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Question écrite n° 4-6350

de Paul Wille (Open Vld) du 23 décembre 2009

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale

Cellules souches - Banque de sang privées - Manque d'informations et perception erronée - Mesures

cellule souche
Agence fédérale des médicaments et des produits de santé
transfusion sanguine

Chronologie

23/12/2009Envoi question (Fin du délai de réponse: 25/1/2010)
17/2/2010Réponse

Question n° 4-6350 du 23 décembre 2009 : (Question posée en néerlandais)

Des organismes comme Stichting Cryo-Save, Cells4health, Cells4life ou Stamcelbank Nederland font une large publicité pour la congélation, contre paiement, de cellules souches de moelle osseuse et de sang de cordon ombilical. Dans différents journaux paraissent des annonces à l'intention des femmes enceintes. Il est étonnant qu'aux Pays-Bas deux tiers des cabinets d'obstétrique soient disposés à collaborer à la conservation contre paiement de sang de cordon ombilical pour un usage personnel. En Belgique, trois quarts des personnes interrogées, tant dans la population que parmi les médecins, estiment qu'elles doivent avoir le droit de conserver leurs propres cellules souches lors de la naissance.

Dans la plupart des pays européens existe une banque de sang de cordon ombilical qui procède à la conservation de cellules souches de sang de cordon ombilical à usage public. En Belgique, cette banque de sang se trouve à Louvain, sous la direction de M. Marc Bogaerts. La conservation de sang de cordon ombilical dans cette banque ne coûte rien au patient. Le sang est disponible gratuitement pour celui qui en a besoin. Les banques de sang privées demandent des sommes importantes pour congeler et conserver du sang de cordon ombilical. Si, à l'avenir, des organes ou des fonctions vitales ne fonctionnaient plus, les cellules congelées seraient disponibles pour réparer les organes. Les inconvénients ne sont pas mentionnés dans les somptueuses brochures. La collecte aseptique de sang de cordon ombilical n'est pas si simple.

1. Combien y a-t-il de donneurs en Belgique ? Comment sont-ils enregistrés ?

2. Est-il exact qu'une partie du monde médical interrogé estime que le droit à la conservation de cellules souches doit être soutenu ? Dans l'affirmative, la ministre peut-elle étayer cette attitude par des chiffres ? Pourquoi en est-on autant partisan dans les soins de santé ? Partage-t-elle l'opinion suivant laquelle le recyclage scientifique lacunaire des médecins et l'information insuffisante des femmes enceintes par la Santé publique en sont la cause principale ? Dans l'affirmative, a-t-elle déjà accompli des démarches pour informer correctement ces groupes ? Est-elle disposée à faire un effort sur ce plan ?

3.Que pense-t-elle des promesses de ces organismes privés selon lesquels, si des organes ou des fonctions vitales ne fonctionnaient plus à l'avenir, les cellules congelées sont disponibles pour réparer les organes ? Partage-t-elle l'avis que de tels arguments unilatéraux, sans indication des inconvénients, entraînent une perception complètement faussée ? Quels avantages ou utilités de ces cellules souches sont-ils entre-temps scientifiquement prouvés ?

4. Que pense la ministre des banques de sang privées qui congèlent des cellules souches de sang de cordon ombilical contre paiement, dans l'espoir de pouvoir les utiliser ultérieurement pour guérir diverses maladies de l'enfant ? Quelle est l'attitude de l'Europe à cet égard ?

5. A-t-elle un aperçu de telles initiatives (privées et publiques) en Belgique ? En quoi la banque de sang de cordon ombilical de M. Bogaerts et les initiatives privées diffèrent-elles ? Quelles sont les différences en matière de prix pour la conservation, l'offre au patient, la méthodologie ?

6. Combien ces banques de sang demandent-elles pour conserver des échantillons ? Comment le contrat est-il rédigé ? Quelles garanties sont-elles offertes ? Quel bénéfice ces laboratoires espèrent-ils obtenir par échantillon ?

7. Est-il exact que ces organismes privés réalisent d'importants bénéfices parce qu'ils ne sont pas tenus, comme les institutions publiques, de faire réaliser d'onéreux typages de tissus ? La ministre approuve-t-elle cette situation ?

Réponse reçue le 17 février 2010 :

Le sujet des cellules souches et du sang de cordon ombilical que vous évoquez au travers de votre série de questions est un sujet important pour la Société. Il a déjà fait l’objet d’un large débat parlementaire avant l’adoption de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’obtention et à l’utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique. Cette dernière est entrée en vigueur au 1er décembre 2009 et l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé est chargée de son exécution. Un arsenal législatif composé essentiellement d’arrêtés royaux, tous du 28 septembre 2009, est paru au Moniteur belge du 23 octobre 2009. D’autres sont encore en chantier en particulier celui concernant le sang de cordon.

