Version à imprimer bilingue Version à imprimer unilingue

Question écrite n° 4-5681

de Bart Tommelein (Open Vld) du 7 décembre 2009

au ministre de la Justice

Cellule multidisciplinaire hormones - Dopage humain - Faibles chances d'arrestation - Rôle de la douane

dopage
trafic illicite
commerce électronique
douane
hormone

Chronologie

7/12/2009Envoi question (Fin du délai de réponse: 8/1/2010)
18/3/2010Réponse

Réintroduction de : question écrite 4-4483

Question n° 4-5681 du 7 décembre 2009 : (Question posée en néerlandais)

Le rapport annuel de la Cellule multidisciplinaire hormones comprend un passage inquiétant concernant le dopage humain et le trafic de ces produits via l'internet. Je cite: « L'ampleur que prend l'importation de produits illégaux est inconnue. Les contrôles douaniers ne portent que sur la circulation extracommunautaire de biens, si bien qu'il est difficile de se faire une idée de la situation au niveau intracommunautaire. La douane effectue des contrôles sur des échantillons en provenance des pays tiers mais, pour les auteurs, le risque de se faire prendre est toutefois limité. Etant donné que ces contrôles sont manuels, il est impossible de les intensifier et, a fortiori, d'accroître les chances d'arrêter les auteurs ».

Il s'agit pourtant d'un imposant trafic. Les quelques éléments qui font surface montrent que les marges bénéficiaires sont énormes. La valeur marchande d'un envoi de testostérone à destination d'Anvers s'est élevée à 3 264 000 euros. Un complément d'enquête a révélé que 63 autres envois avaient eu lieu.

La cellule hormones fait état de la popularité croissante du Jintropin. Selon mes informations, ce produit est très populaire auprès des bodybuilders. Une simple recherche sur l'internet suffit pour acheter ces produits par le biais de sites de vente aux enchères. Cette évolution est particulièrement inquiétante. De nombreux jeunes seront tentés de commander ces produits, souvent sans savoir que ceux-ci sont très nocifs pour la santé et, en outre, totalement illégaux.

Outre le problème du contrôle manuel, il existerait, selon le ministre des Finances, un problème légal : « Suivant les dispositions de l'arrêté royal du 12 avril 1974 relatif à certaines opérations concernant les substances à action hormonale, anti-hormonale, anabolisante, beta-adrenergique, anti-infectieuse, anti-parasitaire et anti-inflammatoire, l'importation de substances à action hormonale, sauf les exceptions reprises à l'article 1er, § 2 , de l'arrêté royal précité, est soumise à la présentation d'une autorisation d'importation délivrée par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions. Les agents de l'administration des douanes et accises ne sont toutefois pas désignés dans cet arrêté royal en tant qu'agents spécialement compétents pour la recherche et la constatation d'infractions. Concrètement, cela signifie que, si les agents de l'administration des douanes et accises sont confrontés à une tentative d'importation de marchandises qui sont potentiellement visées par l'arrêté royal précité, et qu'aucune autorisation d'importation n'est présentée, ceux-ci doivent en informer les services compétents du SPF Santé publique ou le procureur du Roi. Ces services, et non la douane, constatent ensuite l'infraction en matière de droit commun et peuvent imposer des mesures conservatoires pour les marchandises ».

En 2006, le ministre de la Santé de l'époque disait à ce sujet : « De nombreux groupes de travail se sont attelés à la tâche ardue de rechercher la possibilité de créer une base légale pour permettre le contrôle, la supervision et l'interdiction des ventes et achats par Internet ».

Malgré la conclusion assez dure du rapport annuel de la cellule hormones, aucun progrès n'a apparemment été réalisé à ce jour.

Je voudrais dès lors poser les questions suivantes :

1) Le ministre admet-il que les douanes, en collaboration avec la cellule hormones, doivent aussi contrôler la circulation intracommunautaire d'hormones ? Dans l'affirmative, peut-il donner des explications concrètes ? Dans la négative, pourquoi ?

