3-554/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

21 AVRIL 2004


Projet de loi réprimant la fraude relative au kilométrage des véhicules


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. ZENNER


I. INTRODUCTION

Le projet facultativement bilatéral qui vous est soumis a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que projet de loi du gouvernement (doc. Chambre, nº 51-710/1).

Il a été adopté le 11 mars 2004 par la Chambre des représentants, par 121 voix et 16 abstentions.

Il a été transmis au Sénat le 12 mars 2004 et évoqué le 19 mars 2004.

La commission a discuté ce projet de loi lors de sa réunion du 21 avril 2004, en présence de la ministre de l'Environnement, de la Protection de la consommation et du Développement durable.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT, DE LA PROTECTION DE LA CONSOMMATION ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le projet de loi à l'examen vise à apporter une réponse à une forme de fraude que l'on rencontre très fréquemment lors de la vente de voitures d'occasion et qui consiste à manipuler le compteur kilométrique de manière à informer erronément l'acheteur sur une caractéristique essentielle du véhicule.

Le projet de loi à l'examen poursuit donc un objectif tant préventif (prévenir la fraude grâce à la centralisation des données kilométriques) que curatif (possibilité, pour l'acheteur, de résilier l'achat, contrôle et sanctions).

On ne peut que souligner le double intérêt de ce projet.

En premier lieu, il offre à l'acheteur d'un véhicule d'occasion, souvent un particulier, une protection contre les pratiques de vendeurs malhonnêtes qui trafiquent les compteurs et obtiennent ainsi indûment un prix de vente plus élevé.

En second lieu, lorsqu'elle aura été mise en oeuvre, cette loi assainira le marché des voitures d'occasion : elle mettra un terme aux pratiques commerciales déloyales de ces vendeurs malhonnêtes, permettant ainsi aux vendeurs honnêtes de faire jouer la concurrence sur une base plus saine.

La loi existante du 12 mars 2000 réprimant certaines fraudes relatives au kilométrage des véhicules présente déjà un caractère dissuasif pour les fraudeurs potentiels.

Pourtant, cette loi est pour ainsi dire restée sans effets, et les arrêtés d'exécution se sont fait attendre. La raison en est double. En effet, il s'est avéré qu'en pratique, le professionnel se trouve très souvent dans l'impossibilité de remplir les exigences de la loi. Il en est de même pour le propriétaire d'une voiture. La loi précitée dispose en effet qu'un carnet d'entretien doit se trouver à bord de chaque véhicule. Auparavant, une telle obligation n'existait pas; il y a donc beaucoup de véhicules immatriculés qui ne sont pas pourvus d'un tel document.

Le projet de loi a pour but de remédier à ces problèmes.

Comment ?

­ Afin d'accroître la sécurité juridique, une série de définitions sont précisées.

­ Ensuite, le projet contient certaines dispositions relatives à la manipulation du compteur et aux règles à respecter lors de la vente de voitures d'occasion.

­ La loi actuelle prévoit déjà la création d'une association qui devra être agréée ultérieurement et qui assurera les démarches de centralisation et de traitement des données kilométriques.

Le nouveau texte précise que les organisations professionnelles représentant les professionnels doivent être jointes à cette association. Leur participation active soulignera le sérieux et la nécessité de la réglementation. C'est ainsi que la neutralité et l'objectivité seront garanties et qu'il sera possible d'éviter une exploitation commerciale des données centralisées. Ceux qui devront contribuer financièrement au système en tireront tout bénéfice.

­ Ce qui est tout à fait nouveau, c'est que les services de l'Inspection économique seront dotés d'une série de compétences pour contrôler l'application correcte de la loi et, si besoin, intervenir le cas échéant.

Le présent projet forme un tout cohérent, qui ­ une fois adopté ­ prouvera son efficacité et qui ­ tout comme c'est le cas aux Pays-Bas ­ fera descendre de manière drastique le nombre de cas de fraude. Certes, le caractère opérationnel de l'instance qui doit être garante du traitement des données kilométriques est cruciale.

Plusieurs amendements ont été adoptés à la Chambre.

Les commissaires ont été unanimes à souhaiter centraliser la lutte contre la fraude relative au kilométrage autour de la banque de données (Car-pass) et de limiter autant que faire se peut les formalités supplémentaires si elles ne sont pas absolument nécessaires à la réalisation de l'objet de la loi (par exemple le carnet d'entretien, un document de vente spécifique entre particuliers, ...).

La ministre se rend compte que quelques modifications ont suscité une réaction de la part de certaines organisations professionnelles.

Ces modifications n'enlèvent toutefois rien au projet de loi.

La ministre s'en explique en donnant l'exemple suivant.

Le projet de loi initial obligeait d'indiquer le kilométrage sur la facture en cas de réparation.

Comme la loi oblige déjà le garagiste à communiquer le kilométrage à la banque de données Car-pass, la commission n'a pas jugé vraiment nécessaire d'indiquer également ce kilométrage sur la facture.

L'obligation initiale a été modifiée. Le texte prévoit à présent que le Roi peut imposer cette mention obligatoire sur la facture.

Le Car-pass doit fonctionner. Tout doit être en place dès le lancement du système.

La ministre pense que la mention du kilométrage sur la facture, dès l'entrée en vigueur du système, peut inciter et aider les garagistes à remplir leur principale obligation dans ce cadre, à savoir transmettre le kilométrage au Car-pass.

Elle est dès lors disposée à proposer une telle mesure au Roi.

