la « théologie de la prospérité » au sein des mouvements pentecôtiste et néo-pentecôtiste.

À l’occasion du Xième anniversaire de la loi du 2 juin 1998 portant sa création, le CIAOSN a organisé le vendredi 6 juin 2008 au Parlement fédéral, un colloque dont le propos était de s’interroger sur la situation alors du paysage sectaire en Belgique - et partant les mutations intervenues depuis 1998 ; cela en s’appuyant sur des exemples de pratiques observables au sein d’une mouvance religieuse en plein essor ; ce qu’il est convenu d’appeler la religiosité néo-pentecôtiste africaine sur le territoire belge.

L’étude des demandes d’information et des interpellations enregistrées par le CIAOSN, si celles-ci ne peuvent en elles-mêmes prétendre être le baromètre du sectarisme en Belgique et -a priori- ne permettent en aucun cas de conclure à la nocivité des groupes qui en sont le sujet, laissaient apparaître depuis quelques années une nouvelle tendance dans le questionnement de la population. En témoignait l’accroissement constant et significatif des appels concernant la pratique du néo-pentecôtisme au sein de la population migrante du Sud qui représentent actuellement +/- 15 % des demandes totales.

Au cours de ce colloque, trois interventions ont été directement consacrées au thème de la « théologie de la prospérité » et l’une d’elle à l’Église Universelle du Royaume de Dieu (cf. programme en pièce jointe). Il s'agissait ici de débattre du pouvoir d’attraction et du degré de pénétration de la doctrine de la prospérité en tant qu’accès au salut ici et maintenant, en se focalisant sur le pouvoir miraculeux qui agirait sur l'individu sur les plans de la santé et des biens matériels.

D’une part voir en quoi les promesses de conservation ou de rétablissement de la santé par la prière, passant par l’organisation d’un ensemble de pratiques et de représentations autour des origines de la maladie et des conduites thérapeutiques, parce qu’elles peuvent déterminer l’attitude qui va être prise par les fidèles, peuvent, ou non, se révéler susceptibles d’entraîner des pratiques contraires au principe selon lequel un individu devrait ne pas s’interdire de suivre le traitement ayant le plus démontré son efficacité pour contrer la maladie ; d’engendrer une attitude méfiante ou peu coopérative avec le corps médical.

D’autre part considérer les difficultés (précarité économique notamment) qui pourraient résulter du conditionnement de l’accès à la « vie abondante » lorsqu’il s’agit pour le fidèle, afin d’obtenir les succès promis sur les plans physique, matériel ou spirituel, d’exécuter préalablement sa part du contrat et d’amener la preuve de sa confiance en Dieu en donnant.

Concernant la situation patrimoniale du groupe, les sources ouvertes nous apprennent que l’Église Universelle du Royaume de Dieu réunit un patrimoine considérable : 10 000 temples qui sont souvent des endroits prestigieux (comme le cinéma Rubens à Anvers), 62 stations radios, 16 chaîne de télévision (dont les deux plus connue sont TV-Record troisième chaîne nationale au Brésil et Mulher), plusieurs bimensuels ou hebdomadaires (comme La Folha Universal), deux imprimeries (Edito Grafica Universal et Ediminas S/A), une maison d'édition (Universal Produçoes), une compagnie d'assurance (Uni Corretora), une entreprise de construction (Unitec), un studio d'enregistrement (Frame), une banque (Banco do Credito Metropolitano), une fabrique de meuble, une agence de voyage (New Tour) ainsi que plusieurs holdings financiers, parfois établis dans des paradis fiscaux (Invest Holding, Cable Invest, LM Consultoria ltda). Ce patrimoine acquis grâce aux dons des fidèles a poussé certains à donner à l’Église Universelle du Royaume de Dieu le surnom de "multinationale de la foi" ou de "pieuvre" en référence à son expansion constante. Ces sources évaluent à un milliard de dollars le flux financier annuel.

3) En Belgique, la première implantation de l’Église Universelle du Royaume de Dieu reconnue publiquement date de 1995 quand elle est enregistrée en tant qu’a.s.b.l. (n° 2362295). Son siège social est installé au n°15 de la Carnotstraat à 2060 Anvers. Surtout présente dans cette ville, on trouve également deux autres lieux de réunion.

L’Église Universelle du Royaume de Dieu organise donc actuellement ses cultes aux trois adresses suivantes :

- Chaussée de Wavre 29 – 1050 Ixelles;

- Carnotstraat 15 – 2060 Antwerpen;

- Dendermondstesteenweg 57A – 9000 Gent.

Il semble cependant que la gestion journalière, et donc financière, de l'a.s.b.l. se fasse à partir d’Ettelbrück (Grand Duché du Luxembourg).

Le nombre de fidèles en Belgique n'est pas connu avec certitude, la seule information chiffrée précise dont nous disposons est que le premier office religieux à Anvers, dans le cinéma Rubens, a rassemblé 350 personnes (fidèles ou curieux).

Il est à noter que l’Église Universelle du Royaume de Dieu est affiliée à het Verbond van Vlaamse Pinkstergemeenten in België (VVP), et par conséquent se rattache au Conseil Administratif du Culte protestant-évangélique ( organe administratif du culte protestant reconnu par l’autorité civile belge) via l’Evangelische Alliantie Vlaanderen.

4) D’après les sources ouvertes dont nous disposons, l‘Église Universelle du Royaume de Dieu et ses représentants auraient fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires, notamment au Brésil au cours des années 1990 et 2000.

À ce stade, deux enquêtes en particulier retiennent notre intérêt :

– l’inculpation, le 11 août 2009, par le parquet de l'État de Sao Paulo d’E. Macedo, ainsi que de neuf autres personnes liées au groupe pour association de malfaiteurs et de blanchiment d'argent ;

– le jugement annoncé pour le 12 janvier 2011 dans l’affaire opposant le ministère public de Sao Paulo à Edir Macedo, Ester Eunice Bezerra, senador Marcelo Crivella, Sylvia Crivella, TV Record de Rio Preto S/A, TV Record de Franca S/A e Rádio Record S/A (Canal 7 de São Paulo) et autres , affaire concernant l’achat de Rede Record.

Afin de pouvoir remplir au mieux ses missions, le CIAOSN se doit de maximiser son accès aux informations concernant ces affaires judiciaires. Il le fait par le biais des échanges réguliers qu’il entretient avec divers organismes belges et étrangers en charge de l’étude du phénomène sectaire. Ne disposant malheureusement pas d’un Centre homologue au notre au Brésil, nous avons pris l’initiative d’un contact avec l’ambassade de Belgique au Brésil afin d’accéder à des informations complémentaires fiables (copie pour le Service public fédéral (SPF) Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement – DG affaires bilatérales – B1.6 « Amérique Latine et caraïbes » - ATTN : M. K. Rouvroy, ministre plénipotentiaire – Rue des Petits Carmes 15 – 1000 Bruxelles).