2) Comment réagit-il au passage du rapport annuel 2008 de la cellule hormones où il est explicitement indiqué qu'en ce qui concerne la circulation extracommunautaire, la douane peut seulement effectuer des contrôles sur des échantillons en provenance de pays tiers, mais que le risque de se faire prendre est limité étant donné que le contrôle doit être manuel ?

3) Il ressort du rapport annuel qu'il s'agit souvent de gros envois de 60 kilos effectués par le biais d'entreprises de courrier express et souvent originaires de Chine. Admet-il qu'étant donné l'impact sur la santé publique, il convient d'effectuer des contrôles plus précis impliquant le recours à des profils de risque (pays d'origine, présence de flacons, ampleur de l'envoi) ?

4) Concernant le dopage humain, des exemples concrets issus du rapport annuel révèlent que les importateurs se manifestent souvent sur toutes sortes de forums internet pour promouvoir leurs produits. Je pense que la justice peut intercepter les trafiquants par des moyens détournés, en accentuant la surveillance sur internet. Le ministre est-il disposé à investir davantage dans la surveillance sur internet pour agir en matière de dopage humain ? Dans l'affirmative, peut-il donner des explications détaillées ? Dans la négative, pourquoi pas ?

5) Comment réagit-il au constat selon lequel l'importation de médicaments non conformes constitue un problème insoluble en raison du contrôle à forte intensité de main-d'oeuvre ? Ne pense-t-il pas qu'étant donné les montants considérables concernés par ce commerce et l'impact sur la santé publique, il est quand même souhaitable d'augmenter le nombre de contrôles manuels ? Dans la négative, peut-il donner des explications détaillées et préciser comment nous pouvons endiguer ce phénomène d'une autre façon ?

6) Admet-il qu'étant donné les problèmes évidents relatifs au cadre légal en matière de traitement des envois illégaux d'hormones par la douane, un cadre légal simple et efficace est nécessaire ? Dans l'affirmative, peut-il expliquer comment il compte réaliser cet objectif ? Dans la négative, pourquoi ?

7) Peut-il dresser un état des lieux concernant les groupes de travail qui, en 2006, ont essayé d'établir une base pour permettre le contrôle, la supervision et l'interdiction de l'achat et de la vente par le biais de l'internet ? Quand les travaux seront-ils terminés ? Peut-il donner des explications complètes, étant donné que trois ans plus tard, le problème n'est manifestement pas encore résolu ?

Réponse reçue le 18 mars 2010 :

1. Les transactions et mouvements réguliers de médicaments contenant des hormones sont déjà contrôlés par les inspections de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS), plus particulièrement le régime d’autorisation dans le cadre de l’arrêté royal du 12 avril 1974 relatif à certaines opérations concernant les substances à action hormonale, antihormonale, anabolisante, bêta-adrénergique, anti-infectieuse, antiparasitaire et anti-inflammatoire. La levée des frontières ne permet plus un contrôle frontalier intracommunautaire. Elle n’a par ailleurs pas rendu la situation plus aisée.

2. L’on peut s’orienter vers les douanes en vue d’une réponse à cette question.

3. Le recours à l’analyse du risque est indispensable, dès lors qu’il est impossible de contrôler physiquement tous les biens. En ce qui concerne les médicaments, il y a lieu d’établir et de suivre les profils à risque, hormis ceux qui sont évidents, tels que le pays d’origine, en collaboration avec les autorités compétentes en matière de santé publique. Il est toutefois impossible d’inclure tous les aspects liés à un médicament dans un profil d’analyse du risque. Outre le recours à un système performant d’analyse du risque, il est également possible d’approfondir la collaboration multidisciplinaire et multisectorielle sur les plans légistique, stratégique et opérationnel. Cette collaboration peut être encore largement améliorée.