La ministre conclut que :

­ la loi en projet améliore manifestement la loi du 12 mars 2000 et qu'elle doit de la sorte pouvoir offrir une meilleure protection contre les fraudes relatives au kilométrage;

­ un tel système est efficace, l'exemple des Pays-Bas l'a prouvé. Ce pays a instauré un système similaire et la fraude a considérablement diminué;

­ le projet constitue un grand pas en avant dans l'arsenal juridique, tant en ce qui concerne la protection des acheteurs que celle des professionnels de l'automobile. Les uns commes les autres sont en effet victimes de pratiques commerciales déloyales et de concurrence déloyale de la part des fraudeurs.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Le président renvoie à l'avis des services, dans lequel on peut distinguer deux volets principaux :

1. Association des gouvernements des régions ?

L'article 6, § 4, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 dispose notamment ce qui suit :

« § 4. Les gouvernements seront associés : (...)

3º à l'élaboration des règles de police générale et de la réglementation relatives aux communications et aux transports, ainsi qu'aux prescriptions techniques relatives aux moyens de communication et de transport; »

La question se pose de savoir si cette disposition s'applique au projet de loi qui nous occupe.

a) Le projet de loi contient-il des prescriptions techniques relatives aux moyens de communication et de transport ? Le projet interdit non seulement de modifier le kilométrage des véhicules, mais aussi de fausser ou d'empêcher l'enregistrement exact des kilomètres par le compteur. Il oblige également le propriétaire de faire réparer ou remplacer sans délai le compteur kilométrique défectueux.

On pourrait alléguer qu'il n'est pas question ici de prescriptions techniques au sens strict du terme. En effet, ces dispositions ne contiennent aucune règle relative à l'équipement technique des véhicules, mais bien des règles relatives à l'utilisation de cet équipement.

Mais on peut aussi interpréter plus largement la notion de « prescriptions techniques ». Des prescriptions relatives à l'utilisation d'éléments de véhicules peuvent très bien être considérées également comme des prescriptions techniques.

En outre, le projet implique, fût-ce implicitement, l'obligation d'équiper les véhicules d'un compteur kilométrique. Il s'agit là également d'une prescription technique au sens strict, mais non d'une nouvelle prescription. En effet, cette obligation est déjà prévue à l'article 43, § 1er, de l'arrêté royal du 15 mars 1968 portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles et leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité.

Article 43, § 1er, de l'arrêté royal du 15 mars 1968 :

« § 1er. Tableau de bord.

Les véhicules automobiles doivent être pourvus d'un indicateur de vitesse gradué en kilomètres par heure et d'un compteur indiquant en kilomètres la distance parcourue par le véhicule. Toutefois, pour les voitures et voitures mixtes, la distance parcourue indiquée par le compteur peut être exprimée en miles (1 609 m). Dans ce cas, l'unité de distance parcourue doit être marquée sur le compteur. Ces dispositifs doivent être placés bien en vue du conducteur et leurs indications doivent être lisibles, même la nuit, sans gêner le conducteur.

Cette disposition n'est pas applicable aux véhicules lents dont la vitesse maximale n'est pas supérieure à 30 km/h. »

Toutefois, la loi spéciale ne fait pas de distinction entre les « nouvelles » prescriptions et les règles qui confirment des prescriptions existantes. Les gouvernements des régions doivent être associés à l'élaboration de toutes les prescriptions techniques relatives aux moyens de communication et de transport.

L'objet du projet de loi pourrait aussi fournir un argument pour ne pas lancer la procédure de l'association des gouvernements régionaux. Le projet ne vise pas à réglementer la communication et le transport, mais à protéger les consommateurs, comme l'attestent également, par exemple, les sanctions prévues. Quiconque enfreint les dispositions en projet n'est pas puni de la saisie du véhicule, d'une interdiction de conduire ou de l'interdiction de circuler sur la voie publique avec le véhicule, mais d'une résolution de la vente et de sanctions pénales ordinaires.

On peut toutefois objecter à cela que l'association doit être organisée dès l'instant où un projet concerne des prescriptions techniques relatives à des moyens de transport, le législateur spécial n'ayant pas prévu de faire jouer à la finalité du projet un rôle quelconque à cet égard.

b) On pourrait encore faire valoir que le projet a trait à « la réglementation relative aux communications et aux transports ». Cette matière est soumise, elle aussi, à l'obligation d'associer les gouvernements des régions à l'élaboration des règles.

Malheureusement, ni les travaux parlementaires ni la jurisprudence n'apportent d'indications sur la définition exacte de cette notion.

Conclusion : Les gouvernements des régions doivent-ils être associés au présent projet de loi ? La réponse dépend de la manière dont on interprète les notions de « prescriptions techniques » et de « réglementation relatives aux communications et aux transports ». Ni les travaux parlementaires ni la jurisprudence de la Cour d'arbitrage ne répondent clairement à cette question.

Dans le passé, l'association a été organisée pour des textes dont le contenu s'apparentait à celui du présent projet de loi (1). D'autre part, les gouvernements des régions n'ont apparemment pas été associés à l'élaboration de la loi du 12 mars 2000 réprimant certaines fraudes relatives au kilométrage des véhicules.

Le non-respect de la procédure de l'association prescrite par l'article 6, § 4, de la loi spéciale ne porte pas directement atteinte à la validité juridique de la loi, mais il constitue en revanche une cause d'annulation par la Cour d'arbitrage (2).

2. Autre remarque concernant l'article 10

Selon cet article, le ministre ou l'agent qu'il commissionne peut adresser un avertissement au contrevenant qui a commis un acte constituant une infraction « à la présente loi ou à un de ses arrêtés d'exécution ».

De par sa formulation générale, cette disposition s'applique également aux infractions à l'article 4. Dès lors, le contrevenant à l'article 4 peut lui aussi se voir adresser un avertissement mentionnant, entre autres, que s'il ne donne pas suite à l'avertissement, le procureur du Roi pourra être avisé ou le règlement par voie de transaction peut être appliqué.

