3-289/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

23 OCTOBRE 2003


Proposition de loi modifiant la réglementation en matière de congé de deuil

(Déposée par M. Patrik Vankrunkelsven et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Depuis le 1er juillet 2002, tous les pères ont droit à dix jours de congé de paternité à la naissance de leur enfant. La longueur de ce congé pour un « heureux événement » contraste de manière criante avec celle du congé qui est accordé en cas de décès d'un proche parent.

En vertu de la réglementation actuelle, le travailleur peut prendre trois jours de congé à l'occasion du décès de son conjoint, de la personne avec qui il cohabitait légalement et de certains membres de sa famille. En outre, ces jours doivent être pris dans la période commençant le jour du décès et finissant le jour des funérailles.

En tout cas, le travailleur n'a guère le temps de se remettre du décès au cours de cette période : il est totalement absorbé par les formalités pratiques qu'impliquent les funérailles. Le véritable travail de deuil ne commence généralement qu'après celles-ci. C'est pourquoi les personnes qui se trouvent dans pareille situation sont nombreuses à devoir recourir à un congé de maladie ou même à devoir prendre un des jours de congé normaux auxquels elles ont droit.

Il est en effet compréhensible que les personnes qui viennent de perdre un parent proche n'arrivent généralement pas à retrouver immédiatement un rythme de travail normal. La personne qui est confrontée au décès d'un proche doit pouvoir disposer du temps nécessaire pour pouvoir surmonter son deuil et pour pouvoir démêler les sentiments confus qu'elle éprouve, à savoir des sentiments de culpabilité, de l'anxiété et de l'agressivité. En outre, le travail de deuil est souvent cause d'insomnie et, par voie de conséquence, d'épuisement physique.

Les personnes en question qui sont obligées de reprendre immédiatement le travail n'ont pas le temps d'accomplir le travail de deuil normal et nécessaire pour pouvoir mettre de l'ordre dans leurs sentiments. Elles le reporteront dès lors à plus tard auquel cas il risquera souvent de présenter des aspects pathologiques. Il peut en résulter à terme un état de désarroi émotionnel et de dépression mentale qui nuiront à l'efficacité au travail ou nécessiteront un congé de maladie de longe durée.

Le poids des éléments cités ci-dessus est d'autant plus grand que la personne décédée était plus proche. En effet, la législation actuelle ne fait aucune distinction entre le décès d'un père ou d'une mère âgés, d'une part, et le décès d'un conjoint ou d'un enfant mineur, d'autre part. Or, il va de soi qu'en cas de décès de ces derniers, la souffrance et, par conséquent, la confusion et la difficulté du travail de deuil sont bien plus grandes.

Il ressort d'une enquête effectuée aux Pays-Bas que la durée de l'absence augmente avec le degré de parenté. L'absence du travailleur qui a perdu son conjoint ou un enfant sera de plus d'un mois dans la moitié des cas.

Bien que nous estimions que la durée du congé de deuil qui est accordé en cas de perte d'un conjoint ou d'un parent au premier degré devrait être prolongée pour tous les travailleurs, nous souhaitons nous contenter, dans un premier temps, de formuler une proposition visant un objectif moins ambitieux et, surtout, dont l'incidence budgétaire serait inférieure à celle d'une proposition de prolongation au bénéfice du plus grand nombre. Il ressort en effet de ce qui précède que le travail de deuil est surtout particulièrement difficile pour la personne qui vient de perdre un parent proche.

La réglementation actuelle ne prévoit que trois jours de congé pour les personnes qui perdent un conjoint ou un enfant mineur. Nous savons maintenant que c'est tout à fait insuffisant, puisqu'une majorité de celles-ci doivent prendre des congés de maladie ou des congés ordinaires. Du point de vue social, il est injuste d'infliger une deuxième épreuve à des personnes qui viennent de subir un grand malheur. Dans une société qui s'intéresse de plus en plus à la qualité de la vie, nous devons oser rompre avec cette logique désuète.

Dès lors que l'on sait, du point de vue médical, qu'il est indispensable de donner suffisamment de temps aux gens pour qu'ils puissent accomplir un travail de deuil naturel et normal, il est logique de vouloir allonger le congé de deuil. L'on évitera également ainsi que les personnes endeuillées doivent recourir à des solutions impropres telles que le congé de maladie et risquer en outre de la sorte des tensions avec leur employeur.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

A et B) Le 5º de l'article 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 28 août 1963, qui accorde une période de trois jours en cas de décès d'une série de catégories de parents est scindé en un 5º et un 5ºbis, ce qui permet de faire la distinction entre les membres de la famille décédés qui étaient très proches et les autres. En outre, on ajoute les petits-enfants à la première catégorie.

Les travailleurs qui doivent faire face au décès d'un partenaire cohabitant ou d'un enfant, que ce soit le leur ou celui du partenaire avec qui ils cohabitent, reçoivent au total dix jours de congé de deuil. Ces jours peuvent être pris à un moment librement choisi dans l'année du décès. Cette souplesse tire sa justification de la constatation qu'il y a une grande diversité dans les réactions des personnes endeuillées. Certaines ressentent le besoin de prendre les jours de congé de deuil immédiatement après les obsèques, d'autres traversent une période pénible à des moments symboliques ou dans une phase ultérieure de leur travail de deuil. Au demeurant, la modification que l'auteur de la présente proposition de loi veut apporter prévoit que le Roi fixe, après concertation avec les partenaires sociaux, le montant versé dans le cadre de l'assurance maladie-invalidité.

C) Comme les petits-enfants sont mentionnés dans la nouvelle catégorie du 5º, ils sont supprimés des autres dispositions.

Patrik VANKRUNKELSVEN.
Annemie VAN DE CASTEELE.
Jacques GERMEAUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 2, alinéa 1er, 5º, de l'arrêté royal du 28 août 1963 relatif au maintien de la rémunération normale des ouvriers, des travailleurs domestiques, des employés et des travailleurs engagés pour le service de bâtiments de la navigation intérieure pour les jours d'absence à l'occasion d'événements familiaux ou en vue de l'accomplissement d'obligations civiques ou de missions civiles, modifié en dernier lieu par la loi du 10 août 2001, sont apportées les modifications suivantes :

A) le 5º est remplacé par ce qui suit :

« 5º Décès d'un partenaire cohabitant, d'un enfant du travailleur ou du partenaire cohabitant ou d'un petit-enfant.

Dix jours à choisir par le travailleur au cours de la première année qui suit le jour du décès.

Par dérogation à la disposition de la première phrase du présent article, le travailleur bénéficie du maintien de sa rémunération pendant les trois premiers jours d'absence; pendant les sept jours suivants, il bénéficie d'une indemnité dont le montant est fixé par le Roi et qui lui est versée dans le cadre de l'assurance soins de santé et indemnités. »;

B) il est inséré un 5ºbis, rédigé comme suit :

« 5ºbis Décès du père, de la mère, du beau-père, du second mari de la mère, de la belle-mère ou de la seconde femme du père du travailleur.

Trois jours à choisir par le travailleur dans la période qui commence le jour du décès et finissant le jour des funérailles. »;

C) dans le 6º et le 7º, les mots « , d'un petit-enfant » sont supprimés.

Art. 3

La présente loi entre en vigueur le 1er février 2004.

30 septembre 2003.

Patrik VANKRUNKELSVEN.
Annemie VAN DE CASTEELE.
Jacques GERMEAUX.