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Question écrite n° 4-3395

de André Van Nieuwkerke (sp.a) du 29 avril 2009

à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Encéphalomyélite myalgique (EM) / syndrome de fatigue chronique (SFC) - patients - Échec des instruments thérapeutiques - Nécessité d'une actualisation scientifique

assurance maladie
diagnostic médical
incapacité de travail
maladie chronique
maladie du système nerveux
physiologie du travail
recherche médicale
résolution du Parlement
sensibilisation du public
thérapeutique
Conseil supérieur de la santé

Chronologie

29/4/2009Envoi question (Fin du délai de réponse: 28/5/2009)
14/9/2009Réponse

Requalification de : demande d'explications 4-855

Question n° 4-3395 du 29 avril 2009 : (Question posée en néerlandais)

Je voudrais tout d'abord renvoyer à ma résolution détaillée du 1er avril 2008 en la matière (Doc. N° 4-834/1) qui, malgré notre insistance, n'a toujours pas été examinée par la commission compétente.

Dans notre pays, le traitement des patients atteints d'encéphalomyélite myalgique (EM) / syndrome de fatigue chronique (SFC) continue à se baser sur une approche psychosomatique. Malgré des résultats décevants, l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (Inami) ne remet pas en cause le fonctionnement antérieur et actuel des centres de référence qui sont, depuis six ans déjà, responsables du diagnostic et du traitement de ces patients.

En attendant, la qualité de vie de milliers de patients EM/SFT se détériore à vue d'oeil (30.000 à 40.000 patients...).

Dans ce domaine, on passe aussi à la trappe toute forme de recherche libre. Les centres enregistrent de mauvais résultats. Pourquoi ?

En Belgique, les rapports qui mettent aussi en avant les aspects biologiques ne sont tout simplement pas pris en considération. Pourquoi ?

Au contraire, on poursuit la recherche dans le sens d'un affinement de l'approche psychosomatique. Et, malgré les autres thèses et une recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (et de pays tels que l'Espagne et la Norvège), dans notre pays, les centres psychosomatiques ne sont pas remplacés par des centres biomédicaux.

Selon notre pays, le problème des patients EM/SFC est donc de nature psychiatrique et non biomédicale.

Qui définit cette position ?

Les commissions qui conseillent l'Inami en la matière sont le Conseil supérieur de la Santé (CSS – voir notamment l'autre publication n° 8338 de septembre 2008) et le Centre fédéral d'expertise des soins de santé ( KCE – voir notamment le rapport 88A/2008).

Quelle est la composition des deux commissions?

Tous les directeurs des centres de référence siègent dans le groupe de travail SFC constitué au sein du CSS. Les mêmes personnes se retrouvent dans la commission d'experts du KCE!

Indépendance? Objectivité? Sur la base de quelle expertise?

L'école biomédicale (virologues, immunologistes, neurologues) n'est absolument pas associée à ces commissions, contrairement aux psychiatres et aux psychologues.

Ceci m'amène à poser les questions suivantes :

1. Les patients EM/SFC sont exclusivement traités par thérapie comportementale cognitive (TCC) et par thérapie d'exercices graduelle (TEG). “C'est dans la tête”.

Pourquoi l'échec des instruments thérapeutiques mis en oeuvre en Belgique n'est-il pas examiné à la lumière des recommandations internationales comme celles de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de notre école biomédicale ? Pourquoi en ce domaine, ne permet-on pas une confrontation entre les modèles psychosomatique et biomédical ? Pourquoi ne laisse-t-on pas intervenir pleinement la recherche libre ?

2. Sur la base de quelles critères d'expertise EM/SFC les commissions CSS et KCE sont-elles constituées ?

La ministre trouve-t-elle normal que les directeurs des centres de référence siègent également dans les deux commissions et sont donc à la fois juge et partie ?

3. Est-elle prête à laisser intervenir pleinement la recherche libre (psychosomatique-biomédicale) ?

4. Selon l'Organisation mondiale de la santé, l'EM/SFC relève des affections neurologiques (693.3). Comment la Belgique codifie-t-elle l'EM/SFC ?