Toutefois, par suite de l'amendement adopté à la Chambre des représentants, les infractions à l'article 4 ne peuvent plus être punies de sanctions pénales. Il n'y a donc plus aucune raison d'aviser le procureur du Roi, ni de fondement juridique à régler l'affaire par voie de transaction.

Deux solutions sont possibles :

1. On supprime la possibilité d'adresser un avertissement aux contrevenants à l'article 4. Il suffit pour cela de reformuler l'article 10, alinéa 1er, comme suit : « lorsqu'il est constaté qu'un acte constitue une infraction aux dispositions visées à l'article 8, le ministre qui a les affaires économiques dans ses attributions (...) peut adresser au contrevenant un avertissement le mettant en demeure de mettre fin à cet acte. »

2. On maintient la possibilité d'adresser un avertissement aux contrevenants à l'article 4, mais dans ce cas, l'avertissement adressé à ces contrevenants ne mentionnera pas que le procureur du Roi peut être avisé, ni que le règlement par voie de transaction peut être appliqué.

À cet effet, l'article 10, alinéa 3, devrait être reformulé comme suit :

« L'avertissement mentionne :

1º les faits imputés et la ou les dispositions légales enfreintes;

2º le délai dans lequel il doit y être mis fin;

3º lorsqu'il s'agit d'une infraction aux dispositions visées à l'article 8, que les agents commissionnés en application des articles 9 et 11 pourront respectivement aviser le procureur du Roi ou appliquer le règlement par voie de transaction prévu à l'article 11, s'il n'est pas donné suite à l'avertissement. »

À propos de cet avis, la ministre donne les précisions suivantes :

1. Association des gouvernements des régions

Il n'est pas nécessaire d'associer les gouvernements des régions au présent projet de loi, étant donné :

1. qu'aucune prescription technique n'est imposée et que le présent projet de loi ne concerne pas la réglementation relative aux communications et aux transports;

2. que l'objectif de la loi en projet est de lutter contre la fraude et de protéger ainsi les consommateurs. Or, la protection des consommateurs est une matière purement fédérale (conformément à l'article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980);

3. que les gouvernements des régions n'ont pas été associés à l'élaboration de la loi du 12 mars 2000 et que le présent projet de loi vise précisément à améliorer cette loi.

2. Modification éventuelle de l'article 10

Sur ce plan, le texte du projet de loi est suffisamment clair et ne nécessite pas d'adaptation, puisque seule une disposition sanctionnée pénalement peut faire l'objet d'un procès-verbal.

L'article 8 prévoit explicitement que seules les infractions aux articles 3, 5 et 6, § 3, sont passibles d'une sanction. Les procès-verbaux, les procès-verbaux d'avertissement et la procédure de transaction administrative ne s'appliquent qu'à ces infractions.

Ceci ressort également de l'article 9, § 5, alinéa 1er, qui prévoit qu'en cas d'application de la procédure d'avertissement, le procès-verbal n'est transmis au procureur du Roi que lorsqu'il n'a pas été donné suite à l'avertissement.

Il apparaît donc clairement que l'avertissement est lié à un procès-verbal, qui ne peut bien entendu être établi que s'il y a eu infraction à des dispositions passibles d'une sanction pénale.

L'article 10, 3º, prévoit d'ailleurs explicitement aussi que le fait de ne pas donner suite à l'avertissement donne nécessairement lieu à l'établissement d'un procès-verbal.

M. Ramoudt n'est, personnellement, pas très heureux du projet à l'examen.

Il y voit tout d'abord une énième loi paternaliste, qui érige de plus en plus l'État en tuteur du citoyen. Une fois encore, on réglemente une question que, selon l'intervenant, on ferait mieux de laisser au marché et à l'autorégulation. Le membre craint qu'on en arrive, à terme, à réglementer de manière analogue tous les biens d'occasion.

M. Ramoudt estime en outre que, quoi qu'en disent certains, le projet entraînera des frais et des charges administratives supplémentaires.

Le projet de loi se base à tort sur l'idée que toute vente de voiture est effectuée par un vendeur officiel. S'il n'en était pas ainsi, on aurait dû préciser également à l'article 2 ce qu'il y a lieu d'entendre par « particulier » dans le cadre du projet.

M. Ramoudt rappelle qu'en Belgique, l'entretien d'une voiture ne doit pas être confié obligatoirement à un professionnel. Chaque citoyen est libre d'effectuer l'entretien de son véhicule chez lui, chez un ami ou chez un membre de sa famille. De même, le carnet d'entretien, dont on a discuté à la Chambre, n'est pas obligatoire. Ces éléments suffisent à remettre en cause le principe de l'inscription obligatoire du kilométrage.

Dans de tels cas, on pourra attendre jusqu'à quatre ans avant que le kilométrage ne soit enregistré dans la banque de données Car-pass, via l'inspection automobile. Par conséquent, rien ne garantit que lorsqu'une voiture sera vendue, le kilométrage indiqué sur le document de vente sera effectivement correct.

Le projet de loi à l'examen ne précise pas ce qu'il faut faire en pareils cas.

D'autre part, rendre le carnet d'entretien obligatoire équivaudrait à obliger tout propriétaire d'une voiture à s'adresser à un professionnel agréé pour effectuer, par exemple, la vidange d'huile. Tel ne saurait être l'objectif du projet.

M. Ramoudt estime par ailleurs qu'un kilométrage peu élevé n'offre en soi aucune garantie quant à la qualité du véhicule. Cette qualité s'apprécie à la lumière de nombreux autres critères.

On peut supposer par exemple que la boîte de vitesses d'une voiture qui a été utilisée pour de nombreux petits trajets, en tractant à chaque fois une lourde remorque, ne sera pas en meilleur état que celle d'une voiture identique qui aura parcouru beaucoup plus de kilomètres, mais dans des conditions normales.