4. Ce dossier est actuellement développé en concertation avec les autorités concernées.

5. Il n’y a importation que lorsque des biens non communautaires obtiennent le statut de biens communautaires et sont dès lors mis en libre circulation ou en libre pratique. Il n’y a plus d’importation à travers les frontières intérieures des États membres européens. L’on est confronté à l’heure actuelle à la libre circulation des biens. La distribution intracommunautaire n’est (pratiquement) pas contrôlée. Elle ne peut plus l’être sur le plan juridique. En revanche, les importations en provenance de pays tiers peuvent bel et bien être contrôlées, ce qui peut se produire à deux niveaux, soit celui du commerce international de gros soit celui du commerce résultant de transactions par Internet, avec envoi postal à des particuliers. L’AFMPS joue un rôle déterminant dans la distinction entre le commerce régulier et le commerce illégal de médicaments. Au niveau des envois postaux, l’on s’emploie à lutter contre les activités sur Internet qui court-circuitent le circuit médical régulier. Il y a lieu en effet d’être prudent afin de ne pas provoquer d’accident. Le commerce illégal doit être examiné à l’aide d’une évaluation des risques, pour laquelle l’AFMPS est compétente selon un règlement européen. Dans certains cas, l’on peut être confronté à des médicaments qui sont distribués illégalement et sont contraires aux droits de propriété intellectuelle et à la santé publique.

6. Les hormones et anabolisants qui font l’objet d’abus en matière de sport et d’engraissement illégal, sous la forme de matière première ou de produit fini (médicament), sont déjà soumis à des dispositions légales strictes simples à appliquer, telles que les permis de détention, d’importation, d’exportation, de commercialisation, etc. Les dispositions pénales relatives au trafic sont particulièrement élevées. Une collaboration de grande envergure sur les plans national et international permettrait de résoudre une grande partie des problèmes. Ces instruments de collaboration existent mais ne sont pas assez coordonnés. Ce n’est qu’alors qu’un échange d’informations approfondi peut avoir lieu et, partant, qu’un équilibre peut être conféré aux transactions internationales qui ne sont pas notées à l’heure actuelle.

7. L’USE de l’AFMPS (Unité spéciale d’enquête) n’a pas connaissance de ces groupes de travail. Les objectifs suivants sont en revanche bel et bien poursuivis.

Les administrations de la Justice, de la Police, des douanes, de l’agence alimentaire et des médicaments, regroupées dans le cadre de la Cellule Multidisciplinaire Hormones (CMH), coordonnée par la Police fédérale, prêtent déjà attention au phénomène des transactions liées à Internet telles que les envois postaux, nécessitant de poursuivre l’information et de démanteler les sites Internet illégaux.

Au sein de l’AFMPS, l’Unité spéciale d’enquête (USE) traite tous les envois postaux qui peuvent être accomplis avec une procédure d’avertissement. L’on en compte quelque 2 500 pour cette année.

Au sein de la Commission Interdépartementale pour la Coordination de la lutte contre la Fraude dans les secteurs économiques (CICF), l’AFMPS joue un rôle de coordination au sein de la zone de tension entre les droits de propriété intellectuelle (DPI) et la santé publique, pour ce qui est des médicaments contrefaits et des transactions liées à Internet.

Une proposition de convention du Conseil de l’Europe visant à lutter contre les médicaments contrefaits et la criminalité connexe (y compris par l’Internet et les médicaments non conformes) verra très probablement le jour cette année. Elle constituera une base pénale sérieuse comprenant des propositions harmonisées pour des définitions uniformes, des sanctions adaptées, proportionnelles et dissuasives, la juridiction, la coopération à l’échelle nationale et internationale, la protection des patients ainsi que des mesures préventives.

L’Union européenne a par ailleurs présenté un projet de directive visant à renforcer la distribution existante afin de mieux détecter les médicaments falsifiés.

Il est proposé que tous les acteurs y compris les intermédiaires se présentent aux autorités afin qu’un contrôle puisse avoir lieu.