5. La ministre est-elle prête à dresser une carte des conséquences sociales (enseignement, formation, emploi, assurance-maladie) de l'EM/SFC ?

6. La recherche scientifique sur la transmissibilité, tant génétique que par voie de transfusion sanguine est indispensable. Êtes-vous prête à constituer un groupe de travail à ce sujet ?

7. Pour l'instant, les parents d'une jeune fille de 14 ans atteinte d'EM/SFC et qui fréquente l'enseignement secondaire, sont confrontés au parquet du tribunal de la Jeunesse pour avoir négligé l'avis (notamment celui du médecin du centre d'accompagnement scolaire) qui prône de l'aiguiller vers un centre de référence. Cela est-il fondé ?

8. N'est-il pas grand temps que les soins aux jeunes atteints d'EM/SFC soient organisés selon des bases scientifiques actuelles ?

Réponse reçue le 14 septembre 2009 :

J’ai récemment été interpellée sur le syndrome de fatigue chronique (SFC) et l’approche des soins suivie en la matière dans notre pays par Mme Margriet Hermans (question écrite n° 4-3131 du 27 février 2009). J’y ai répondu de façon détaillée à l’époque. Je rappellerai ici les grandes lignes de mon argumentation. Je vous demande de bien vouloir également prendre connaissance de ma réponse à cette autre question.

1. Votre analyse selon laquelle le SFC est considéré comme une affection psychiatrique par les centres de référence et dont l’Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) finance leur fonctionnement, n’est pas correcte. Je répète encore une fois que la réglementation de l’INAMI relative au SFC repose sur l’absence de consensus scientifique sur l’origine et la pathophysiologie du SFC et par conséquent aussi sur un traitement causal. L’étude de littérature approfondie du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) le confirme (KCE rapport 88B). Contrairement à ce que vous affirmez, la revue de littérature relative au SFC, réalisée par le KCE, porte également sur les traitements biomédicaux et médicamenteux. Ceux-ci sont notamment étudiés au chapitre 2.5.3.3 (Immunological, antoviral and anti-microbial treatments), au chapitre 2.5.3.4 (Pharmacological treatments), au chapitre 2.5.3.6 (Supplement treatments). Toutefois, dans la littérature incluse (jusqu’en octobre 2007 y compris), des données probantes n’ont pas pu être trouvées concernant l’efficacité de ces traitements. En guise de conclusion générale et de fil conducteur pour l’approche du SFC, le KCE et le Conseil supérieur de la santé (CSS) indiquent que cette affection cadre avec le modèle d’une «  affection biopsychosociale » comprenant des composantes biologiques et psychosociales qui interagissent mutuellement.

La thérapie comportementale cognitive et la thérapie d’exercices graduelle visent – à défaut de traitement curatif et causal de la pathologie – à diminuer les plaintes SFC et à améliorer le fonctionnement physique, social mais également psychique. En effet, le fait d’avoir des plaintes chroniques pour lesquelles il n’y a pas de traitement curatif adapté, influe sur le fonctionnement mental et peut entraîner par exemple le développement d’une dépression réactive. J’estime qu’il est donc important que les centres y accordent également l’attention nécessaire.

La thérapie comportementale cognitive et la thérapie d’exercices graduelle sont appliquées de manière systématique dans les centres de référence, mais les patients sont, par exemple, également examinés et suivis par des médecins de centres spécialisés en médecine interne. Au 1er janvier 2009, la réglementation sur les centres a d’ailleurs subi plusieurs modifications importantes dans le but d’organiser plus adéquatement la dispensation de soins et d’améliorer aussi les résultats du traitement. Ces modifications impliquent notamment que les programmes de soins puissent être adaptés davantage au patient individuel. Une des adaptations consiste à ce que chaque patient ne soit pas obligé de suivre à la fois la thérapie comportementale cognitive et la thérapie d’exercices graduelle.