M. Ramoudt rappelle à la commission que divers modèles de voitures sont équipés d'un compteur kilométrique à cinq chiffres seulement, de sorte qu'après 100 000 km, le compteur est automatiquement remis à zéro. Cette particularité peut également semer la confusion quant au kilométrage exact du véhicule.

Le projet à l'examen entraînera en outre des frais supplémentaires. Il est évident que l'enregistrement dans la banque de données ne sera pas gratuit. Par ailleurs, la réglementation est étendue.

M. Ramoudt pense aussi que beaucoup d'acheteurs mécontents invoqueront cette nouvelle législation pour saisir le tribunal, ce qui ne fera qu'aggraver l'arriéré judiciaire.

Mais l'intervenant déplore surtout que le projet en discussion considère la Belgique comme un marché interne fermé. Le texte ne tient compte ni de l'importation ni de l'exportation de voitures.

En ce qui concerne l'importation de véhicules, il faut savoir qu'au port d'Anvers, il y a chaque semaine des bateaux qui déchargent des mobilhomes en provenance des États-Unis. Et tous les jours, des véhicules allemands, principalement de marques Mercedes et BMW, sont importés d'Allemagne. Or, le projet de loi n'offre aucune garantie quant à l'exactitude du kilométrage des voitures importées. C'est d'ailleurs pour remédier à cette lacune que M. Ramoudt a déposé l'amendement nº 4.

Le projet de loi ne s'intéresse pas davantage à notre très important marché à l'exportation, dont l'ampleur s'explique par l'immense flotte de véhicules de leasing et de voitures de location que compte notre pays. Ces voitures sont généralement revendues aussitôt après l'achat, en fonction non pas de leur kilométrage, mais de leur âge. En devenant le seul pays exportateur à imposer l'obligation d'indiquer le kilométrage exact, et garanti comme tel, sur une facture de vente relative à un véhicule exporté, la Belgique induirait un effet pervers sur son marché à l'exportation. Dans un marché, acheteurs et vendeurs doivent s'équilibrer. Déresponsabiliser les acheteurs n'est pas la meilleure façon de soutenir un marché. C'est pourquoi M. Ramoudt dépose également l'amendement nº 3.

Il ne voit pas non plus d'un oeil favorable le caractère obligatoire du projet. Il préférerait de loin qu'on laisse les particuliers et les professionnels libres d'adhérer ou non au système. Les propriétaires de véhicules auraient ainsi la possibilité de se ménager une plus-value.

L'amendement le plus radical de M. Ramoudt ­ l'amendement nº 1 ­ tend à supprimer l'intégralité du projet. L'intervenant persiste en effet à penser que les nombreuses lacunes du projet ne peuvent être compensées par un arrêté royal.

Il estime toutefois que ses amendements subsidiaires pourront pallier partiellement ces insuffisances. C'est également dans ce cadre que s'inscrit l'amendement nº 7. En effet, les documents de vente à l'importation et à l'exportation doivent toujours mentionner la couleur de la voiture. Il en va d'ailleurs de même des factures établies pour les ventes en Belgique. Cette donnée doit donc, elle aussi, être retenue.

M. Zenner fait valoir que son groupe estime qu'il faut lutter contre la fraude sous toutes ses formes. Toutefois, il faut le faire sans alourdir inutilement les formalités administratives. C'est aussi l'objectif du projet à l'étude. De plus, c'était aussi l'objectif de la ministre quand elle a consenti à ce que certains amendements y soient apportés par la Chambre.

M. Zenner fait remarquer que la lutte contre la fraude entraîne parfois des résultats inattendus. Ainsi, le rapport de la police fédérale qu'a livré le secrétaire d'État à la Lutte contre la fraude fiscale, a établi que dans le domaine de la lutte contre les carrousels TVA, la police a constaté que la fraude avait été réduite de 80 % en deux ans. Par conséquent, la lutte contre la fraude entraîne des résultats très positifs.

M. Zenner estime aussi que, contrairement à ce que l'on pense souvent, la lutte contre la fraude est relativement simple. Souvent, c'est une question de bon sens. Il suffit de cibler les mesures. Par exemple, en matière fiscale, on parle souvent de lutte contre la fraude en général. Or, 95 % de l'impôt direct en Belgique est recouvré par voie de précompte. La fraude n'est dès lors possible que pour 5 % de l'impôt. Par conséquent, il ne sert à rien de harceler les petits contribuables et de multiplier les contrôles.

Par contre, quand on lutte contre la grande fraude, que ce soit les sociétés de liquidité, les carrousels TVA, la QFIE ou encore d'autres techniques de ce genre, on peut facilement obtenir des résultats convaincants.

Il y a quelques années, lors d'un contrôle budgétaire, le gouvernement a constaté une augmentation importante des restitutions à la TVA. On est alors parvenu à augmenter les recettes de l'État d'une manière toute simple. Au lieu de contrôler tous azimuts, on s'est borné à contrôler tous ceux qui demandaient des restitutions à la TVA de plus de 100 millions de francs, puis à ceux qui demandaient des restitutions de 50 millions de francs, puis les secteurs douteux comme les huiles minérales. C'est le motif pour lequel M. Zenner est convaincu de la nécessité d'une lutte ciblée contre la fraude, sans alourdissement de la charge administrative et sans harcèlement du contribuable, en l'espèce l'automobiliste.