Les spécialistes du domaine, essentiellement des hématologues belges de renommée internationale s’accordent à dire que les établissements qui conserveraient du sang de cordon ombilical ou des cellules souches hématopoïétiques doivent le faire dans un but essentiellement allogénique. Cela implique que les échantillons conservés dans ces banques publiques soient mis à disposition en vue de transplantation allogénique, c'est-à-dire pour un autre patient que le donneur. Ces banques publiques sont localisées au sein de nos institutions hospitalières universitaires et ne peuvent avoir d’activités à but lucratif. Ces banques sont affiliées à de larges réseaux internationaux avec d’autres banques publiques. Elles sont ouvertes pour tous au niveau national et international sur base de principes de solidarité universelle.

Le droit de conserver des cellules souches provenant du sang de cordon ombilical pour une utilisation différée et autologue n’est pas remis en question, quand le projet est médicalement justifié et validé. Toutefois il importe de signaler que les indications médicales actuellement validées pour une utilisation autologue sont très limitées. De plus, dans la majorité des maladies qui entrent en ligne de compte pour une greffe de cellules souches il est préférable d’utiliser des cellules provenant d’un autre donneur et donc de procéder à une greffe allogénique. Ces techniques médicales font partie des protocoles validés et classiquement appliqués.

L’utilisation autologue différée de plusieurs années de cellules souches du sang de cordon ombilical fait encore l’objet de recherches. Des banques dites privées, commerciales, proposent leurs services contre financement préalable pour la période de conservation (de 2 000 euros pour 20 ans de conservation, à 1 500 euros + 150 euros par an). Il importe que les parents souhaitant entamer la conservation de sang de cordon de leur nouveau-né soient parfaitement informés de toutes les implications et des toutes les limitations des techniques de conservation actuelles. De plus, il est bon de rappeler que les cellules souches présentes dans le cordon sont essentiellement à visée hématopoïétiques, les autres sont souvent en trop petite quantité pour une autre utilisation. Par ailleurs, les techniques actuelles permettent d’isoler des cellules souches à partir de la moelle osseuse, du sang périphérique ou d’autres sources comme le tissu adipeux ou la peau. Enfin, il faut rappeler que bon nombre de traitements revendiqués pour le sang de cordon ombilical s’adressent à des maladies dégénératives apparaissant après la cinquantaine, ce qui dépasse la durée de conservation initialement proposée. Il est également quasi impossible d’anticiper ce que seront les thérapies disponibles dans le futur !

La loi du 19 décembre 2008, avec ses arrêtés royaux d’application, prévoit que tous les établissements qui conservent du matériel corporel humain, en ce inclus les cellules souches et le sang de cordon ombilical, doivent avoir obtenu un agrément auprès de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé. La loi belge résulte de la transposition de Directives européennes. Les mêmes principes sont ainsi appliqués dans toute l’Europe.

L’AFMPS est chargée de faire respecter les modalités prévues par la loi. Les établissements qui conservent du sang de cordon ombilical, qu’ils soient publics ou privés, devront non seulement répondre aux mêmes standards de qualité mais aussi mettre à disposition du plus grand nombre les prélèvements de sang de cordon ombilical détenus pour un usage allogénique. Ces établissements feront l’objet d’une inspection préalable à l’octroi de l’agrément. La nouvelle loi comble aussi un vide juridique en ce qui concerne les établissements privés qui conservaient du sang de cordon ombilical, et pour lesquels aucune législation pertinente n’était applicable. Ce vide juridique était la conséquence de l’annulation en 2005 d’un arrêté royal du 23 décembre 2002.

En Belgique il existe un registre qui collecte les informations venant de banques publiques de cellules souches hématopoïétiques et de sang de cordon ombilical, il s’agit du Marrow Donor Program Belgium – Registry. Son rapport annuel de 2008 renseigne que 6705 sang de cordon ombilical étaient conservés en 2008 dans les banques de sang de cordon. Par ailleurs, à la fin 2008 on comptait 47 477 donneurs de moelle osseuse dont 50% étaient typés pour les groupes tissulaires (HLA). Le rapport annuel est disponible en ligne via le site de la Croix rouge de Belgique. Les activités du registre sont actuellement financées en grande partie par l’Institut national de maladie-invalidité (INAMI).

Pour terminer, je voudrais rappeler que le plan cancer mis en place a prévu un financement de banques de cellules souches hématopoïétiques et de sang de cordon ombilical. Ce financement vise à rencontrer une revendication légitime et à soutenir l’action de ces banques publiques à visée allogénique. La conservation du sang de cordon ombilical se fait gratuitement dans ces établissements. Au total une douzaine d’établissements bénéficient de ce financement.