Votre thèse selon laquelle la thérapie comportementale cognitive et la thérapie d’exercices graduelle représenteraient une forme de traitement psychiatrique n’est pas correcte. La thérapie d’exercices graduelle est une forme de kinésithérapie. La thérapie comportementale cognitive est appliquée pour un large éventail d’affections : tant pour les affections rangées parmi les affections psychiatriques dans les classifications de maladies que pour celles qui ne le sont pas. D’après le Centre d’expertise et selon les données bibliographiques, publiées ces dernières années sur le SFC dans des revues médicales internationales de premier plan, la thérapie comportementale cognitive et la thérapie d’exercices graduelle sont les seules formes de traitement dont il est démontré à suffisance sur le plan scientifique qu’elles peuvent avoir un effet favorable sur l’affection SFC. La thérapie comportementale cognitive et la thérapie d’exercices graduelle peuvent notamment atténuer la gravité des symptômes et entraîner aussi la guérison de certains patients.

2. Les experts externes du KCE sont recrutés selon les procédures du KCE (voir site Internet du KCE www.kce.fgov.be: 'KCE Process notes' accessibles via http://kce.docressources.info/opac/index.php?lvl=more_results). Parmi les vingt experts recrutés par le KCE, seuls sept sont actifs dans un centre de référence, c’est-à-dire une forte minorité.

Les procédures du CSS prévoient habituellement la création d’un groupe de travail composé d’experts du domaine concerné. Étant donné que les procédures du KCE exigent également qu’un groupe d’experts soit composé de personnes qui, dans l’intervalle, rendent un avis sur le rapport, il a été décidé, en ce qui concerne le recrutement des experts de la commission du CSS, que ce groupe de travail serait composé des mêmes personnes.

Le colophon du rapport du KCE mentionne explicitement ce qui suit :

« Les experts externes ont collaboré au rapport scientifique qui a ensuite été soumis aux validateurs. La validation du rapport résulte d’un consensus ou d’un vote majoritaire entre les validateurs. Le KCE reste seul responsable des erreurs ou omissions qui pourraient subsister de même que des recommandations faites aux autorités publiques. »

À des fins d’exhaustivité, je signale (comme mentionné également dans le colophon du rapport du KCE et dans l’avis du CSS) que les disciplines suivantes étaient représentées au sein du groupe d’experts externes du KCE et du groupe de travail du CSS :

Au cours de la réunion au sein du CSS, les conflits d’intérêts ont été discutés et il a été signalé que les experts actifs dans un centre de référence pourraient se trouver en situation de conflit d’intérêts, d’une part, mais qu’ils sont spécialistes du domaine, d’autre part. De plus, la pluralité des expertises existantes au sein du groupe de travail a été soulignée.

3. Le financement de la recherche scientifique fondamentale ne relève pas de la compétence du Service public fédéral Sécurité sociale et du Service public fédéral Santé publique. Ces départements ne soutiennent donc pas financièrement la recherche biomédicale et biopsychosociale.

Les centres de référence sont rémunérés par l’assurance obligatoire soins de santé exclusivement pour la dispensation de prestations diagnostiques et thérapeutiques. Les centres n’ont en outre perçu qu'à titre temporaire une rétribution restreinte et équitable pour l’enregistrement de données dans le cadre de l’étude d’évaluation de l’INAMI.

4. Aucune classification n’est réalisée en ce qui concerne le SFC. Si, dans le cadre de certaines procédures d’enregistrement ou d’analyses statistiques, par exemple, du Service des indemnités de l’INAMI, cette affection est néanmoins classée dans certains groupes d’affections, c’est uniquement dans le but de pouvoir organiser concrètement certaines données. Le mode de classification qui est suivi à cet égard n’a aucun effet sur la position adoptée.

5. En ce qui concerne les conséquences sociales, deux sources figurent dans le rapport du KCE n° 88 :

6. Pour les mêmes raisons que j’ai déjà citées dans ma réponse à la question  3, je n’ai pas le pouvoir de créer des groupes de travail sur la recherche scientifique de la transmissibilité par voie génétique ou de transfusions sanguines, ou de n’importe quel autre aspect (biomédical ou biopsychosocial) du SFC.

7. Les modalités convenues entre les établissements d’enseignement et le parquet sont de la compétence des Communautés et du ministre de la Justice.