Déjà sous la législature précédente, Federauto, qui représente les distributeurs automobiles, était demandeur de mesures de simplification fiscale. M. Zenner estime que la concertation entre le public et le privé est importante. Il ne faut pas imposer des mesures. Au contraire, il faut veiller à convaincre les secteurs professionnels de manière à emporter leur adhésion plutôt que de les mettre face à des mesures dont ils ne veulent pas. À l'époque, le gouvernement a consenti à un certain nombre de mesures de simplification administrative et fiscale. Par exemple, la suppression de l'obligation de facturer pour la fourniture ou pour les entretiens coûtant moins de 125 euros. En échange, le gouvernement a obtenu de Federauto son concours dans la lutte contre les carrousels TVA dans le secteur des voitures. Or, les voitures sont un objet fondamental des carrousels TVA. Tous les jours, à l'exportation ou à l'importation, se négocient des dizaines, voire des centaines de voitures par un vendeur qui ne voit jamais ces voitures. Celles-ci servent uniquement à alimenter des circuits de fraude grave à la TVA, où il ne s'agit pas simplement d'éluder l'impôt, mais bien d'escroquer l'État.

Le contrôle technique évalue la vente des voitures d'occasion à 340 000 par an, dont 150 000 de manière trompeuse, par de faux particuliers.

Par conséquent, la ministre a raison de soutenir ce projet qui, non seulement protège le consommateur, mais qui aura un effet important dans la lutte contre la fraude carrousel.

M. Zenner comprend aussi que la ministre ait accepté en commission à la Chambre, un certain nombre d'amendements qui tendaient à éviter des charges administratives lourdes (par exemple le carnet d'entretien, les attestations nécessaires en cas de travaux sur un compteur kilométrique). En revanche, deux amendements adoptés à la Chambre paraissent extraordinairement curieux. Ils ont été justifiés par le souci de la simplification administrative, ce qui paraît tout à fait faux.

À l'origine, le projet prévoyait l'obligation pour tout professionnel d'indiquer sur les factures le kilométrage d'un véhicule lors d'un entretien ou d'une réparation ce qui est la pratique courante aujourd'hui. Federauto approuvait sa consécration sur le plan législatif. En d'autres mots, les professionnels du secteur trouvaient qu'il ne s'agissait pas d'un alourdissement administratif puisque cette pratique n'est éludée que par les fraudeurs.

Un amendement a prévu que cette obligation ne subsisterait que pour autant que le Roi le prévoie. Cette limitation n'est pas justifiée. Elle pourrait se comprendre si Car-pass fonctionnait déjà et si on avait l'expérience du système, mais ce n'est pas encore le cas. La mise en route de Car-pass prendra du temps. Même si Car-pass donnera un certain nombre d'indications, il faudra pouvoir vérifier que les données qui lui sont fournies sont exactes. Les données indiquées aujourd'hui sur les factures, à savoir le kilométrage, permettent de contrôler l'exactitude des indications qui seront fournies à Car-pass.

Pour cette raison, M. Zenner dépose l'amendement nº 6 qui prévoit de supprimer les mots « Si le Roi le prévoit » pour revenir au projet initial du gouvernement, c'est-à-dire à une obligation générale d'indiquer sur la facture le kilométrage du véhicule.

M. Zenner a également déposé un amendement nº 5 à l'article 4, § 1er, parce qu'il estime présomptueux de vouloir changer une disposition bicentenaire, à savoir l'article 1341 du Code civil. Depuis 1804 existe une règle exigeant un écrit pour toute opération entre particuliers qui dépasse une certaine valeur. Depuis quelque temps, cet écrit peut même être sur support électronique. Cet écrit doit permettre de prouver la légitimité des transactions. M. Zenner se rallie à l'avis de M. Ramoudt selon lequel l'absence d'écrit va ouvrir la porte à une série de litiges. Sans cette exigence, il est évident que tous les acheteurs mécontents de leur véhicule vont pouvoir dire que le kilométrage n'est pas correct. Et le vendeur, en tant que professionnel, aura la charge de la preuve.

Pour M. Zenner, l'écrit est une mesure de protection fondamentale pour le consommateur. C'est en même temps une mesure de protection pour le marché, pour en écarter les 150 000 faux particuliers. Dans un souci de simplification administrative, la Chambre en a trop fait en laissant tomber cet écrit.

L'amendement nº 5 de M. Zenner vise à revenir au texte approuvé par le Conseil des ministres.

La ministre répond que le projet de loi a pour but de lutter contre une forme très répandue de fraude qui est dénoncée par nombre d'organisations de défense des consommateurs, mais aussi par le secteur même. La législation existante s'étant avérée inapplicable, la ministre tient à ce que le projet à l'examen soit à tout le moins exécutable et applicable. Il y va de l'intérêt aussi bien des consommateurs que des commerçants honnêtes.

La ministre considère que la suppression de l'obligation du livret d'entretien constitue un élément important dans le cadre de la simplification administrative. L'utilisation de ce livret d'entretien comme moyen de contrôle du kilométrage deviendra certainement superflue dès l'instant où la banque de données centrale fonctionnera correctement.

La ministre ne trouve pas que le projet présente des faiblesses pour ce qui est de la vente de véhicules étrangers en Belgique. Il est évident que notre législation ne s'applique pas aux véhicules étrangers dans d'autres pays. La ministre estime cependant qu'il serait indiqué que le système proposé ici soit appliqué dans toute l'Europe.

En ce qui concerne les exportations de voitures belges, le projet ne pose aucun problème, puisqu'il donnera également au ressortissant étranger la garantie que le kilométrage du véhicule qu'il a acheté est conforme à la réalité.

Pour M. Ramoudt, l'inconvénient est plutôt pour l'exportateur. Il craint que dans les pays où la législation est moins sévère, le kilométrage des voitures exportées ne soit systématiquement trafiqué, ce qui portera préjudice à nos exportateurs, dès lors que les véhicules seront relativement moins attrayants en raison de leur kilométrage en apparence plus élevé. En réalité, notre honnêteté pourrait bien jouer en notre défaveur.

S'agissant des importations de voitures, il importe de souligner que l'article 4 du projet ne vise que des véhicules déjà immatriculés. L'on considère à tort que toutes les voitures immatriculées pour la première fois ont un kilométrage nul. Le projet de loi ne tient donc pas compte du marché important des voitures d'occasion importées.

La ministre estime qu'il n'est pas nécessaire de tout régler dans le projet. Ce dernier contient des dispositions générales qui interdisent de trafiquer les compteurs kilométriques. Si le compteur kilométrique d'un véhicule a été trafiqué, l'acheteur peut faire annuler la vente. Le projet à l'examen se borne à offrir une protection supplémentaire qui couvre la majorité des ventes de voitures.

M. Ramoudt évoque le cas de la voiture de direction ou du véhicule qui a roulé pendant un certain temps avec des plaques commerciales, c'est-à-dire le cas d'un véhicule qui n'a jamais été immatriculé. Il demande à la ministre à quelle obligation ce type de véhicule est soumis.

La ministre déclare que la loi n'est applicable à ces véhicules qu'à partir du moment où ils sont immatriculés. En conséquence, tant qu'un véhicule roule avec des plaques commerciales, il ne relève pas du nouveau système en projet.

En réponse aux questions de M. Zenner, la ministre affirme qu'il n'est pas facile de combattre la fraude. Voilà vingt ans que l'on cherche une méthode permettant de lutter efficacement contre la fraude au kilométrage. Le projet à l'examen a été élaboré en concertation avec le secteur concerné. Par la suite, la Chambre a effectivement adopté quelques amendements à l'unanimité.

La ministre trouve que le projet de loi est juste. Elle a parfaitement conscience qu'il est impossible de mettre un terme aux activités de tous les fraudeurs. Mais elle a la conviction que ce projet est un pas important dans la bonne direction.

La commission de la Chambre a estimé que si le kilométrage est transmis à la banque centrale de données à chaque entretien, il devient superflu d'encore le mentionner sur la facture. Cela permet aussi d'éviter aux particulers de devoir conserver leurs factures, ce qui n'intéresse généralement pas le consommateur ordinaire. La ministre défend cette idée à la condition que la banque centrale de données fonctionne d'abord correctement. D'où le compromis consistant à laisser ouverte la possibilité d'imposer plus tard cette obligation par arrêté royal. La ministre a d'ailleurs l'intention de le faire.

La ministre rappelle à M. Zenner que la loi en projet ne porte pas préjudice à l'article 1341 du Code civil. Elle reconnaît l'utilité d'un écrit formel. La Chambre a cependant considéré qu'une exigence formelle supplémentaire (un écrit spécifique) n'était pas indispensable.

En ce qui concerne la question des faux particuliers, le gouvernement a prévu des mesures relatives à la répression du trafic de voitures. La lutte contre ce phénomène ne relève pas des compétences de la ministre de l'Environnement, de la Protection de la consommation et du Développement durable.

M. Willems regrette que le projet de loi prévoie que les contrevenants aux dispositions puissent aussi être punis d'un emprisonnement. Il estime personnellement que l'on ne devrait pouvoir en l'espèce infliger que des amendes. Les véritables fraudeurs commettent encore d'autres infractions, telles que le faux en écritures, qui de toute façon, sont déjà passibles d'un emprisonnement.

Concrètement, une personne dont le compteur kilométrique est défectueux et qui omet de le faire réparer immédiatement, s'expose à un emprisonnement d'un mois.

M. Willems voudrait en outre savoir comment l'on compte assurer la protection de la vie privée du citoyen dès l'instant où la banque centrale de données sera devenue opérationnelle. Qui pourra utiliser cette banque de données ? Le fisc y aura-t-il accès ?

M. Zenner répète qu'il est tout à fait d'accord avec la ministre sur la philosophie du projet. Par contre, il estime qu'il est facile de lutter contre la fraude. Le problème est qu'on prétend souvent vouloir lutter contre la fraude, sans le vouloir véritablement. M. Zenner est déçu par l'abandon d'un certain nombre de points qui, en quelque sorte, émasculent le projet. Ce projet a été élaboré avec le secteur par les prédécesseurs de la ministre. Or, en s'écartant de ce qui avait été convenu avec le secteur, la ministre décrébilise ce dernier.

En effet, on demande à une organisation professionnelle de forcer ses membres à entrer, moyennant des frais, dans un système. À partir du moment où la ministre permet des « loopholes » qui laissent la possibilité aux 150 000 faux particuliers de continuer à opérer comme ils le font, il sera impossible pour l'organisation professionnelle de convaincre ses membres d'entrer dans le système.

M. Zenner fait observer qu'à la Chambre, la ministre a accepté d'autres changements. Le carnet d'entretien et les attestations en cas de réparation aux compteurs kilométriques constituaient une charge administrative disproportionnée.

Mais déclarer que l'on peut cesser la pratique actuelle d'indiquer les kilomètres, revient à se priver de toutes sortes de contrôle. Or, cette mesure existe actuellement. Le Roi peut encore la prévoir comme mesure de transition. La ministre devrait savoir que cette obligation est indispensable, d'autant plus après la mise en place de « Car-pass » parce que les fonctionnaires visés à l'article 9 ne pourront pas faire de contrôles si le nombre de kilomètres n'est pas indiqué sur les factures.

L'autre problème est la preuve de la vente. La ministre déclare que le consommateur est protégé étant donné qu'il va pouvoir demander la résolution de la vente si le nombre de kilomètres n'était pas correct. Mais comment peut-il le prouver à partir du moment où il n'y a pas d'écrit ou un courriel dans lequel le nombre de kilomètres est mentionné ?

Observant que la ministre déclare que le projet ne change en rien la validité de l'article 1341 du Code civil, M. Zenner se demande si la loi projetée ne déroge pas à une loi générale. Si l'article 1341 du Code civil n'est pas supprimé, ne faut-il pas le dire expressément au début de l'article 4, § 1er, ce que le gouvernement avait d'ailleurs prévu initialement ? Un particulier n'achète pas tellement de voitures dans sa vie. M. Zenner ne pense pas que les gens jettent la facture d'achat. Il est important de pouvoir prouver que l'on est propriétaire de sa voiture. L'existence de la facture est également importante pour prouver qu'on a été trompé, si on veut exercer le recours que le projet donne aux consommateurs.

M. Zenner ne cherche pas à assassiner le projet, tout au contraire. Il aimerait cependant que l'on revienne sur deux points essentiels du texte initial du projet tel qu'il avait été déposé par le gouvernement.

La ministre réitère son accord avec les propos de M. Zenner concernant le Code civil. L'article 1341 reste bien évidemment applicable pour que la vente puisse être prouvée.

Selon elle, il convient d'interpréter le projet comme suit :

« L'article 4 ne porte pas préjudice aux règles en vigueur en matière de charge de la preuve. Ce sont toujours celles du Code civil qui sont applicables, notamment l'article 1341, qui requiert une preuve écrite pour toutes les choses qui excèdent la somme de 375 euros, et l'article 1325 sur la validité d'un acte sous seing privé. Les droits de l'acheteur ne sont pas limités. Si le kilométrage a été trafiqué, l'acheteur peut exiger la résolution de la vente sur la base du Car-pass. Par ailleurs, les dispositions du Code civil restent d'application. »

Selon la ministre, cette interprétation, qui figure dans les travaux préparatoires, devrait offrir suffisamment de garanties à M. Zenner.

En ce qui concerne les sanctions pénales, la ministre déclare que le projet initial en prévoyait beaucoup. Des peines d'emprisonnement étaient même prévues pour l'absence de document de vente. En concertation avec la commission compétente de la Chambre, la ministre a décidé qu'il était sans doute préférable en l'occurrence de remplacer la peine d'emprisonnement par une sanction civile. Il ne subsiste que quelques sanctions pénales parmi toutes celles qui étaient prévues dans le projet initial. Elle devront servir de moyen de coercition pour les fraudeurs les plus acharnés. La ministre partage l'avis de M. Willems selon lequel les peines d'emprisonnement doivent être réservées à ceux qui fraudent délibérément à grande échelle.

En ce qui concerne la protection de la vie privée, la ministre prendra l'avis de la Commission de la protection de la vie privée, conformément à l'article 6, § 3, du projet de loi.

En ce qui concerne les soi-disant lacunes du projet de loi, la ministre souligne qu'elle ne peut régler que des matières qui relèvent de ses domaines de compétence. Bien qu'elle soit absolument d'accord sur la nécessité de lutter contre les abus commis par des faux particuliers, elle ne peut personnellement rien y faire et c'est au ministre de l'Intérieur qu'il incombe de prendre des mesures.

M. Zenner fait observer que pour certains juristes, si la volonté du législateur n'est pas exprimée dans la loi même, elle ne compte pas. En d'autres termes, les travaux préparatoires sont pratiquement sans influence. Il vaut donc mieux rester prudent.

Il reste le problème de l'exception prévue par le projet en subordonnant à un arrêté royal, l'obligation d'indiquer les kilomètres tel que cela se fait maintenant. La ministre peut-elle s'engager à adopter cet arrêté royal ? Et pas seulement à titre transitoire ?

La ministre s'engage formellement à proposer cet arrêté royal au Roi à bref délai, afin que l'arrêté entre en vigueur en même temps que la loi. La ministre ajoute qu'elle n'a pas l'intention de limiter l'application de cet arrêté dans le temps.

M. Zenner prend acte de l'engagement ferme de la ministre d'adopter un arrêté royal donnant toute sa force à cette disposition. D'autre part, il prend acte du fait que cette disposition ne porte pas préjudice à l'article 1341 du Code civil. Pour M. Zenner, cela revient à dire que s'il ne faut pas un écrit en vertu d'une obligation nouvelle, il le faut toujours en fonction d'une obligation ancienne.

M. Zenner demande aux commissaires si, en tant que rapporteur, il peut acter que tout le monde est d'accord sur l'interprétation de la ministre selon laquelle le projet ne porte pas préjudice à l'application de l'article 1341 du Code civil.

La commission marque son assentiment sur ce point.

Dans ces conditions, M. Zenner envisage de retirer ses amendements nºs 5 et 6.

M. Willems revient sur la question de la protection privée. Il estime qu'une banque de données ne peut être utilisée que dans le but pour lequel elle a été créée, en l'occurrence la lutte contre la fraude aux compteurs kilométriques. La ministre peut-elle confirmer formellement que tel sera bien le cas ?

La ministre souligne que le Car-pass ne communiquera que le kilométrage et aucune donnée personnelle sensible. Elle s'engage par ailleurs à tenir compte de l'avis que rendra la Commission de la protection de la vie privée.

IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

L'amendement nº 1 de M. Ramoudt tend à supprimer tous les articles du projet.

Concernant cet amendement, la ministre déclare que la fraude aux compteurs kilométriques est une des manières les plus courantes de tromper le consommateur. Il est nécessaire de lutter efficacement contre ce phénomène, dans l'intérêt tant des consommateurs que des commerçants honnêtes.

Le projet de loi vise à lutter contre la fraude et à la prévenir, en créant les possibilités de vérifier, d'une manière objective, l'exactitude du kilométrage; voilà pourquoi on a prévu l'enregistrement central des données. Celui-ci offre à l'acheteur la meilleure garantie quant à l'exactitude du kilométrage affiché par le véhicule acheté.

C'est aussi la raison pour laquelle on enregistre le kilométrage des véhicules à différents stades de son cycle de vie. Les professionnels, mais aussi les services du contrôle technique et le Service pour l'immatriculation des véhicules doivent communiquer les données en question.

Un de ses objectifs du projet de loi est d'améliorer la loi existante. Dans la loi actuelle, on utilise le terme « entretien », ce qui pouvait prêter à confusion; le projet de loi parle de « travaux relatifs à un véhicule », ce qui couvre également les réparations, le montage de pièces, ...

L'efficacité d'un tel système est prouvé par l'exemple des Pays-Bas, où un système semblable a été instauré, ce qui a sensiblement diminué les cas de fraude.

Concernant l'amendement nº 5 de M. Zenner, qui vise à remplacer l'alinéa 1er de l'article 4, § 1er, la ministre signale à l'auteur que les membres de la commission de la Chambre avaient unanimement émis le souhait de limiter à un minimum les formalités supplémentaires à remplir par les particuliers.

D'après elle, l'article en question ne porte d'ailleurs pas préjudice aux règles en vigueur concernant la charge de la preuve.

S'agissant de la preuve, ce sont toujours les règles du Code civil qui sont applicables, notamment l'article 1341, qui requiert une preuve écrite pour toutes les choses qui excèdent la somme de 375 euros, et l'article 1325 sur la validité d'un acte sous seing privé.

Les droits de l'acheteur ne sont pas limités. Si le compteur kilométrique a été trafiqué, l'acheteur peut exiger la résolution de la vente en se référant au Car-pass. De même, les règles relatives à la garantie des défauts cachés (article 1641 et suivants du Code civil) continuent à être applicables.

La ministre dit comprendre le problème des « faux » particuliers, mais souligne que ce phénomène ne relève pas de ses attributions et est une matière qui dépasse l'objet de la loi en projet. Celui-ci tend à lutter efficacement contre la fraude aux compteurs kilométriques.

Au sein du département de l'Intérieur, on a créé la Plate-forme nationale de concertation relative à la criminalité liée aux voitures (NOA). C'est donc dans le cadre de cette plate-forme qu'il faut s'attaquer la vente au noir et à la vente orchestrée par de faux particuliers.

L'amendement nº 2 de M. Ramoudt tend à remplacer l'article 5.

La ministre souligne qu'on ne change en rien l'obligation fiscale en ce qui concerne la facture.

Comme la loi oblige le garagiste à communiquer le kilométrage à la base de données Car-pass, la commission de la Chambre n'a pas estimé nécessaire de rendre obligatoire la mention du kilométrage sur la facture. Celle-ci n'est toutefois qu'un moyen de contrôle supplémentaire de l'enregistrement exact des données relatives au kilométrage. Si la base de données centrale fonctionne bien, cette mention n'est pas nécessaire pour atteindre l'objectif de la loi.

L'obligation initiale a été modifiée. Le texte prévoit à présent que le Roi pourra imposer l'apposition de cette mention sur la facture.

Le Car-pass doit fonctionner. Tout doit être en place au lancement du système.

La ministre répète que l'indication du kilométrage sur la facture, au début du fonctionnement du système, permettra d'inciter et d'aider les garagistes à respecter leur obligation principale dans le cadre du projet, qui est de transmettre le kilométrage à Car-pass.

Elle est dès lors disposée à proposer cette mesure au Roi.

En ce qui concerne l'amendement nº 3 de M. Ramoudt, qui vise à ce que la mention du kilométrage ne soit pas obligatoire sur les documents de vente destinés à l'exportation, la ministre estime que si la vente est effectuée par un professionnel en Belgique, le kilométrage doit être indiqué sur le document de vente, ce qui permettra à l'acheteur de vérifier si les données contenues dans le document de vente correspondent au kilométrage figurant au compteur.

Elle ne comprend pas pourquoi une telle disposition serait préjudiciable aux exportations; elle ne fera au contraire que conforter le sérieux de nos exportateurs.

En outre, cette mesure vise aussi à lutter préventivement contre la fraude du kilométrage. Il n'y a donc aucune raison de faire une distinction, en cas de vente d'un véhicule en Belgique, selon que cette voiture est destinée à être immatriculée en Belgique ou à l'étranger.

En ce qui concerne l'amendement nº 4, la ministre souligne que si la vente est effectuée par un professionnel en Belgique, le kilométrage doit figurer sur le document de vente, que le véhicule ait déjà été immatriculé en Belgique ou à l'étranger (et soit donc un véhicule d'occasion) ou non.

L'obligation du Car-pass ne s'applique évidemment pas aux véhicules immatriculés à l'étranger. La ministre peut difficilement imposer à tous les professionnels d'Allemagne l'obligation d'enregistrer le kilométrage en Belgique quand ils réparent une voiture, parce que cette voiture pourrait éventuellement y être vendue ultérieurement. La Belgique ne peut pas davantage imposer d'obligation concernant la vente de véhicules d'occasion à l'étranger.

En ce qui concerne son point de vue au sujet des amendements nºs 6 et 7, la ministre renvoie aux interventions qu'elle a faites dans la discussion générale.

V. VOTES

À la suite des réponses données par la ministre à ses amendements nºs 5 et 6, M. Zenner retire ceux-ci.

Pour sa part, M. Ramoudt retire ses amendements nºs 1 et 2.

L'amendement nº 7 de M. Ramoudt, à l'article 4, § 1er, est rejeté par 10 voix contre 1 et 1 abstention.

Les amendements nºs 3 et 4 de M. Ramoudt à l'article 4 sont rejetés par un vote identique.

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 11 voix et 1 abstention.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction de présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Alain Zenner. Jean-Marie Dedecker.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis
par la Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 51 710/7 ­ 2003-2004)


(1) Voir, par exemple, la liste mentionnée dans R. Moerenhout et J. Smets. De samenwerking tussen de federale Staat, de Gemeenschappen en de Gewesten, Kluwer, Deurne, 1994, p. 56, note 278.

(2) L'article 30bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.